Lors de ma jeunesse aux Pays-Bas, la période des Fêtes durait du 11 novembre au 5 décembre, de la fête de la Saint-Martin à la Saint-Nicolas, des évènements marquants pour un enfant.

Saint Martin, soldat romain du IVe siècle, avait coupé son manteau en deux afin d’aider un pauvre mendiant. C’est pourquoi il est devenu le patron de la charité. Ainsi, le 11 novembre, les enfants construisaient des lampions en papier, avec une vraie chandelle. Le soir, ils se déguisaient et parcouraient les maisons du voisinage. Afin de recevoir des friandises, les enfants chantaient la chanson de saint Martin.

Pendant des siècles, cette quête de la Saint-Martin était faite par les pauvres, qui vidaient une betterave à sucre, avec des trous dans les parois pour y mettre une chandelle et faire le tour des maisons.

Quand les Hollandais se sont installés le long du fleuve Hudson au XVIIe siècle, ils ont probablement gardé leurs traditions. Mais ce sont plutôt les Écossais et les Irlandais, immigrés au XIXe siècle qui ont imposé leur tradition de All Hallows' Eve.

Il est évident qu’en l’absence de betteraves de sucre, on est chanceux d’avoir des citrouilles pour notre Halloween. Mais je vous assure que, pour les enfants, la Saint-Martin est moins lugubre et plus conviviale que l’Halloween.

Pour la Saint-Nicolas par contre, il y a réellement eu un transfert de tradition. Nicolas, évêque de Myra en Turquie, au IVe siècle lui aussi, a eu une vie mouvementée, même après sa mort : lors des croisades, son cadavre a été sauvé pour être réenterré à Bari, en Italie. Il est devenu le patron des enfants dans plusieurs pays européens, y compris quelques régions françaises.

La date officielle de la Saint-Nicolas est le 6 décembre, l’anniversaire de sa mort. La veille, donc le 5 décembre, les enfants néerlandais veillent plus tard et prennent un goûter. S’ils se sont bien comportés, le saint passera en personne afin de livrer les cadeaux. Il demandera à l’enfant de s’asseoir sur ses genoux et de chanter une chanson en son honneur.

Quelques semaines plus tôt, il était arrivé en ville lors d’un défilé, habillé en rouge et blanc, avec une barbe blanche, sur son cheval blanc. Depuis, l’excitation montait chez les enfants. Les soirs de la semaine avant la Saint-Nicolas, les enfants mettaient leur chaussure auprès de la cheminée, avec une carotte pour le cheval, et chantaient une chanson pour le saint.

La nuit, Nicolas passait sur les toits, sur son cheval, et la carotte disparaissait, remplacée par une friandise ou une orange, preuve de l’utilité de la vertu et de la foi.

Toujours le long de l’Hudson, le tout a été intégré avec ces deux autres traditions européennes de décembre, soit la Nativité et la fête païenne de la lumière, incarnée par un sapin illuminé. Puis, Coca-Cola a inventé le père Noël, calqué sur saint Nicolas. Le cheval a été remplacé par des rennes volants, la chaussure par un bas. Au Québec, on a adopté ce Noël américain, avec le sapin, même dans l’église.

Fusion de traditions

Cette fusion de traditions, afin de créer le Noël moderne, et sa dilution subséquente ont fait en sorte qu’aujourd’hui, l’évènement se caractérise surtout par le sapin, par le repas en famille et les cadeaux du réveillon et par les achats du lendemain de Noël. C’est peut-être la confrontation avec d’autres convictions, religieuses et autres, qui fait en sorte que nous ne nous souhaitons que de « joyeuses Fêtes ».

Mais il y en a qui maintiennent la tradition. Plusieurs de mes voisins à Montréal sont des immigrants du Moyen-Orient et des régions voisines. Des Égyptiens, des Palestiniens, des Jordaniens, des Syriens et, surtout, des Arméniens et des Libanais. Tous chrétiens, d’une tradition datant de parfois de plus de 15 siècles. Chassés de leur pays par des guerres civiles ou par la persécution des chrétiens, ils respectent les fêtes chrétiennes, devenues aussi identitaires pour eux que leur langue ou leur terre natale.

Quand je souhaite de joyeuses Fêtes à mon médecin d’origine libanaise, il serait facile de manquer le regard désapprobateur de cet homme respectueux. Son assistante est plus directe. Elle m’explique qu’ils sont ici à cause de leur foi et elle me souhaite un joyeux Noël. Donc, ramené à l’origine des choses, je vous le dis : joyeux Noël !

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