(Varsovie) Le transit des céréales et autres produits agricoles par la Pologne, suspendu par Varsovie pendant presque une semaine, a officiellement repris vendredi, le gouvernement annonçant par ailleurs d’importantes aides aux agriculteurs.

La Pologne et d’autres pays de l’Union européenne frontaliers de l’Ukraine ont imposé des interdictions provisoires sur les importations de céréales ukrainiennes à la suite des protestations des agriculteurs contre l’effondrement des prix lié à leur afflux.

Les céréales ukrainiennes destinées à des pays étrangers transitent par l’Union européenne depuis que l’itinéraire traditionnel d’exportation via la mer Noire est bloqué par l’invasion russe.

Le transit par la Pologne de plusieurs denrées alimentaires, dont le sucre, la viande, les fruits et les légumes, a été autorisé à partir de 2 h (20 h heure de l’Est), après l’entrée en vigueur d’une réglementation gouvernementale.

Les exportateurs ukrainiens ne peuvent cependant pas vendre ces produits sur le marché polonais.

« Nous supposons que les contrôles seront assez fluides, jusqu’à présent il n’y a pas de signes [montrant] que des files d’attente se formeront », a déclaré Bartosz Zbaraszczuk, le chef de l’agence polonaise des Douanes, à la radio RMF24 vendredi.

Le premier convoi comprenait cinq camions transportant de la viande, des œufs et du maïs vers les Pays-Bas.  

La Pologne a interdit le 15 avril l’entrée de dizaines de denrées alimentaires ukrainiennes, principalement des céréales, en réponse aux protestations des agriculteurs.

La décision a été prise sans consulter ni l’Ukraine, ni la Commission européenne, provoquant des critiques à la fois à Kyiv et à Bruxelles.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, des stocks de céréales se sont accumulés en Pologne, faisant chuter les prix locaux, ce qui a conduit à des manifestations et à la démission du précédent ministre polonais de l’Agriculture.

Environ quatre millions de tonnes de céréales ukrainiennes seraient actuellement stockées en Pologne.  

La Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie ont, par la suite, elles aussi imposé des interdictions provisoires similaires.

Traceurs GPS

Mardi, Varsovie et Kyiv ont annoncé un accord pour permettre le transit par la Pologne, sous strict contrôle, avec en particulier la mise en place de scellés électroniques munis de traceurs GPS sur les convois qui seront de plus escortés, pendant une semaine, par des douaniers polonais.

Un véhicule transportant de tels produits ne pourra « sortir de notre champ de vision que lorsqu’il entrera dans un port […] ou qu’il quittera la frontière polonaise », a déclaré M. Zbaraszczuk.

Les agriculteurs quant à eux restent sceptiques quant aux mesures prises par le gouvernement polonais.

« Cela ne réglera pas la situation dans nos fermes et nos entrepôts » car les céréales ukrainiennes envoyées dans les ports polonais seront « en concurrence avec nos produits », a déclaré à la presse Wieslaw Burzynski, de la chambre agricole de la région de Poméranie Nnord).  

Pour tenter de calmer la colère des agriculteurs, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé vendredi des aides d’un montant total de dix milliards de zlotys (environ 3,2 milliards de dollars canadiens) provenant du budget de l’État qui comprennent notamment des subventions pour la vente des céréales.

« Nous utilisons nos propres ressources provenant du budget de l’État polonais mais l’accord doit venir de la Commission européenne - afin qu’un fonctionnaire européen ne frappe pas à la porte d’un agriculteur pour exiger le remboursement de ce paiement que nous avons effectué », a-t-il ajouté.

Le gouvernement populiste à Varsovie reproche à Bruxelles une réaction trop tardive face à l’afflux des céréales ukrainiennes.  

Vendredi également, les ministres polonais, roumain, bulgare, slovaque et hongrois de l’Agriculture ont remis une lettre à la Commission européenne, demandant en particulier que les mesures du transit s’appliquent aussi à d’autres produits que les céréales, selon un communiqué du ministère polonais.  

Les cinq pays ont également souligné ne pas être « d’accord avec la situation dans laquelle tout le poids de la gestion de l’augmentation des importations repose uniquement sur quelques pays membres de l’UE » et ont appelé à accélérer la préparation de nouvelles aides à ces pays.