La Presse+ publiait le 19 juillet un article soulignant l’inaction gouvernementale pour restreindre le volume et la vitesse des bateaux à moteur et des motomarines sur nos lacs et rivières afin de diminuer les dommages qu’ils font subir à l’environnement, aux berges et aux fonds marins, sans compter les nuisances sonores qu’ils occasionnent.

Lisez l’article « Les amateurs de bateau ont le champ libre »

Le réflexe de faire appel aux gouvernements pour régler ce genre d’imbroglio est fréquent. Les gens constatent alors, impuissants, leur inaction. Les interprétations sont nombreuses : déficit de courage politique, insouciance, motifs électoraux, impératifs économiques, dossier non prioritaire, etc.

Mais pourquoi donc attendre que le gouvernement agisse ? Devant un tel article, mon regard se tourne invariablement ailleurs que vers le gouvernement. Il est plutôt porté vers les adeptes… d’autant plus que l’article prend la peine de souligner que les ventes des bateaux à moteur ont explosé pendant la pandémie. Je me demande sincèrement comment il peut en être ainsi, encore aujourd’hui.

Bien que le plaisir de naviguer sur nos splendides cours d’eau soit indéniable, l’heure n’est-elle pas plutôt au dosage, voire à l’élimination, des pratiques, des loisirs et des activités à haute intensité carbone ?

Chacune de ces embarcations a d’abord nécessité l’extraction de matières premières, leur transport, leur usinage en produit fini et encore du transport pour acheminer le nouveau bateau jusqu’au détaillant. Puis, le bateau doit être transporté au point d’eau choisi, au moyen d’un véhicule assez puissant pour ce faire. Pendant la saison, laquelle nécessite plusieurs allers-retours des propriétaires entre leur résidence et le point d’eau, les embarcations créent les dommages que l’on connaît, en plus d’émettre du CO2. Elles sont ensuite retirées de ce point d’eau et transportées à nouveau, en VUS, vers leur lieu d’entreposage pour l’hiver.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Un bateau est mis à l’eau à Saint-Hyppolite.

Et tout ça, à quelles fins ? Où est la vraie nécessité ? Remarquez que le raisonnement pourrait aussi s’appliquer ailleurs comme aux véhicules tout-terrain ou aux motoneiges, voire aux chalets. Parfois, je me demande si l’urbanisation, avec l’artificialisation des sols et le bourdonnement qu’on lui connaît, ne contribue pas à cette évasion massive vers la campagne dès que l’occasion s’y prête ; mais ça, c’est une autre histoire.

Repenser notre conception du plaisir

Revenons à nos bateaux. Changer nos comportements doit-il se limiter simplement à apporter notre tasse au café du coin, à retarder le remplacement de certains biens, à utiliser une paille métallique, ou à acheter un véhicule électrique ? Nul doute que ces changements de comportements sont bénéfiques, mais ne devraient-ils pas inclure aussi des renoncements plus douloureux ?

Justement, un texte publié dans la section Débats du 20 juillet exhortait le gouvernement (encore !) à intervenir urgemment et avec force pour limiter les émissions provenant de l’aviation… sans jamais suggérer que d’ici à ce que la technologie soit disponible pour ce faire, il suffirait d’éviter de voyager ! Après tout, la pollution provient-elle de l’entreprise ou de la demande pour ses services et produits ?

Il est légitime, voire nécessaire, de se divertir et de rechercher le plaisir. Mais à quel prix ?

Quels seraient les répercussions économiques et les effets bénéfiques sur la lutte contre les changements climatiques si les gens renonçaient aux accessoires (ou occupations) « superflus » et trouvaient plutôt plaisir dans des activités plus modestes, plus mesurées, moins néfastes pour l’environnement ?

Renoncer aux plaisirs à haute incidence carbone et les remplacer par ceux que l’on retrouve avec des embarcations sans moteur ou simplement entre amis au musée ou au bistro, ou lors d’un petit concert en plein air, ne pourrait sûrement pas faire de tort, tout en comblant nos besoins vitaux d’interaction sociale.

Changer nos comportements, c’est aussi ça, n’est-ce pas ?

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