On apprenait dans La Presse récemment, données probantes et percutantes, que le niveau d’endurance cardiorespiratoire des jeunes de 6 à 17 ans décline depuis 40 ans.1 Pour rappel, ce déterminant de la condition physique est un prédicteur scientifiquement reconnu de la santé cardiovasculaire future d’un individu.

On apprenait aussi que, pendant la même période, à taille égale, les jeunes ont pris, en moyenne, 7 kg. On peut supposer que ce ne sont pas 7 kg de muscles. En fait, le taux d’obésité abdominale (la plus nocive pour la santé métabolique) a plus que doublé depuis ce temps chez les jeunes comme les moins jeunes. Or, la sédentarité et la prise de poids augmentent le risque de développer des maladies métaboliques (diabète de type 2, hypertension, athérosclérose, etc.). Et que dire du risque de problèmes de dos ! La position assise prolongée jour après jour fragilise la colonne vertébrale et ses composantes comme l’ont démontré moult études chez les personnes travaillant assis (chauffeurs d’autobus, de taxi, commis de bureau, etc.). Tout cela est de mauvais augure pour un système de soins de santé déjà en mode débordement.

Que faire, donc, pour hausser le niveau d’activité physique des jeunes ?

Les solutions proposées par les experts cités dans l’article de Gabriel Béland vont du transport actif (marcher ou rouler pour aller à l’école) à la pratique d’activités physiques parascolaires, en passant par l’ajout de temps en éducation physique. Les deux premières reposent sur le bon vouloir des parents et des jeunes, sans compter que le parascolaire attire bien souvent une minorité déjà physiquement active. Coup d’épée dans l’eau ? Il reste l’ajout de temps en éducation physique dans les écoles et même au préscolaire (zéro heure présentement). Si on s’appuie sur la science – sur quoi d’autre s’appuyer ? – et ce qu’elle dit à ce sujet depuis longtemps, c’est la solution et voici pourquoi.

L’éducation physique et à la santé (EPS), comme on l’appelle désormais, atteint pratiquement 100 % des élèves puisque c’est une matière obligatoire dans les écoles et les cégeps. C’est un gros plus.

Mais il y a un os ; le temps alloué à cette matière est nettement insuffisant pour atteindre les objectifs fixés par le ministère de l’Éducation lui-même !

Ces objectifs visent plusieurs cibles : apprendre, notamment, aux jeunes pourquoi et comment bouger en développant des habiletés motrices de base (lancer, attraper, sauter, pivoter, nager, etc.) et diverses stratégies de déplacement ; leur apprendre à améliorer leur cardio et à adopter de saines habitudes de vie (meilleure alimentation, meilleur sommeil, moins de stress, etc.). C’est dans le mandat des profs d’EPS – des profs ayant une formation universitaire parfois au long cours (maîtrise et doctorat) – que de former des personnes physiquement « dégourdies » et responsables de leur santé physique et mentale. Il n’y a aucune autre matière académique qui fait cela. Hélas, impossible d’atteindre ces nobles objectifs avec le peu de temps alloué à cette matière.

Au primaire, c’est à peine 120 minutes par semaine. Et encore, ce temps alloué est suggestif et pas obligatoire. Résultat : moins de 70 % des écoles primaires du Québec offrent ces 120 minutes (ou plus dans de rares cas). Presque le tiers des écoles primaires se contentent donc d’offrir 60 minutes (ou moins) par semaine. Au secondaire, c’est pire ; à peine 50 minutes par semaine, voire 75 minutes par cycle de neuf jours (37 minutes par semaine) dans certaines commissions scolaires. Pour des ados en plein pic hormonal et de croissance, et de plus en plus assis devant un écran quelconque, c’est physiologiquement malsain. Ce n’est pas pour rien que plusieurs organismes dédiés à la santé (OMS, UNESCO, Direction de la santé publique du Québec, Santé Canada, etc.) recommandent tous d’augmenter le temps en EPS dans les écoles et de réduire du coup le temps assis.

La recherche scientifique a largement démontré que les rares écoles qui appliquent cette recommandation améliorent la réussite scolaire des jeunes, leur condition physique (ex. : à 3 heures et plus par semaine) et leurs compétences motrices, gage de plaisir dans la pratique d’une activité physique et d’une vie physiquement active dans le futur.

Il y a plus de 40 ans déjà, dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’étude de Trois-Rivières »2, on en a fait la démonstration éclatante. À l’école publique primaire Pierre-de-Coubertin, à Montréal-Nord, les jeunes profitent d’une heure d’EPS par jour depuis 1984, sans que leur rendement scolaire en soit affecté. Et les jeunes Coubertins adorent leur école ! En fait, des jeunes en bonne condition physique sont plus aptes à se concentrer, à persévérer sur des tâches faisant appel à l’intellect et à retenir les connaissances transmises en classe parce que l’exercice améliore la mémoire de travail (court terme) et la mémoire à long terme.

Ajouter du temps en EPS s’avère aussi une solution gagnante pour contrebalancer l’environnement obésogène dans lequel vivent de plus en plus les jeunes (et d’adultes) d’aujourd’hui. Il ne faut pas détourner les yeux ; beaucoup de jeunes ne sont pas physiquement actifs en dehors des cours d’EPS. Ils sont même de plus en plus scotchés devant un écran quelconque. La question se pose et se repose : jusqu’à quand faut-il démontrer aux dirigeants politiques ce qui est scientifiquement démontré depuis un bon bout de temps déjà ?

1. Lisez « Les enfants québécois à bout de souffle »

2. Shephard, R. J. & Trudeau, F. Quality Daily Physical Education for the Primary School Student : A Personal Account of the Trois-Rivières Regional Project. Quest, 2013, 65(1), 98-115.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion