Lorsqu’un barrage est miné d’explosifs russes depuis plus d’un an, lorsque la Russie agresse l’Ukraine, lorsque les Russes ont prouvé être capables des pires crimes de guerre, comment réagit la communauté internationale face à une catastrophe humanitaire et écologique qui se déroule sous nos yeux ? « On ne connaît pas le coupable », nous disent les médias. « Nous sommes bouleversés », nous disent les ONG et les organisations internationales, sans entreprendre d’action quelconque au nom d’une fausse neutralité.

Le 6 juin dernier, la Russie a détruit le barrage hydroélectrique de Nova Kakhovka, causant un écocide jamais vu depuis des dizaines d’années. Plus de 18 km⁠3 d’eau menacent la vie des habitants de 80 localités sur les deux rives du Dnipro, des milliers d’animaux ont été noyés, et l’écosystème est affecté pour des dizaines d’années à venir. Quelque 400 000 hectares de sol agraire ukrainien seront désormais sans irrigation.

Il n’est pas question d’attendre « une enquête internationale », de savoir qui a tort ou qui a raison ; tous les signes pointent vers le réel coupable. Pour comprendre cela, il faut replacer l’explosion du barrage de Kakhovka dans son contexte. Il faut déjà savoir que le territoire de la centrale hydroélectrique était toujours occupé par les forces russes. La région de Kherson, au nord du Dnipro, a traversé l’occupation russe, et subi, depuis sa libération par l’armée ukrainienne en novembre 2022, des attaques d’artillerie quasi quotidiennes.

La rive sud du Dnipro, où se situe la ville d’Oleshky, est toujours occupée par les Russes, et ces derniers refusent le moindre secours ou les évacuations aux populations coincées par la montée des eaux. Ils ont cependant pris la peine de déplacer leurs unités militaires dans les jours précédant l’explosion du barrage, tel que le montrent les images satellites.

Face à une telle catastrophe, on se serait attendu à une réponse massive des organisations internationales et humanitaires, et pourtant, à part des déclarations officielles, silence radio. Lors d’une conférence de presse le 7 juin, Volodymyr Zelensky a indiqué avoir fait appel à la communauté internationale pour que les populations affectées aient de l’aide. Il s’est pris le répondeur de la Croix-Rouge et de l’ONU. La société civile ukrainienne s’enflamme face à ce manque de réaction : des centaines de volontaires ukrainiens se sont rendus sur place, et aident les habitants à évacuer, tout en servant de cibles à l’armée russe située de l’autre côté du fleuve⁠1, alors que la communauté internationale ne fait rien. Ah si, l’ONU a promis de demander la permission de la Russie pour accéder aux zones occupées et évacuer les civils, les mêmes que la Russie souhaitait noyer… cernez-vous l’ironie ?

PHOTO ALEKSEY FILIPPOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Chat en détresse à Kherson, le 8 juin. L’autrice déplore la « neutralité » de la communauté internationale et des organisations, qui sert l’envahisseur, selon elle.

Le frein de toute action semble être, au-delà de la traditionnelle bureaucratie de telles organisations, leur volonté de rester neutres. Or, si l’État agresseur mise sur ce flou et cette neutralité pour faire avancer sa propagande, comment peut-on se le permettre ? Si cette dite neutralité sert l’envahisseur, comment rester les bras croisés ?

La non-réponse des organisations internationales et non gouvernementales à cette catastrophe fait partie d’une habitude, s’inscrivant dans ces principes de neutralité qui bloquent toute action pour aider les Ukrainiens. Amnistie internationale s’est ramassée sous les feux des projecteurs pour des raisons similaires en août dernier lorsqu’elle a publié un rapport reprochant aux forces armées ukrainiennes de mettre en danger les civils, mettant la victime et l’agresseur sur un pied d’égalité. Cela démontre une insensibilité totale des ONG à ce sujet, même si Amnistie dit avoir « regretté » ses propos.

Les Ukrainiens, habitués à se soutenir entre eux, ont besoin d’un soutien massif et accéléré de la communauté internationale. Ce n’est pas en appelant à l’impartialité journalistique ou humanitaire qu’on aidera l’Ukraine, car c’est justement de cette neutralité que profite l’agresseur russe.

Qui ne dit mot consent. Être neutre, c’est être complice.

1. Près d’une dizaine de personnes ont été blessées par des frappes d’artillerie russe sur les quartiers inondés de Kherson.

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