La Fédération étudiante du collégial du Québec (FECQ) a publié un feuillet intitulé « Vers une réforme de la sélection universitaire » contestant la validité de cette mesure du rendement scolaire au collégial, position dont a fait état le quotidien La Presse dans sa parution du 15 février dernier. ⁠1

Dans ce document, la FECQ dit s’appuyer sur des « simulations », produites par la FNEEQ-CSN et par la Fédération des cégeps, pour remettre en question le caractère équitable de la cote R. Le lendemain, toujours dans La Presse, la FNEEQ-CSN ne réclamait rien de moins qu’un moratoire immédiat sur l’utilisation de la cote R en s’appuyant aussi sur ces « simulations » qu’elle dit avoir menées en 2019. ⁠2

En réponse à une demande du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), nous avons examiné la question en tant qu’experts externes.

Dans son avis intitulé « Pour une réforme de l’admission universitaire », la FECQ s’appuie sur l’examen de trois groupes fictifs produits par la FNEEQ-CSN. Dans l’analyse de ces cas fictifs, qu’elle nomme à tort simulations, elle confond allègrement notes et rendement scolaire, alléguant implicitement que les premières sont un reflet fidèle de ce dernier alors que l’on sait depuis plus de 30 ans que tel n’est pas le cas. De plus, un examen plus approfondi des données présentées dans cet avis illustre jusqu’à quel point ces trois groupes fictifs sont invraisemblables puisque la variabilité des notes au collégial n’est associée, dans ces groupes, qu’à un peu plus de 3 % des notes au secondaire alors qu’il est établi que cette association est au moins 12 fois plus élevée. ⁠3 Ajoutons par ailleurs que cette forte influence du rendement scolaire antérieur sur la réussite des études se vérifie aussi fortement entre le collégial et l’université puisque la variabilité des taux de diplomation dans les programmes du baccalauréat s’explique à… 99 % par la cote R ! ⁠4

Rappelons qu’au collégial, l’évaluation des étudiants ne fait pas, exception faite de l’épreuve uniforme de langue, l’objet d’épreuves uniques ministérielles comme c’est le cas, entre autres, en 4e et 5e secondaire, de sorte que comparer entre elles des notes attribuées par des professeurs distincts dans des groupes ayant des caractéristiques fort variables pour des cours multiples appartenant à des disciplines aussi différentes que le sont, par exemple, les mathématiques, la physique, la sociologie, la littérature et les arts plastiques, comme le font ces analyses, revient à comparer des pommes et des oranges, pour reprendre une expression consacrée. Erreur méthodologique élémentaire !

De son côté, la Fédération des cégeps a aussi produit une analyse de huit groupes fictifs à partir de laquelle elle remet en question le caractère équitable de la CRC (Cote de rendement au collégial) actuellement en vigueur en croyant ainsi démontrer que celle-ci contient des biais qui favoriseraient les élèves des groupes homogènes forts au détriment d’élèves forts de groupes homogènes faibles, position reprise dans une formulation légèrement différente par la FECQ.

Ici aussi, les cas fictifs présentés ne sont en fait que des exemples de groupes fictifs qui 1) ne représentent pas des cas types de la réalité collégiale, 2) reposent sur une compréhension incomplète des modalités de calcul de la cote R qui conduit à des erreurs dans les évaluations de celles-ci et 3) se traduisent ensuite par des comparaisons de cote R où l’on confond aussi note obtenue, cote Z et rendement scolaire.

Mais il y a plus. Une analyse statistique que nous avons menée à partir des huit groupes en question, et dont six d’entre eux représentent des distributions atypiques, montre que, même pour ce petit sous-ensemble peu représentatif, la cote R actuelle demeure la mesure connue la plus équitable du rendement scolaire des étudiants du collégial.

Nous sommes évidemment conscients que toute mesure d’évaluation est perfectible, ce que confirme amplement l’historique des modifications apportées à la mesure du rendement scolaire des cégépiens afin de la rendre de plus en plus équitable.

Nous ne sommes pas, non plus, sans savoir que la mesure du rendement scolaire des finissants du collégial est un sujet sensible qui doit être traité avec rigueur. À tout le moins, nous partageons un point de vue commun avec les divers intervenants dans le dossier : une mesure du rendement scolaire est équitable si elle ne favorise ou ne défavorise pas indument un étudiant en fonction des caractéristiques des groupes dans lesquels il est évalué.

Cependant, faute d’avoir démontré, à partir de données réelles qui ne relèvent pas d’un tri sélectif sujet aux biais de confirmation, et d’une approche statistique éprouvée pour les traiter, que la cote R des étudiants est statistiquement dépendante de la force et de la dispersion des groupes, les points de vue exprimés publiquement ces derniers jours quant au caractère inéquitable de la cote R sont non fondés et biaisés. Ils ne font malheureusement qu’alimenter les inévitables rumeurs qui accompagnent toute mesure d’évaluation, qui minent la confiance des étudiants envers l’équité procédurale de l’admission universitaire et qui peuvent conduire ceux-ci à des choix de programmes ou d’institutions qui ne reposent que sur des illusions.

* Cosignataires : Fernand Boucher, registraire retraité, Université de Montréal ; Martin Riopel, vice-doyen à la recherche, Faculté des sciences de l’éducation, Université du Québec à Montréal

1. Lisez le texte de Léa Carrier, « La FECQ réclame une “enquête” sur la cote R » 2. Lisez le texte de Léa Carrier, « Un moratoire sur la cote R demandé par la FNEEQ-CSN » 3. Consultez le rapport du Comité de gestion des bulletins d’études collégiales 4. Regardez la présentation de Richard Guay et Réjean Drolet, « La CRC actuelle » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion