Il fut un temps où convaincre un pays d’accueillir des évènements sportifs était un défi pour la Fédération internationale de football association (FIFA) ou le Comité international olympique (CIO). Aujourd’hui, parvenir à être sélectionné comme pays hôte d’un mégaévènement sportif est devenu un accomplissement remarquable… et recherché.

Outre les retombées économiques éventuelles de l’évènement, le pays organisateur bénéficie également d’un moyen d’édifier ou de renforcer sa position sur la scène internationale. En effet, organiser la Coupe du monde de soccer ou les Jeux olympiques est une occasion en or de rayonner. Pour ce faire, tous les moyens et les efforts nécessaires sont mobilisés (financiers, humains, technologiques, etc.) afin d’assurer la réussite de l’évènement, dont la grandeur contribuera à la puissance du pays.

Une image (re)dorée

Ces dernières années ont été marquées par l’attribution de mégaévènements sportifs à des puissances émergentes ou à des pays cherchant à redorer leur image, comme en témoignent les Jeux olympiques de 2008 et de 2022 en Chine, ceux de 2014 en Russie et ceux de 2016 au Brésil. Il en est de même du côté de la Coupe du monde de soccer qui s’est tenue en 2014 au Brésil, en 2018 en Russie et qui se déroule actuellement au Qatar. Ces pays ont en commun une volonté de s’affirmer sur l’échiquier mondial. Accueillir un évènement sportif planétaire devient alors un vecteur essentiel de communication, qui souligne leur attractivité. Une sorte de « rite de passage » obligatoire.

La Chine utilise le sport – entre autres – pour pallier son « déficit d’image » alors que le Qatar l’inclut dans sa politique de « nation branding », de « marketing national », afin d’en faire l’architecte de l’image positive du pays.

Pour ce petit pays du Golfe, organiser la Coupe du monde permet de présenter un récit mêlant modernité et tradition. Dans cette perspective, les structures des huit stades construits pour l’évènement, ainsi que leur répartition stratégique sur le territoire, revêtent une importance capitale. À titre d’exemple, le stade Al-Thumana représente une ghafiya, un couvre-chef traditionnel porté par les hommes de certains pays arabes et musulmans. L’avant-gardiste Iconic Stadium, dont les images ont fait le tour du monde, a été érigé dans la ville aux allures futuristes de Lusail, un lieu historiquement significatif pour la dynastie des Al-Thani. Ce n’est pas là un hasard si ce bâtiment, oscillant entre passé et avenir, a été choisi pour accueillir la cérémonie et le match d’ouverture, et pour recevoir la finale ce dimanche.

L’émirat n’a pas hésité à débourser plus de 220 milliards de dollars pour organiser l’évènement, ce qui fait de ce Mondial, et de loin, le plus cher de l’histoire (le précédent record étant détenu par le Brésil pour la Coupe du monde de 2014 au coût de « seulement » 15 milliards). Ces dépenses s’inscrivent dans le cadre d’un projet plus global : le « Qatar National Vision 2030 ». Construction des stades, d’un aéroport, mise en service de nouveaux moyens de transport, agrandissement des hébergements… les Qataris veulent devenir une « nation sportive » et miser sur une diplomatie sportive, malgré la faiblesse initiale de leur culture footballistique.

Le revers de la médaille

Cependant, la médiatisation accrue à laquelle s’expose le pays hôte de la Coupe du monde est une arme à double tranchant. On l’a déjà constaté avec le cas de la Chine, qui a essuyé de nombreuses critiques vis-à-vis de la question des droits de la personne et du traitement des minorités lors de l’organisation des Jeux olympiques d’été en 2008. À ces accusations se sont ajoutées des polémiques environnementales et sanitaires lorsque le pays a accueilli les Jeux d’hiver en février 2022.

De la phase de préparation jusqu’à l’évènement lui-même, les yeux du monde sont rivés sur le pays hôte, lequel se trouve alors confronté en permanence à une éventuelle critique internationale.

Au cœur de l’attention médiatique, le Qatar a ainsi vu ses failles et faiblesses exhumées. Si un pays dans l’ombre peut aisément passer sous silence certains de ses agissements, cela devient plus délicat sous la lumière des projecteurs. Dans un premier temps, durant la préparation de l’évènement, la médiatisation des aberrations écologiques et du non-respect des droits de la personne entourant l’organisation du Mondial a d’ailleurs dépassé les enjeux sportifs. Et aujourd’hui, bien que le spectacle sportif ait pris le relais, ces préoccupations demeurent en toile de fond. Finalement, le risque pour le pays hôte est que l’évènement produise l’effet inverse de celui escompté, c’est-à-dire qu’il génère un effet de soft disempowerment. Cela signifie que la réputation du pays se retrouverait ternie plutôt que promue, et le pays pourrait alors accuser un recul de sa position sur la scène internationale.

Les pays souhaitant accueillir un mégaévènement sportif devraient être prêts à vivre avec une éventuelle réprobation internationale, se préparer à devoir y répondre, ou mieux encore, faire de leur mieux pour ne pas en susciter. Une leçon à tirer pour les prochains candidats ?

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