En réponse à l’éditorial de Philippe Mercure, « La fin de la récréation pour les expropriations », publié le 29 mai

L’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ) souhaite apporter quelques éclairages et observations à la suite de la publication de l’éditorial de Philippe Mercure intitulé « La fin de la récréation pour les expropriations ».

Tout comme M. Mercure, l’OEAQ accueille favorablement la démarche du gouvernement du Québec visant à moderniser la Loi sur l’expropriation qui date de 50 ans. Vivement une réforme du cadre législatif en matière d’expropriation afin de l’adapter aux enjeux et réalités d’aujourd’hui.

Lisez l’éditorial de Philippe Mercure

Le projet de loi 22 déposé la semaine dernière propose notamment, et à juste titre, plusieurs mesures qui clarifieront les relations entre les parties impliquées dans une expropriation et établit de nouvelles procédures. Du fait de sa mission de protection du public et de la pratique du millier de professionnels assujettis à son Code de déontologie, l’OEAQ compte apporter sa contribution au débat et communiquer ses recommandations.

Quelques précisions

La manière dont les indemnités sont établies pour les expropriés suscite bien des questions et doit viser l’atteinte du juste équilibre. Là aussi nous sommes d’accord avec M. Mercure. Toutefois, il importe de rappeler certains faits afin d’équilibrer également le débat sur ce sujet imminemment sensible. Affirmer que les personnes expropriées au Québec auraient été en pleine récréation et que l’on doit « sonner la fin de la fête pour les expropriés » nous apparaît injuste.

Demandez aux propriétaires s’ils pensent réellement que c’est de gagner à la loterie de se faire exproprier et ils vous répondront qu’ils préfèrent, et de loin, garder leur maison ou leur terrain. Et ils sont prêts à discuter avec les villes ou les ministères pour trouver la meilleure solution possible.

Environ 95 % des dossiers d’expropriation et d’acquisition de gré à gré avant même la transmission d’un avis d’expropriation sont réglés par voie de négociation. Les procédures, règles et mécanismes en amont sont cruciaux pour diminuer le nombre de cas qui aboutissent au tribunal. L’OEAQ entend émettre des recommandations afin que l’on puisse atteindre un taux encore plus faible. On ne s’attardera jamais trop sur cette importante dimension.

Pour les dossiers qui atterrissent dans les tribunaux, il est faux d’affirmer que ces derniers distribuent des indemnités qui n’ont rien à voir avec la réalité. Le Tribunal administratif du Québec, qui est composé de juristes aguerris et d’évaluateurs agréés de grande expérience, fixe les indemnités en fonction d’une analyse poussée des preuves et expertises déposées et d’une jurisprudence développée à partir des décisions du Tribunal administratif, de la Cour supérieure, de la Cour d’appel et de la Cour suprême du Canada.

Le Code civil du Québec est clair à ce sujet, les expropriés ont droit à « une juste et préalable indemnité ». Et la doctrine et la jurisprudence au Québec définissent une « juste indemnité » comme étant « l’exact équivalent de la chose expropriée qui permettra au citoyen frappé par l’expropriation de se procurer une chose absolument semblable ».

Donc pas d’enrichissement, ni d’appauvrissement.

« Valeur au propriétaire »

Le concept juridique de « valeur au propriétaire » n’est pas un concept flou. Celui-ci a été éprouvé au cours des années par des décisions judiciaires des hautes cours du pays. La valeur d’un terrain qui est établie en fonction du principe « de l’usage le meilleur et le plus profitable que son propriétaire pourrait en faire » constitue un des principes les plus importants qui est au cœur des normes de pratiques professionnelles de l’OEAQ, de l’Institut canadien des évaluateurs et des normes internationales qui guident les évaluateurs.

Plusieurs exemples sensationnels d’indemnités, en apparence trop élevées, ont été cités dans les médias dernièrement sans toutefois fournir les justifications menant aux sommes accordées et sans expliquer les conséquences concrètes et réelles sur les expropriés si nous devions dorénavant utiliser le principe de « valeur marchande ».

L’OEAQ, qui a pour mission de garantir la qualité des actes posés par les professionnels assujettis à son Code de déontologie, dont plusieurs estiment les indemnités qui devraient être versées tant pour des corps expropriants que pour des expropriés, en appelle à un débat et une discussion sérieuse sur ce sujet qui touche l’ensemble des Québécois.

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