Manifeste pour un encadrement juridique des conditions de vie des animaux d’élevage au Québec

Comme la majorité des Québécois.es, nous considérons que les animaux destinés à la consommation devraient être élevés dans des conditions leur assurant un minimum de bien-être. Il existe un vaste consensus scientifique voulant que ces animaux soient tout aussi capables de ressentir de la douleur et de la souffrance que nos chiens, chats et autres animaux de compagnie.

Plus la recherche progresse, plus nous découvrons que de nombreux animaux ont des capacités cognitives et émotionnelles bien plus complexes qu’initialement soupçonné – et cela vaut autant pour les chiens et les chats que pour les vaches, les cochons, les poules et les autres mammifères et oiseaux élevés pour notre consommation. Il est donc nécessaire de tenir compte des intérêts et des besoins de tous les animaux dans notre façon de les traiter, qu’ils finissent par se retrouver à dormir sur notre divan ou encore dans notre assiette.

Il nous apparaît inconcevable, et contraire aux avancées de la science sur ces questions, qu’en 2023, les animaux d’élevage ne bénéficient de pratiquement aucune protection juridique. En effet, la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, adoptée en 2015, exclut toujours les animaux utilisés à des fins agricoles des protections, pourtant de base, prévues aux articles 5 (obligation de fournir à un animal de l’eau et de la nourriture, un environnement adéquat et des soins lorsque blessé ou malade) et 6 (interdiction de causer de la détresse à un animal), pourvu qu’ils soient traités conformément aux « règles généralement reconnues » de l’industrie. Comme ces règles ne sont pas définies dans la Loi, une telle exception a pour effet de conférer à l’industrie le pouvoir de déterminer elle-même quelles pratiques sont « généralement reconnues » et donc légales.

Cette exemption à la loi permet essentiellement au secteur privé de s’autoréglementer relativement au bien-être animal, ce qui représente, à nos yeux, une abdication de responsabilité publique de la part du gouvernement.

Il nous apparaît contraire au bon sens de donner à une industrie où transitent des millions d’êtres sensibles le pouvoir de s’autoréguler.

La société québécoise, pourtant reconnue pour ses valeurs progressistes, accuse un retard important face aux nombreuses nations à travers le monde qui ont adopté depuis des décennies des lois ou règlements dictant des normes de soins obligatoires pour les animaux destinés à la consommation.

Nous sommes persuadé.e.s que tou.te.s ensemble, gouvernement, producteur.trice.s et citoyen.ne.s, nous voulons et pouvons faire mieux pour le bien-être des animaux élevés pour la consommation au Québec. Nous croyons fermement qu’il est temps de combler le vide juridique en cette matière et qu’il est nécessaire que le gouvernement encadre enfin formellement les conditions de vie de ces animaux. Nous demandons donc la mise en place d’une réglementation établissant des normes minimales obligatoires, comme c’est le cas dans nombre de pays à travers le monde. Un tel encadrement réglementaire ne pourra qu’avantager les productions déjà soucieuses du bien-être animal et inciter les autres à adopter les meilleures pratiques.

En protégeant tous les animaux, y compris ceux élevés pour la consommation, nous faisons un pas en avant vers un monde plus juste et plus équitable pour tous les êtres vivants. Nous reconnaissons que nous sommes acteurs au sein d’un écosystème plus vaste que celui imposé par des forces économiques qui exercent diverses pressions sur tous les protagonistes, qu’ils soient producteurs, consommateurs ou animaux. En reconnaissant la nécessité d’assurer un bien-être minimal à tous, c’est à chacun des acteurs du système que nous accordons ainsi respect et dignité.

Consultez
le manifeste
https://signezpourlesproteger.ca/#formulaire

* Cosignataires : Yves-Marie Abraham, professeur à HEC Montréal, chercheur en éthique environnementale et animale ; Jessica Barker, animatrice et actrice ; MFrédéric Bérard, professeur de droit et chroniqueur ; Josée Blanchette, journaliste et auteure ; Stéphanie Boulay, autrice-compositrice-interprète ; Simon Boulerice, auteur, comédien et chroniqueur ; Julien Corriveau, humoriste ; Christiane Charette, animatrice et productrice ; Françoise David, militante féministe et femme politique ; Martine Delvaux, écrivaine ; Xavier Dolan, réalisateur ; Élise Desaulniers, autrice ; Xavier Desharnais, athlète de nage en eau libre ; Catherine Girard-Audet, autrice ; MAnne-France Goldwater, avocate ; Étienne Harnad, directeur de la revue scientifique Animal Sentience et professeur titulaire à l’UQAM ; DMartin Juneau, cardiologue, Institut de cardiologie de Montréal ; DJean-Jacques Kona-Boun, médecin vétérinaire et spécialiste en anesthésiologie vétérinaire ; Claudia Larochelle, journaliste, animatrice et écrivaine ; Myriam LeBlanc, comédienne ; Maryse Letarte, autrice-compositrice-interprète ; Ianik Marcil, économiste indépendant ; Brigitte Matte, artiste peintre ; Jean-François Mercier, humoriste, auteur et comédien ; Joëlle Morin, comédienne ; Marina Orsini, comédienne et animatrice ; Geneviève Pettersen, autrice, scénariste et animatrice ; Paul Piché, auteur-compositeur ; Michel Rivard, auteur-compositeur-interprète ; MAlain Roy, professeur de droit ; Patrick Senécal, auteur ; Michel Seymour, professeur retraité de l’Université de Montréal ; Dre Enid Stiles, vétérinaire et ancienne présidente de l’Association canadienne des médecins vétérinaires ; Mara Tremblay, artiste ; Patricia Tulasne, comédienne ; Marie-Ève Trudel, comédienne ; Julie Snyder, animatrice et productrice

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