Le coût de l’épicerie, du logement et de l’essence vous accable ? Vous faites probablement partie des 1,7 milliard de travailleuses et travailleurs pour qui le rythme de l’inflation dépasse celui du salaire. Avez-vous pensé à vous inspirer des milliardaires ?

Commencez par une stratégie d’évitement fiscal. C’est simple : achetez une entreprise puis, au lieu de vous verser un salaire sur lequel vous devriez payer des impôts, empruntez de l’argent à une banque, qui vous fera confiance parce que vous avez déjà une entreprise ayant une valeur, tel Elon Musk qui a emprunté sur ses actions de Tesla pour acheter Twitter. Surtout, ne vendez pas vos actifs : vous généreriez des revenus qui seraient imposés. Bienvenue dans l’univers des revenus gagnés sans avoir à travailler.

Si vous possédez une multinationale, répercutez l’augmentation de vos coûts sur les consommateurs, mais ne nuisez surtout pas aux dividendes de vos actionnaires. Surtout, utilisez l’inflation comme distraction pour imposer des prix encore plus élevés. Si vous êtes dans les secteurs de l’alimentation ou de l’énergie, là où un petit nombre d’entreprises contrôlent le marché, vous pourrez maintenir des prix élevés sans craindre la concurrence. Là encore, vos grands actionnaires en récolteront les fruits pendant que les citoyens ordinaires en assumeront la facture.

Ne négligez pas les stratégies plus audacieuses : dissimulez vos avoirs dans des paradis fiscaux ou, encore, faites pression pour obtenir des exonérations fiscales. Enfin, vous pourriez vous en sortir en ignorant tout simplement vos obligations fiscales, notamment si l’administration fiscale de votre pays manque de ressources pour les faire respecter.

Après une vie heureuse passée à vous détendre sur votre yacht, transmettez votre patrimoine à vos héritiers sans payer d’impôt, car la plupart des pays n’appliquent pas (ou peu) de droits de succession, et les autres le font très peu.

Ces tactiques vous semblent immorales, égoïstes, carrément hors de portée ? Ce sont pourtant celles d’une poignée d’ultrariches, et leurs effets sur notre quotidien sont bien réels !

Nous traversons une ère de crises multiples : inflation, faim, climat, guerres, impact continu de la COVID-19... Et ces crises font pourtant des gagnants.

En 2022, les ultrariches se sont encore enrichis et les profits des entreprises ont atteint des sommets, aggravant la crise qui sous-tend toutes les autres : la crise des inégalités.

Jamais il n’a été aussi nécessaire de trouver les moyens de financer les mesures de sécurité alimentaire, de santé et d’éducation permettant aux communautés d’y faire face.

Une solution trop peu utilisée

Il n’y a pas de secret, il faut prendre l’argent là où il se trouve : entre les mains des ultrariches. D’un côté, les mesures de justice fiscale réduisent directement les inégalités en diminuant les fortunes extrêmes. Elles peuvent empêcher les rémunérations excessives au sommet, limiter le pouvoir des gros acteurs, encourager les entreprises à investir dans de meilleures conditions de travail et assurer l’égalité des chances pour chaque génération. Elles peuvent même réduire les inégalités de genre : les régimes fiscaux actuels tendent à désavantager les femmes, car elles gagnent moins, effectuent plus de travail non rémunéré et dépensent une plus grande proportion de leur revenu en biens de consommation et de soins.

D’un autre côté, les sommes récupérées par la taxation des fortunes peuvent financer les services publics et les mesures améliorant le niveau de vie du plus grand nombre, comme la sécurité alimentaire, la santé et l’éducation. Une meilleure taxation de la richesse nous donnerait les ressources nécessaires pour lutter contre la pauvreté, les changements climatiques et les crises humanitaires.

Historiquement, l’imposition des grandes fortunes a contribué à créer des sociétés plus égalitaires. Après la Seconde Guerre mondiale, l’imposition très élevée des personnes fortunées était la norme dans les pays riches. Ces taux ont coïncidé avec certaines des années de développement économique les plus réussies, et ont joué un rôle clé dans l’accès à l’éducation et aux soins de santé. Pourquoi, depuis les années 1980, les pays ont-ils laissé chuter les taux d’imposition des entreprises et des individus les plus riches ?

Qu’attendons-nous pour agir ? Des sondages partout dans le monde, notamment au Canada, démontrent qu’une majorité de personnes, incluant des milliardaires, soutient une hausse de l’imposition des grandes fortunes. Dotons-nous d’autant d’outils pour lutter contre les inégalités que les ultrariches en imaginent pour accumuler des fortunes. Nous bâtirons ainsi notre meilleure défense contre l’inflation et les crises : une société qui redistribue mieux les richesses.

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