Récemment publié par la directrice générale d’Éduc’alcool, le texte « Actualiser les messages de prévention1 » était presque inspirant. Était-ce une tentative de changer le goût amer laissé par le documentaire d’Hugo Meunier Péter la balloune2, mis en ligne juste avant les Fêtes, afin de redorer l’image d’Éduc’alcool ? Sa sortie aurait-elle eu un impact « négatif » sur la consommation et les ventes ?

Bravo aux Québécois ! Ils sont un peu moins alcooliques que dans les autres provinces, et ils ne font pas partie des pires consommateurs au monde ! Mais attention : la seule consommation sûre d’alcool est l’abstinence, et toute affirmation contraire est une illusion, motivée par l’argent, ou par quiconque cherche à déculpabiliser sa propre consommation.

Bien sûr, l’effet de la première gorgée d’alcool est euphorisant, presque magique, mais ce n’est qu’un mirage, que l’on tentera de reproduire en ajoutant plus de gorgées qu’il n’en faut, plus souvent que nécessaire. L’humain est paresseux, il préfère les plaisirs instantanés, dont l’alcool, qu’on lui vend comme instrument de bien-être et de socialisation, à grands coups de publicités et de messages contradictoires, qui promettent un plaisir quasi infini, dans une marée de gens heureux qui boivent si modérément !

Les Québécois boivent beaucoup, et souvent, et c’est dû à l’accessibilité, au statut social de la bonne bouteille, au chic des micro-brasseries, à la « découverte » des alcools locaux. On leur martèle que l’alcool est un plaisir, qu’il fait partie d’un mode de vie sain.

Boire et manger, accorder mets et vins, toutes les occasions sont bonnes pour en ouvrir une, pour se faire plaisir, pour s’écouter. Non, Éduc’alcool n’éduque pas, il déculpabilise, en premier l’industrie et ensuite, bien ensuite, les consommateurs qui ont un peu honte de leur consommation, mais qui ne cherchent qu’une excuse facile pour enfin boire une petite coupe de blanc avec leur « toast au beurre de peanuts », ou bien une bonne noire chocolatée.

L’alcool, c’était « dégueu » quand nous étions jeunes, mais l’industrie y a remédié avec des jus alcoolisés, afin que quiconque n’aime pas l’alcool trouve une solution à cette sobriété si mal vue. Les gens sobres ne sont qu’une douloureuse figure de contrôle pour ceux qui boivent, image qui leur rappelle qu’eux n’ont pas su s’abstenir. Ils dérangent, Ô qu’ils dérangent. On s’acharne à demander à la personne sobre POURQUOI elle est sobre, mais qui oserait demander à tous les autres pourquoi ils boivent ?

Éduc’alcool trouve les mots pour rassurer, montrer que les fabricants d’alcool sont « responsables », et ces mots coulent jusqu’aux consommateurs, qui se laissent entraîner dans le doux mensonge de la modération. On a même dit, sans rire, que la consommation la plus saine n’était pas zéro. Pardon ?

Éduc’alcool est fière de ne recevoir que des fonds privés venus des producteurs d’alcool, se vante de consacrer 85 % de son budget à la prévention et à l’éducation, de faire preuve d’autorégulation. C’est une bonne chose ? Autorégulation par rapport à quoi ? Les profits de l’industrie ? Des phrases pleines de mots, mais dont le sens se fait attendre, ou interpréter. Il est temps de faire preuve de clarté, d’éviter l’interprétation, le flou, le renvoi à la responsabilité individuelle. Il ne suffit pas de dire aux gens de se contrôler, après les avoir convaincus que le plaisir est forcément associé à l’alcool, que l’alcool fait partie d’un mode de vie équilibré.

Chapeau pour l’utilisation du mot « science », car il tend à inspirer confiance. Mais la science aussi porte à interprétation, et le citoyen moyen ne peut pas faire sa propre analyse sans aide, et cette aide ne doit pas être intéressée. Tant que la SAQ rapportera de précieux dollars à l’État, et que l’État en demandera toujours davantage, pourrons-nous vraiment croire ce que l’organisme qu’elle finance nous dit sur la consommation ?

Ma suggestion de slogan pour 2023 : « Pas boire pantoute, c’est ben correct. Pas game ! »

1. Lisez la lettre de la directrice générale d’Éduc’alcool 2. Visionnez Péter la balloune, le documentaire d’Hugo Meunier Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion