En réponse à la chronique de Sylvain Charlebois « Le chialage de l’UPA » ⁠1, publiée le 19 avril dans la section Affaires

Le directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, a récemment critiqué un sondage de l’Union des producteurs agricoles (UPA) mesurant les conséquences de l’inflation et de la flambée des taux d’intérêt sur la situation financière des fermes québécoises.

L’impact des augmentations est pourtant sans équivoque. Selon les 3675 répondants, 2 entreprises agricoles sur 10 rapportent déjà une mauvaise ou très mauvaise santé financière (0-5 ans : près de 3 sur 10), près de 5 fermes sur 10 anticipent une détérioration de leur situation au cours des 12 prochains mois et 1 ferme sur 10 prévoit même fermer définitivement ses portes dans l’année qui vient.

Ces statistiques corroborent celles de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises (premier trimestre 2023) de Statistique Canada, diffusées précédemment, et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui prévoit une diminution de 22,8 % des profits (revenu net) dans le secteur agricole en 2023, en raison notamment de l’augmentation des taux d’intérêt. Elles vont aussi dans le même sens que l’enquête de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, que M. Charlebois cite lui-même dans sa propre chronique. L’emploi des mots « chialage », « plaignards », « pessimistes » et « alarmants » est donc déroutant ou, à tout le moins, à géométrie variable.

Ce dernier indique aussi que l’UPA « ne manque jamais une occasion de rappeler aux Québécois que les agriculteurs ont la vie dure ». Ce n’était pas son intention, mais nous prenons cette affirmation comme un compliment.

La mission de l’UPA est de défendre les intérêts des productrices et des producteurs agricoles de toutes les régions et de tous les secteurs de production. Décrire et documenter les difficultés que vivent des centaines d’entre eux, particulièrement ceux de la relève, est donc un volet essentiel de notre action.

D’autres aspects de notre mission, comme la valorisation de l’agriculture, de l’achat local, des pratiques durables, de la profession, de la sécurité et du mieux-être, font aussi partie de nos nombreuses initiatives. Triée sur le volet, la nature de nos interventions s’apparente donc beaucoup plus à du tripotage d’information qu’à une véritable analyse de la situation.

M. Charlebois a presque raison lorsqu’il prétend que « tout le monde en arrache, pas seulement les agriculteurs ». La vérité, c’est que certaines personnes, ou certains groupes de personnes, vivent la situation économique actuelle plus difficilement que d’autres. Il en fait lui-même la démonstration lorsqu’il rappelle spécifiquement que « les ménages ayant une hypothèque de 300 000 $ à taux variable, amortie sur 25 ans, verront leurs paiements augmenter d’environ 600 $ par mois » et que « l’inflation alimentaire forcera ce même ménage à payer 1065 $ de plus pour se nourrir cette année ».

Réclamer un soutien additionnel pour ces personnes est légitime. Toutefois, nous ne voyons pas en quoi une intervention directe auprès des fermes en difficulté serait une avenue à écarter. Assurer l’avenir alimentaire des Québécois, très largement tributaires d’une agriculture à 94 % familiale plus impactée que d’autres secteurs économiques, est plutôt un choix de société tout à fait méritoire. L’établissement d’un diagnostic neutre et indépendant sur la situation dans l’industrie porcine, que nous avons demandé récemment à la lumière des difficultés d’Olymel et des fonds nécessaires à sa restructuration, va dans le même sens.

Bien entendu, l’analyse de M. Charlebois aurait beaucoup plus de mérite s’il avait demandé plus d’information sur notre démarche (méthodologie, etc.). Mais nous comprenons que ce n’était pas le but véritable de son exercice. Une telle omission peut paraître sympathique aux yeux de certains, mais elle a fondamentalement peu d’utilité pour le bien commun.

1. Lisez la chronique de Sylvain Charlebois « Le chialage de l’UPA » Qu’en pensez-vous ? Exprimez votre opinion Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion