Le Printemps arabe de 2011 qui avait vu naître les espoirs de se débarrasser de dictateurs et de régimes corrompus est bel et bien terminé. L’hiver s’est installé dans la région.

Le démantèlement graduel de la démocratie en Tunisie par le président Kaïs Saïed et le retour la semaine dernière de la Syrie au sein de la Ligue arabe, après 12 ans de mise à l’écart, en sont la confirmation.

La Tunisie était le seul pays véritablement entré en démocratie, après avoir forcé le président Ben Ali à l’exil. On y voyait un exemple à suivre. Elle est désormais aux mains d’un président autocrate et hautain, décidé à imposer sa vision personnelle et autoritaire vis-à-vis d’une population désabusée et démobilisée.

Après avoir décrété l’état d’exception le 25 juillet 2021, il a graduellement neutralisé tous les contrepouvoirs mis en place par les démocrates pour empêcher un retour à la dictature.

Le dirigeant tunisien a fait adopter en sa faveur une nouvelle constitution avec seulement 30,5 % de participation. Les récentes élections législatives, boycottées par l’opposition, ont récolté un taux de vote de 11 % !

Ces piètres résultats n’arrêtent pourtant pas le président Saïed dans sa lancée. Cherchant des boucs émissaires, il a accusé récemment les immigrants africains en Tunisie de vouloir remplacer les populations arabes. À la suite de violences et de menaces à l’égard de leurs ressortissants en Tunisie, des ambassades africaines ont dû les évacuer en urgence.

Depuis le début de février, plus de 20 opposants et des personnalités, parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la radio la plus écoutée du pays, Mosaïque FM, ont été arrêtés. Ces incarcérations incluent celle de Rached Ghanouchi, chef historique du mouvement islamiste Ennahda, qui avait contribué, avec d’autres secteurs de la société civile, à la mise en place du processus démocratique tunisien. Il vient d’être condamné à un an de prison pour apologie du terrorisme.

Pourquoi la transition démocratique a-t-elle échoué dans ce pays ? Les raisons sont nombreuses et variées.

Citons par exemple les conflits de personnalité de certains responsables gouvernementaux et le comportement d’une partie de la classe politique donnant l’image d’être davantage intéressée par le pouvoir que par le sort de la population. Cette dernière avait peut-être aussi des attentes trop grandes à l’égard de la démocratie. Ce système n’est pas un remède miracle à tous les problèmes. Et il demande une certaine patience pour qu’elle porte ses fruits.

Les ressources économiques de la Tunisie sont aussi limitées. Les nations occidentales, si promptes à défendre les valeurs démocratiques lors de discours, le sont parfois moins lorsqu’il faut le faire de manière concrète, avec de l’appui politique et économique.

Retour en grâce de Bachar al-Assad

L’autre développement peu reluisant est l’affligeant retour du président syrien Bachar al-Assad sur la scène internationale. On le voyait dernièrement donnant des accolades au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, au sommet de la Ligue arabe à Jeddah.

Celui qui a forcé à l’exil des millions de Syriens, détruit le pays et fait des centaines de milliers de victimes a simplement regardé passer la tempête, avec les appuis russe, iranien et du Hezbollah libanais. Opportuniste, il a profité des destructions subies lors du récent tremblement de terre dans la région pour obtenir de l’aide humanitaire notamment de pays du Golfe, dont sans doute une partie a été détournée.

Assad a aussi utilisé un moyen de pression assez inusité : la production à grande échelle et le trafic d’une drogue de synthèse appelée captagon, un stimulant. Le quotidien New York Times rapportait que la responsabilité opérationnelle de ce trafic revenait au frère cadet du président, le général Maher al-Assad, chef du groupe d’élite de l’armée syrienne.

On prétend que pour essayer de faire cesser le trafic de captagon, l’Arabie saoudite aurait concocté le retour de la Syrie à la Ligue arabe. En effet, il fait des ravages dans la jeunesse saoudienne.

Des observateurs pensent que le rapprochement entre Téhéran et Riyad obtenu récemment à la suite des efforts chinois aurait aussi joué un rôle. Les dirigeants arabes auraient apparemment conclu qu’Assad était là pour de bon et espéraient qu’en reprenant le dialogue, ils pourraient lui faire adopter des réformes politiques.

Il faut maintenant souhaiter que nos capitales ne tirent pas la conclusion douteuse des pays arabes de l’influence positive du dialogue avec Assad. Ce dernier a comme seul objectif la préservation de son régime sectaire. On lui prête aussi l’intention de reprendre le contrôle de Damas sur le Liban. Il serait à la manœuvre pour mettre un président fantoche prosyrien à Beyrouth.

La perte d’intérêt des pays occidentaux pour le Moyen-Orient, l’entrée de la Chine dans le portrait et la présence accrue de la Russie ne sont malheureusement pas des vecteurs prometteurs pour l’avenir de la démocratie et des droits de la personne dans cette région stratégique.

Cela survient alors qu’on y fait face à des défis majeurs, qu’ils soient climatiques, migratoires, sociaux ou économiques. Il n’est pas évident que les leaders autocrates qui s’y trouvent puissent les confronter efficacement. L’hiver risque d’y être long.

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