Faire porter le fardeau d’une augmentation de taxes importante pour les citoyennes et les citoyens, en cette période d’inflation tous azimuts, est politiquement périlleux. Les choix auxquels nos administrations sont confrontées afin d’assurer le fonctionnement optimal de nos villes et répondre aux attentes toujours plus élevées — avec raison — de la population sont toutefois certainement aussi difficiles.

Il nous faut jongler avec la capacité de payer des contribuables tout en agissant de manière responsable pour garantir un niveau adéquat et efficace de services municipaux.

Avec une inflation chiffrée à près de 7 %, augmenter les taxes en deçà de ce seuil signifie que nous restreindrons encore une fois nos dépenses. Avec le ralentissement déjà constaté sur le marché immobilier, les villes peuvent en outre dire adieu aux surplus générés par les droits de mutation.

Dépendance au marché immobilier

C’est bien là le malheur de la fiscalité municipale : le seul bénéfice pouvant être tiré de la croissance économique générale repose sur la vitalité du marché immobilier, en comptant les revenus liés au développement et ceux issus des transactions réalisées. Pour suivre la cadence, nous devons essentiellement nous rabattre sur l’augmentation du taux de taxation.

En guise d’exemple, les revenus de la Ville de Longueuil se sont accrus de 5,8 % entre les budgets 2021 et 2022. Plus de la moitié de cette hausse a été générée par l’augmentation de taxes et l’autre moitié, par le dynamisme du marché immobilier. Pendant ce temps, entre les exercices budgétaires 2020-2021 et 2021-2022 des gouvernements du Québec et du Canada, les revenus de ces gouvernements ont connu un accroissement naturel de 10,5 % et de 30,6 %, respectivement. Le plus merveilleux dans tout cela, c’est que ces hausses de revenus ont été obtenues sans même augmenter d’un seul point de pourcentage les taxes à la consommation ou les impôts sur le revenu des contribuables. Les gens ont dépensé plus, et ont gagné plus. Tout simplement.

Bref, les gouvernements du Québec et du Canada n’ont pas à porter le même odieux que les villes quand vient le temps de boucler un budget. C’est sans compter que ces gouvernements peuvent réaliser des déficits, manœuvre interdite aux municipalités.

D’après un rapport produit par Raymond Chabot en 2021, Longueuil se situait par ailleurs au 10e et dernier rang des 10 plus grandes villes du Québec en ce qui a trait à ses revenus de taxes. Qui plus est, nos décideurs politiques précédents ont fait le choix délibéré de l’appauvrissement en gelant les taxes trois années sur quatre au courant du dernier mandat, alors que l’économie était en croissance et l’inflation, limitée. Pendant ce temps, d’autres grandes villes, comme Gatineau, ont fait le choix responsable qui s’imposait : faire suivre les taux de taxation au rythme de l’inflation.

Les conséquences de cette propension malsaine au gel de taxes pour les finances publiques sont énormes : l’administration publique longueuilloise a accumulé les exercices d’attrition… bien avant l’explosion de l’inflation. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec un appareil municipal opérant déjà au strict minimum, devant un contexte économique des plus incertains. Le retard enregistré des gels de taxes répétés sur la croissance de nos revenus ne pourra jamais être rattrapé. Ce potentiel est perdu ad vitam æternam.

Coupes nécessaires

Au début des travaux de notre commission des finances, les chiffres étaient imposants : pour boucler le budget à l’équilibre, en reconduisant les services de base, sans flafla, nous faisions face à un manque à gagner de 34 millions de dollars, l’équivalent d’une hausse de taxes de plus de 10 %. C’est en affectant des excédents de 9 millions, soit près de la moitié de notre bas de laine évalué à 21,7 millions pour 2022, et en réduisant d’autres dépenses que nous sommes finalement parvenus à la limiter à 5,6 %, grâce à la rigueur de nos équipes et au leadership du vice-président de notre comité exécutif, Jonathan Tabarah.

Ce résultat ne s’est cependant pas obtenu sans heurt : du gras, il n’y en a pas. Au rang des choix difficiles, notons des coupes dans plusieurs projets déposés par la direction des travaux publics, de même que le renoncement à des mises à niveau des services du Réseau de transport de Longueuil (RTL) et une réduction majeure des moyens destinés à notre plan arboricole. Ce ne sont là que quelques exemples.

Contrairement à Longueuil, bon nombre de villes choisissent d’augmenter leurs frais et tarifs en tous genres plutôt que les taxes foncières. Les augmentations des taux de taxes municipales ne peuvent donc pas être comparées entre elles. Pour entreprendre un tel exercice permettant de comparer des pommes avec des pommes, il faudrait élargir à l’ensemble des frais et tarifs imposés par les villes, en sus des taux de taxation.

Alors qu’on caricature souvent les municipalités en bêtes toujours plus gourmandes, cet exposé est nécessaire pour voir clair derrière la réalité bancale de la hausse du compte de taxes.

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