Il y a plus d’un an, les talibans ont affirmé leur fermeté en interdisant aux filles l’accès à l’école secondaire et à l’emploi. Ils leur ont ensuite interdit de profiter des parcs, des gymnases et des hammams. Dans les dernières semaines, ils ont finalement défendu aux femmes de fréquenter l’université, l’école primaire et de travailler pour des ONG.

Dans les derniers mois de 2022, la communauté internationale a été touchée de voir les Iraniennes occuper l’espace public et revendiquer les libertés qui leur reviennent. En tant qu’Afghan, j’ai été particulièrement sensible au fait que des hommes manifestaient à leurs côtés. C’est une chose qui ne s’est jamais vue en Afghanistan ! Je me suis alors demandé : « Pourquoi les Afghans sont-ils si frileux à soutenir les femmes de leur pays ? »

Socialement parlant, l’espace public est scindé en deux depuis des lustres ! Oui, on me dira que des photos des années 1970 témoignent d’une grande liberté pour les femmes qu’on y voit vêtues de minijupes. Mais il s’agit toujours de la même trentaine d’images qui furent prises dans les quartiers riches et sur le campus universitaire de Kaboul. Ces photos représentent l’exception qui confirme la règle ! Partout, hormis dans les grandes villes, les Afghanes doivent être cachées sous des burqas pour circuler hors des maisons.

Les espaces de la société afghane sont divisés pour une raison apparemment simple : protéger la gent féminine.

Comme les femmes sont dissimulées et inaccessibles, les hommes voient leur désir s’exacerber au point qu’ils ne savent pas se tenir respectueusement auprès d’elles. Pour résoudre ces situations, on fait disparaître les femmes de l’espace public sans que les hommes aient à se responsabiliser de leurs désirs et actions. C’est comme ça depuis des siècles !

Dans les années 1920, le roi Amanullah Khan a bien tenté d’éduquer le pays en créant des écoles pour filles et en proposant d’interdire la burqa, mais il a rapidement été évincé par les religieux rigoristes de l’époque ! La problématique est ancienne !

Les impacts de l’interdiction pour les femmes d’étudier et de travailler sont nombreux et affectent le peuple entier. En voici quelques-uns :

  • Problèmes de santé mentale généralisés ;
  • Augmentation de la violence physique et psychologique envers les femmes et les filles ;
  • Les femmes qui sont l’unique soutien de famille se retrouvent dans une pauvreté extrême ;
  • Une femme ne peut signer elle-même un bail. Sans tuteur masculin, elle se retrouve à la rue sans aide gouvernementale ;
  • Les parents sont parfois confrontés au choix déchirant de devoir vendre leur enfant en esclavage pour s’assurer qu’il soit nourri ;
  • L’âge des mariages arrangés baisse encore plus, les parents cèdent leurs filles pour arrondir les fins de mois ;
  • Les femmes sont abaissées au rang de servantes prisonnières.

Lors des récentes manifestations des femmes autour de l’interdiction d’étudier et de travailler, non seulement les hommes ne les ont pas soutenues, mais en plus, ils les ont traitées de putes, de traînées, disant qu’elles bafouaient l’honneur de leurs familles et celui de l’islam ; qu’elles feraient mieux de rentrer chez elles et de s’occuper des tâches ménagères. Certains hommes craignent d’être sévèrement punis, voire torturés et emprisonnés s’ils prennent la défense des manifestantes.

Si on veut que les choses changent en Afghanistan, ça prendra du temps et surtout, l’éducation pour toutes et pour tous.

* Coauteur du livre Afghan et musulman, le Québec m’a conquis (Éditions Trois-Pistoles)

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