Faisant écho à un premier texte publié mardi où il dressait le bilan de l’année 2022, le professeur de fiscalité Luc Godbout se penche ce mercredi sur ce que l’année 2023 réserve aux contribuables.

Si en 2022 l’économie québécoise a roulé à plein régime, l’année 2023 sera marquée par un ralentissement économique, voire une récession. La prévision de croissance économique moyenne du secteur privé pour le Québec en 2023 s’établissait à l’automne à seulement 0,3 %. Même si les finances publiques du Québec apparaissent en bonne posture, il convient de signaler que c’est dans un contexte économique incertain que le gouvernement doit, lors de son prochain budget, rétablir les aspects contraignants de la Loi sur l’équilibre budgétaire et placer les bases d’un plan de retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028.

Une année de réduction de l’impôt ?

Le gouvernement élu a promis une baisse de l’impôt sur le revenu des particuliers. À nos yeux, il existe toutefois des conditions préalables à respecter avant de mettre en œuvre cette promesse. Parmi celles-ci, pensons au retour de l’application de la Loi sur l’équilibre budgétaire et à la nécessaire présentation d’un plan de résorption des déficits d’ici 2027-2028 qui doit l’accompagner ; puis à l’identification d’une nouvelle cible d’endettement sur un horizon de 10 à 15 ans et à la fixation des versements annuels requis au Fonds des générations pour atteindre cette cible. Ce dernier point est nécessaire, sachant que la promesse de réduction d’impôt sur le revenu indiquait qu’elle serait financée par une réduction des versements annuels au Fonds des générations. Si le gouvernement souhaite aller dans cette direction, il doit le faire seulement après s’être assuré de la taille des versements requis au Fonds des générations en vue d’atteindre la nouvelle cible d’endettement. Si cela s’avère, il sera alors possible d’évaluer s’il y a une marge de manœuvre pour procéder à une réduction d’impôt.

En comparant le barème d’imposition du revenu du Québec et de l’Ontario, il est possible de constater qu’en 2022, les plus grands écarts de taux d’imposition apparaissent entre 20 000 $ et 80 000 $. Pour les contribuables québécois dont le revenu se situe entre ces deux seuils, ils se trouvent à payer près de 30 % de plus en impôt sur le revenu par rapport à ce qu’ils paieraient s’ils étaient assujettis au système d’imposition de l’Ontario.

Si réduction d’impôt sur le revenu il y a, elle doit cibler là où les bénéfices seront les plus grands pour les travailleurs québécois.

L’année de l’écofiscalité ?

Les données du Bilan de la fiscalité publié par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke montrent que les administrations fiscales au Québec sous-utilisent l’écofiscalité. À peine 3 % des recettes fiscales collectées porteraient l’étiquette « écofiscalité ».

L’écofiscalité au Québec s’articule principalement autour de la taxation des carburants et du carbone. Même si, sur la scène internationale, le Québec apparaît dans la comparaison avec les pays avancés comme étant le troisième endroit où les taxes sur les carburants sont les plus faibles, dans une perspective canadienne, c’est ici qu’elles sont les plus élevées.

Qui plus est, il faut reconnaître que du côté du prix du litre d’essence, les contribuables semblent plus marqués par le facteur d’un prix haussier que baissier. Dans la première partie de l’année 2022, le prix du litre d’essence ordinaire augmentait et franchissait la barre psychologique de 2 $ en mars avant d’atteindre un sommet de plus de 2,20 $ en juin. Depuis, le prix diminue. À Montréal, au cours du mois de décembre, il a été vu sous la barre de 1,45 $, alors qu’il était de 1,35 $ en 2013. En l’absence de la composante du marché du carbone, le prix aurait été grosso modo le même qu’il y a 10 ans ! Enfin, si le prix du litre d’essence de 2013 avait simplement augmenté comme l’inflation, il aurait dû être de 1,63 $ au début de 2023, un niveau plus élevé que le prix affiché en ce début d’année.

Cela étant dit, si on veut réellement changer les comportements et bien que cela apparaisse déplaisant pour certains, il faut une utilisation accrue de l’écofiscalité afin que le signal actuellement procuré par le marché prenne davantage en compte le coût de la pollution. C’est d’autant plus vrai que le Fonds des réseaux de transports terrestres – dans lequel sont versées les recettes de la taxe sur les carburants et dont les fonds servent au financement des services de transports en commun, à la construction et à l’exploitation d’infrastructures routières et d’infrastructures de transports en commun – est actuellement déficitaire. Devant l’importance de l’enjeu environnemental, espérons que 2023 verra se développer un large consensus sur la nécessité de l’écofiscalité. La mise en place de telles taxes ne doit pas être considérée comme une simple hausse du fardeau fiscal, mais comme un outil d’action nécessaire, quitte à ce qu’une partie de la hausse soit remise aux contribuables d’une manière ou d’une autre.

À l’aube du dévoilement de l’édition 2023 du Bilan de la fiscalité de la Chaire en fiscalité et en finances publiques montrant que le poids de la fiscalité dans l’économie québécoise a atteint le niveau le plus élevé en comparaison des 20 dernières années, les consultations prébudgétaires 2023 du ministre des Finances s’annoncent riches en discussions en matière de fiscalité.

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