La réaction à l’itinérance se traduit souvent par des mesures d’urgence temporaires, que l’on pense à l’ajout de lits en hébergement, de services de transport ou de haltes-chaleur à l’annonce de grands froids.

Ces actions nécessaires visent à éviter que des personnes en situation de précarité se retrouvent à la rue dans des moments de grande vulnérabilité. Quand il y a un feu, il faut l’éteindre. Mais si on veut vraiment s’engager dans la prévention de l’itinérance, avec toutes les conséquences négatives qui s’y rattachent, il importe de faire plus. Le temps est venu d’élargir notre façon d’aborder l’itinérance afin d’englober la prévention, ce qui implique la mise en place d’une panoplie de mesures, allant de nouvelles dispositions législatives à de nouveaux programmes très ciblés.

Un fardeau lourd à porter

Certaines instances gouvernementales, que l’on pense au milieu carcéral, aux hôpitaux ou à la Direction de la protection de la jeunesse, participent à l’augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance, en ne s’assurant pas que tous leurs patients et clients évitent l’itinérance à leur sortie. Elles transfèrent ainsi un lourd fardeau au secteur communautaire.

Il en est de même avec le phénomène des évictions résidentielles. L’insuffisance des protections légales des locataires et l’absence de mécanismes pour aider les locataires en situation de crise financière ou autre à éviter l’éviction sont d’autres sources d’itinérance. L’augmentation rapide des loyers, qui procède de différents facteurs, contribue aussi à l’incapacité de nombreux ménages à payer leur loyer. Nous devons éviter à tout prix que les locataires évincés de leur appartement se retrouvent à la rue ou dans un refuge.

En tant que membres du Collectif québécois pour la prévention de l’itinérance (CQPI), notre travail consiste à mieux comprendre comment prévenir l’itinérance, que ce soit par des changements législatifs ou la mise en place de nouveaux programmes. Il est vrai que ces changements et ces nouveaux programmes entraîneront un certain coût à court terme, mais il est vrai aussi qu’en prévenant que des personnes basculent dans l’itinérance chronique, non seulement nous contribuerons à préserver la santé de ces personnes (car l’itinérance est très mauvaise pour la santé), mais nous générerons aussi des économies importantes en refuges d’urgence et autres services de santé, sociaux et judiciaires.

La recherche est indispensable afin de mettre en place des politiques fondées sur des données probantes et de guider les décisions en matière de politique publique.

Au Québec, le nombre d’études portant sur l’itinérance demeure peu élevé. On ignore souvent ce qui détermine le bon fonctionnement d’un projet ou d’un programme en itinérance. Nous aurions tout intérêt à nous pencher davantage sur le sujet.

Un retard à rattraper

Ailleurs, que ce soit dans le reste du Canada, aux États-Unis ou en Europe, des expériences et des recherches nous laissent entrevoir des pratiques prometteuses. Au pays de Galles et en Finlande, par exemple, des initiatives législatives avant-gardistes mettant l’accent sur le droit au logement et l’intervention précoce de l’État ont eu un important impact sur la demande de services d’urgence en itinérance. Nous pouvons nous inspirer de ces exemples. Même si le Québec a mis en place une Politique nationale de lutte à l’itinérance, nous pouvons continuer d’apprendre des meilleures pratiques instaurées par d’autres administrations canadiennes et d’autres qui misent davantage sur la prévention.

Au début du mois de mai, la prévention en itinérance a été au cœur d’un colloque réunissant des chercheurs, des acteurs du milieu communautaire et des représentants des différents ordres gouvernementaux, à Montréal. Sur le thème « La prévention de l’itinérance : de la recherche aux politiques », cet évènement a été l’occasion de créer un dialogue avec les instances politiques et de transmettre directement les recommandations, tant du milieu académique que communautaire.

Parmi les propositions avancées : que le Québec se dote d’une loi sur la prévention de l’itinérance, dans laquelle le gouvernement reconnaît le rôle qu’il a à jouer au sein de ses propres instances. La prévention de l’itinérance ne devrait pas être principalement portée par le milieu communautaire. Nous pouvons et nous devons faire mieux collectivement.

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