De grands projets de transport collectif sont en voie de réalisation au Québec, comme le REM de l’Ouest à Montréal et le tramway de Québec. D’autres sont en mode de planification plus ou moins avancée, comme le prolongement de la ligne bleue du métro et le REM de l’Est à Montréal, un train léger ou un tramway à Gatineau ainsi que la future voie réservée au transport collectif du troisième lien à Québec.

En tout, ce sont des dizaines de milliards de dollars qui sont en jeu. Or, au cours des derniers mois, ces projets ont fait couler beaucoup d’encre en vertu des difficultés dans la planification et, plus largement, la gouvernance du transport collectif au Québec. C’est dans ce contexte que le Centre sur la productivité et la prospérité Fondation Walter-J.-Somers a choisi de se pencher sur cette question⁠1.

En nous référant à la littérature et aux expériences observées ailleurs dans le monde, le modèle de gouvernance le plus approprié repose sur un partage de responsabilités selon trois niveaux hiérarchiques de planification.

Au niveau stratégique, les gouvernements centraux dictent les grandes orientations politiques et adoptent les règlements en matière de transport. Au niveau tactique, ce sont les autorités organisatrices du transport (AOT) qui voient à la planification et à l’intégration des réseaux de transport collectif, à l’établissement des niveaux de service et aux politiques de tarification. Au niveau opérationnel, les sociétés de transport rendent les services aux usagers, collectent les revenus et assurent l’entretien des équipements de transport et de leurs infrastructures. C’est ce modèle que le gouvernement québécois a choisi d’adopter pour la grande région de Montréal en créant l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) en 2016.

Nous avons également relevé quelques principes d’une bonne gouvernance qui devraient s’appliquer aux autorités comme l’ARTM.

  1. Coordination : le mandat confié à l’Autorité devrait faciliter le développement d’un système intégré de transport et permettre le partage des coûts et bénéfices de façon équitable.
  2. Efficience : la structure de gouvernance doit permettre l’élaboration d’orientations stratégiques et l’établissement de priorités afin d’offrir des services de transport efficaces et efficients.
  3. Responsabilité : les gestionnaires peuvent être tenus responsables de leurs actions et le processus décisionnel doit être suffisamment transparent et compréhensible pour encourager la participation et la collaboration de toutes les parties prenantes.
  4. Réceptivité : les besoins et préférences de la population locale sont bien pris en compte.
  5. Des revenus suffisants et durables : le cadre financier doit permettre aux administrateurs de respecter leur mandat.

À partir du modèle de partage des responsabilités et des principes de bonne gouvernance, nous avons analysé la situation à Montréal, Québec et Gatineau en consultant diverses sources d’informations publiques, dont un récent rapport du ministère des Transports du Québec⁠2.

À la suite de cette analyse, il nous est apparu évident qu’aucun des cinq principes de bonne gouvernance n’est satisfait dans le cas de la région de Montréal et qu’un recentrage s’impose.

Par exemple, en confiant à la Caisse de dépôt et placement du Québec le mandat de concevoir, construire et exploiter un réseau de train léger sur rail (REM), le gouvernement québécois se trouve à court-circuiter l’ARTM en lui imposant un projet de transport collectif majeur qu’elle n’avait pas choisi, ce qui contrevient au premier principe.

Absence d’autorité organisatrice

Dans le cas des régions métropolitaines de Québec et de Gatineau, il n’existe pas d’autorité organisatrice du transport, ce qui pose de sérieux problèmes quand on veut planifier un réseau intégré de transport collectif pour ces communautés. Il est donc impossible d’appliquer les cinq principes de bonne gouvernance vus précédemment.

Dans la région de Montréal, le bien-fondé d’un organisme comme l’ARTM fait consensus. Il est cependant recommandé d’en améliorer la performance en agissant sur trois pistes de solution : 1) nommer des dirigeants crédibles ; 2) proposer un cadre financier suffisant et durable ; et 3) intégrer le REM dans le réseau de transport collectif de la région métropolitaine. Ces trois recommandations vont dans le sens des grands principes de bonne gouvernance mis de l’avant dans notre étude.

Dans le cas de Québec et de Gatineau, il serait souhaitable de confier la planification d’un système intégré de transport collectif régional à une autorité organisatrice du transport comme c’est le cas à Montréal et ailleurs dans le monde. Il faut néanmoins adapter le modèle à la réalité du milieu en modulant au besoin le partage des responsabilités en fonction des enjeux propres à chaque région. Au moment où des projets comme le REM de l’Est de Montréal et le troisième lien à Québec font encore l’objet d’études, il nous apparaît urgent d’appliquer les bonnes pratiques de gouvernance du transport collectif pour assurer leur réussite.

1. Consultez l’étude du Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter-J.-Somers 2. Consultez le rapport du ministère des Transports 2022 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion