Nous vivons plus que jamais dans un monde interconnecté qui nous permet d’être plus conscientisés aux réalités des différentes sociétés qui peuplent notre Terre.

Cet éveil planétaire apporte toutefois une grande confusion, car il multiplie les perspectives pour lesquelles nous pouvons opter, à commencer par celles du Canada anglais et des États-Unis, afin d’apprécier notre propre réalité locale. Soudainement, tout évènement se déroulant aux quatre coins du monde a le potentiel d’avoir un effet papillon jusque dans nos chaumières.

Le hic avec cette prise de conscience, c’est qu’on éteint parfois nos propres lumières à force de contempler celles des autres.

De nos jours, il est possible de s’enfermer chez soi et de devenir un citoyen du monde sans même adresser la parole à son propre voisin. Ce phénomène se traduit inévitablement en bulles sociales qui se côtoient brièvement sans vraiment s’enraciner ni aboutir à un réel dialogue.

En lisant le titre de l’article, vous vous demandez sûrement : mais où veut-il en venir au juste ?

En tant que fils d’immigrants vietnamiens, je n’aurais jamais pu bien saisir la culture québécoise sans avoir été personnellement en contact avec les gens qui la font vivre.

Des expériences marquantes

Sans la plus gentille des familles originaire de Jonquière qui m’amenait moi et mon ami libanais au hockey chaque fin de semaine, car nos parents étaient trop occupés à mettre du pain sur la table, je n’aurais jamais eu la chance d’être exposé à un accueil aussi chaleureux et d’échanger sur nos particularités culturelles comme la différence d’heure du souper !

Si je n’étais pas allé à l’école francophone, je n’aurais pas réalisé le cheminement des Canadiens français à travers leur émancipation qui a conduit au développement d’une société unique en Amérique à laquelle j’ai voulu participer. Je ne me serais probablement pas non plus fait un réseau d’amis pour la vie et je n’aurais pas développé l’accent d’ici !

Sans tous mes stages en médecine qui m’ont permis de m’exiler l’histoire de quelques mois en Abitibi ou en Gaspésie ou mon voyage avec mon ami vietnamien jusqu’à la terre natale de Gilles Vigneault aux confins de la Côte-Nord, je n’aurais jamais pu goûter à tout ce que les gens du pays ont à offrir, et surtout pas aux bons pétoncles de Chez Julie à Havre-Saint-Pierre !

Et puis finalement, sans mon échange étudiant dans les Maritimes, je n’aurais jamais pu découvrir l’histoire et la culture acadienne et l’importance de préserver et de faire rayonner le français dans un océan anglophone.

Toutes ces histoires ont un dénominateur commun. L’expérience immersive est l’instrument le plus puissant pour atténuer la polarisation ambiante, les préjugés et les craintes en plus d’équilibrer les rapports.

Elle nous permet de recentrer les relations humaines vers l’essentiel et de percer les solitudes, car en partageant notre intimité, on expose toute notre vulnérabilité et notre humanité. Cependant, une ouverture d’esprit de toutes les parties est une condition sine qua non à tout début de conversation.

Dans un contexte où plusieurs visions s’entrechoquent et où les réseaux sociaux nous rendent tous à fleur de peau, la société civile et le gouvernement doivent mettre en place des initiatives de rapprochement culturel en s’inspirant, entre autres, de ce qui se fait ici comme ailleurs. L’immersion peut se décliner de différentes manières et impliquer une multitude d’organisations et de personnes, mais plus les acteurs sont jeunes ou viennent d’arriver au pays, plus l’impact est durable, alors que plus l’immersion se vit tardivement, plus il est difficile de briser des idées préconçues.

Les institutions scolaires, les organismes communautaires, les municipalités et les associations culturelles de partout au Québec ont la connaissance du terrain pour favoriser ces rencontres.

Des familles d’accueil et des communautés de parrainage se sont formées rapidement pour faciliter la venue de centaines d’Ukrainiens. Cet élan de générosité pourrait se transformer en un réseau d’accueil plus structuré. Des programmes d’expérience culturelle couplés à du service communautaire et des programmes d’échanges pourraient voir le jour pour de jeunes néo-Québécois de première ou même de deuxième génération. Ces démarches pourraient tout aussi appuyer la fameuse réconciliation entre Autochtones et non-Autochtones.

Le gouvernement du Québec peut agir en tant que soutien à cette confluence des cultures en vue d’accomplir son objectif d’intégration, de cohésion sociale et encore mieux, d’enracinement. Néanmoins, la volonté de s’unir et de se définir doit provenir de toutes les communautés qui auront à s’approprier naturellement et à leur propre rythme un espace commun, ce qui nécessitera l’émergence de leaders novateurs et rassembleurs.

On ne pourra jamais vivre et survivre seul. Les premiers colons européens avaient bénéficié du partage des grandes connaissances et du savoir-faire essentiels des Premières Nations sans lesquels il aurait été intenable de traverser les durs hivers. N’est-il pas le temps de redonner à son prochain ?

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