En lisant la dernière chronique de Régis Labeaume⁠1, je me suis dit que l’ancien maire de Québec aurait pu ajouter un volet important à son hommage à la première ministre démissionnaire de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern.

Le parcours de cette femme en politique est exemplaire et inspirant à bien des égards. Lui dire merci pour sa candeur, son authenticité, sa transparence, sa lucidité, son humanité à l’égard de sa noble sortie de scène est fort à propos. Mais on devrait aussi la louanger et surtout l’ériger en modèle au regard de sa façon très démocratique d’avoir exercé le pouvoir.

Mme Ardern a d’abord été première ministre dans un contexte de coalition gouvernementale, conséquence du nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire en vigueur dans son pays, lequel a eu l’audace – contrairement à nous – de mettre au rancart le vieux système électoral britannique uninominal à un tour.

Sa façon de diriger la coalition avec une partie de l’opposition, le Parti vert, a été à ce point exemplaire que Mme Ardern a remporté les élections suivantes, les dernières, avec une majorité des sièges.

Un exploit dans un système de multipartisme géré par un système électoral proportionnel. À la suite de ce scrutin, tout le monde s’attendait à ce que son parti, le Parti travailliste, gouverne dorénavant seul, sans partage. Or, contre toute attente, Mme Ardern a choisi de maintenir la gouvernance de son pays en coalition politique. Wow ! Quelle fraîcheur ! Quelle audace ! Quelle conception noble de la démocratie représentative et de l’exercice du pouvoir ! Quel message pour les opportunistes, les cyniques et les autocrates d’un peu partout.

Peut-on imaginer une telle attitude d’ouverture chez nous où un premier ministre a plutôt choisi de renier sa parole et de s’installer au pouvoir avec 90 sièges sur 125 grâce à l’appui d’un peu moins de 41 % de l’électorat ? Le tout en promettant de ne pas faire la réforme promise, c’est-à-dire le contraire de ce qu’il avait dit et redit avant pendant sept ans ?

Malgré ce qu’affirment publiquement plusieurs analystes et commentateurs qui font l’apologie du statu quo et qui, de facto, soutiennent que c’est naïf d’affirmer qu’on peut faire la politique autrement, l’exemple de Jacinda Ardern est la preuve qu’ils ont tort. C’est aussi la preuve qu’une culture politique de détestation des adversaires peut être remplacée par une culture de collaboration. Des idéaux nobles défendus et mis en œuvre par des personnes honnêtes et courageuses peuvent renverser des ordres établis séculaires et dépassés.

Bien sûr, les rivalités politiques existent toujours en Nouvelle-Zélande, mais le nouveau système électoral permet de penser et d’agir différemment, plus en conformité avec l’idéal démocratique qui promeut non seulement le respect de la volonté de la majorité populaire mais qui vise aussi à élargir le plus possible cette majorité afin que le maximum de citoyennes et de citoyens se sentent dans le coup par rapport à la gouverne de l’État.

Oui, merci, Madame Ardern, pour cette grande leçon de démocratie en ces temps turbulents où le populisme et l’autocratie font de plus en plus de ravages.

1. Lisez la chronique de Régis Labeaume : « Merci, Madame Ardern » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion