On a appris que le centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) abandonnait son enquête sur les allégations criminelles concernant des entraîneurs de l’école secondaire Saint-Laurent. Seul le ministère de l’Éducation enquêtera désormais.

Plusieurs articles de La Presse ont rapporté à quel point la loi du silence en vigueur dans le milieu de l’éducation incitait les membres du personnel scolaire à ignorer ou à taire de graves problèmes sous couvert de loyauté institutionnelle.

Lisez l’article « École Saint-Laurent : le centre de services scolaire abandonne l’enquête »

Mais on s’interroge rarement sur l’origine de cette loi du silence : comment la protection de l’image des écoles a-t-elle pu prendre une telle ampleur ?

Tout se passe comme si les écoles étaient des entreprises en concurrence devant maintenir une image de marque positive à tout prix de manière à séduire de futurs clients profitables et ainsi augmenter leur part de marché !

Malheureusement, il y a effectivement un marché scolaire au Québec : des écoles pseudoprivées et similipubliques s’affrontent à coup de campagnes de marketing dans l’espoir de sélectionner les élèves rentables financièrement et académiquement. On se justifiera en invoquant le droit de choisir des parents, même si dans les faits, ce sont les écoles qui choisissent leur clientèle.

Expliquer l’état de rivalité permanente dans lequel nos écoles sont plongées permet de mieux comprendre l’omerta scolaire.

Certes, le silence et la complaisance des directions d’école et des cadres du centre de services sont inexcusables, mais ils s’expliquent pour une bonne part par une volonté fortement institutionnalisée de ne pas nuire à l’image de l’école concernée. Cette volonté n’est pas propre au CSSMB ; elle est répandue dans le réseau public ainsi qu’au privé.

En contexte de forte concurrence, le milieu scolaire et son appareil administratif n’ont pas intérêt à faire preuve de transparence. Le CSSMB perd environ 40 % de ses élèves du niveau secondaire au secteur privé subventionné, et ce, malgré une performance scolaire d’ensemble assez positive.

Les programmes de sport jouent un rôle important dans la construction de l’image et de l’identité de l’école. Souvent présentés comme des éléments de motivation des élèves et de persévérance aux études, ils sont aussi des composantes essentielles du marketing de l’école et sont justifiés par leur pouvoir (réel ou fictif) de rétention ou d’attraction des élèves.

Mais la dérive constatée au CSSMB oblige à repenser ces programmes dans leur environnement institutionnel spécifique et dans les véritables fonctions éducatives qui devraient servir à les justifier. On met sous pression les élèves-athlètes en leur demandant de performer pour accrocher toujours plus de bannières aux murs de l’école. Au lieu de servir les élèves, l’école en est-elle rendue à se servir d’eux ?

En somme, si les acteurs scolaires se taisent et n’interviennent pas, c’est qu’ils ont bien intégré les règles du marché scolaire, un système qui fait passer l’image et le classement dans un palmarès avant l’intérêt des élèves.

Bien davantage que des solutions administratives, c’est à ce régime concurrentiel qu’il faut s’attaquer, car il corrompt la raison d’être des écoles et est toxique pour les élèves, les enseignants et les directions.

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