(Kherson) Des tirs d’artillerie russe ont fait un mort et 18 blessés jeudi en pleine opération de secours à Kherson, dans le sud de l’Ukraine inondé, la Russie accusant elle aussi l’armée ukrainienne de tirs meurtriers et affirmant avoir repoussé plus au nord une offensive de troupes et blindés.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a dit que ses troupes avaient contré jeudi une offensive ukrainienne dans la région de Zaporijjia ;
  • Une frappe russe sur le centre de Kherson a fait des morts et des blessés, a indiqué un responsable de l’armée ukrainienne ;
  • L’explosion lundi en Ukraine d’un pipeline d’ammoniac risque d’avoir un « impact négatif » sur l’avenir de l’accord céréalier, a prévenu jeudi le Kremlin ;
  • Moscou a affirmé devant la Cour internationale de justice que Kyiv avait détruit le barrage de Kakhovka avec des frappes d’artillerie « massives » ;
  • Six personnes sont mortes noyées après la destruction du barrage de Kakhovka.

Les Ukrainiens accusent ces derniers jours l’armée russe de frapper Kherson au moment où des milliers de civils sont évacués des zones inondées à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka situé en amont sur le fleuve Dniepr.

Selon Kyiv, une personne a été tuée et 18 blessées, dont des membres des services d’urgence, dans des frappes russes sur le centre de Kherson et les environs.

« Vous êtes héroïques », a lancé aux sauveteurs travaillant « sous le feu » russe le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans un message publié sur les réseaux sociaux après s’être rendu dans la région où plus de 600 km2 ont été inondés.

À ce stade, les autorités ukrainiennes et d’occupation russe recensent six morts dans les inondations.

PHOTO STRINGER, REUTERS

Kherson, le 8 juin 2023

Les autorités d’occupation russe en Ukraine ont de leur côté accusé Kyiv de bombardements qui ont tué deux personnes, dont une femme enceinte, dans un point d’évacuation à Golan Pristan, dans la zone sous contrôle russe.

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a par ailleurs affirmé que ses troupes avaient contré une offensive ukrainienne dans la région de Zaporijjia, au nord-est de celle de Kherson, à l’heure où Kyiv se dit prêt à lancer un assaut pour reconquérir les territoires occupés par Moscou.

« Aujourd’hui à 1 h 30 du matin (mercredi 18 h 30, heure de l’Est) dans la zone de Zaporijjia, l’ennemi a tenté de percer nos défenses avec […] jusqu’à 1500 hommes et 150 véhicules blindés », a affirmé M. Choïgou dans un communiqué. « L’ennemi est stoppé et recule avec de lourdes pertes », a-t-il affirmé.

Des affirmations toutefois invérifiables de source indépendante. Les autorités ukrainiennes n’ont pas fait mention de ces évènements dans l’immédiat.

Accusations mutuelles

Moscou et Kyiv se rejettent la responsabilité de la destruction, mardi, du barrage de Kakhovka situé sur le Dniepr, qui fait craindre une catastrophe humanitaire et écologique.

Mise en cause dès mardi par l’Ukraine, qui l’a accusée d’avoir dynamité le barrage pour couper la route à une offensive dans le sud en direction de la Crimée, la Russie affirme à l’inverse qu’il s’agit d’un acte « barbare » commis par les Ukrainiens.

Un représentant russe a répété ces accusations jeudi devant la Cour internationale de justice (CIJ), à l’occasion d’une audience sur le soutien militaire que l’Ukraine l’accuse d’avoir apporté aux séparatistes du Donbass (est) à partir de 2014.

« L’Ukraine a déclaré que la Russie a fait exploser le grand barrage situé à Nova Kakhovka. En fait, c’est l’Ukraine qui l’a fait », a déclaré l’ambassadeur de Russie aux Pays-Bas, Alexander Shulgin, devant la cour.

Selon le gouvernement ukrainien, 2339 personnes ont été évacuées de la zone inondée, où 32 localités ont été submergées. Un homme est mort, ont affirmé les services d’urgence.

Côté occupation russe, « 5000 personnes » ont été évacuées, a indiqué sur Telegram Vladimir Saldo, un responsable de l’administration russe locale.

Plus de 20 000 consommateurs sont toujours privés d’électricité, selon le ministère ukrainien de l’Énergie, qui a demandé à l’Europe de lui fournir davantage d’électricité

Le ministre, Guerman Galouchtchenko, a déclaré par ailleurs que la centrale nucléaire de Zaporijjia, refroidie par l’eau du Dniepr, ne présentait « pas de risque imminent à ce stade » mais exigeait d’être « surveillée ».

L’opération de pompage du réservoir d’eau du barrage de Kakhovka pour refroidir le combustible « devait pouvoir se poursuivre même si le niveau descendait au-dessous du seuil de 12,7 mètres », a assuré l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans un communiqué.

Après examen, il s’est avéré que les opérations de pompage devraient « pouvoir se poursuivre même si le niveau descendait au-dessous du seuil actuel de 12,7 mètres », précédemment jugé critique, a expliqué l’instance onusienne dans un communiqué, qui fixe désormais la limite à « 11 mètres, voire plus bas ».

Auparavant, l’opérateur du barrage, Ukrhydroenergo, avait estimé que le niveau de l’eau ne permettait plus d’assurer le refroidissement des réacteurs.

Quand le barrage ne pourra plus être utilisé, la centrale pourra avoir recours à « un grand bassin de rétention situé à proximité, ainsi qu’à des réserves plus petites et à des puits sur place qui peuvent fournir de l’eau de refroidissement pour plusieurs mois », a précisé l’AIEA.

« Surveillance des maladies »

La Croix-Rouge a assuré participer aux opérations d’évacuation en territoire ukrainien, avec une cinquantaine de volontaires. L’aide des Nations unies va quant à elle être augmentée, selon Kyiv jeudi.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a appelé les membres de l’Alliance à « fournir un soutien rapide ».

Les Pays-Bas ont annoncé jeudi l’envoi en Ukraine de bateaux de sauvetage, de pompes à eau et de gilets de sauvetage.

Côté sanitaire, du fait des conséquences de l’inondation sur « l’approvisionnement en eau, les systèmes d’assainissement et les services de santé publique », l’OMS a apporté son aide pour que les autorités et les professionnels la santé puissent « prendre des mesures préventives contre les maladies d’origine hydrique » et pour « améliorer la surveillance des maladies », a assuré à la presse son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Le président Zelensky a déclaré, dans une allocution en visioconférence à des représentants environnementaux du monde, que « des entrepôts de carburant, des entrepôts de produits chimiques, des entrepôts d’engrais, des cimetières d’animaux, dont au moins deux “cimetières à anthrax” – tous deux situés dans le territoire temporairement occupé – ont été inondés. Nous ne savons pas ce qu’il en est advenu aujourd’hui ».

Le Kremlin a enfin averti jeudi que l’explosion lundi d’un pipeline d’ammoniac en Ukraine, essentiel pour l’exportation des engrais, risquait d’avoir un « impact négatif » sur l’avenir de l’accord céréalier crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial, qu’elle rechigne à prolonger.