L’auteur réagit à la chronique de Patrick Lagacé « La tablette ? »1, se disant lui aussi inquiet du sort qui pourrait être réservé au rapport de la commission Laurent sur la direction de la protection de la jeunesse

Il y a effectivement de quoi s’inquiéter. Si on ne devait retenir qu’une seule recommandation de ce rapport, ce devrait être la nomination d’un commissaire au bien-être des enfants. Pourquoi ? Parce que ce serait nous assurer la vigilance d’un gardien du legs extraordinaire de la commission Laurent. Régine Laurent l’identifiait d’ailleurs comme la recommandation « phare » de son rapport récemment à la Commission parlementaire sur le projet de loi 15 visant à modifier la Loi sur la protection de la jeunesse.

Les enfants ont besoin d’une voix, entièrement vouée à leur bien-être, indépendante, nommée par l’Assemblée nationale. Une personne avec une vision sur la situation des jeunes et pas seulement sur la direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Une voix insistant sur l’importance pour nos tout-petits de partir du bon pied dans la vie. Ce qui n’est pas le cas pour 27 % d’entre eux actuellement et même pour 33 % en milieu défavorisé. Une personne qui jette un regard critique sur l’école avec près de 25 % d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA dans le jargon scolaire). Une personne qui veillera sur le parcours du combattant pour avoir de l’aide pour les jeunes, notamment en santé mentale, mais aussi pour les parents qui sont au bout du rouleau.

Une personne qui talonne sur l’importance de la pénurie de logements abordables et la mise en place de solutions parce que c’est un facteur de risque connu pour le développement des enfants. Une personne qui questionne, qui dérange, mais aussi, qui propose des solutions à différents ministères : Famille, Éducation, Affaires autochtones, Sécurité publique, Affaires municipales, Justice et, bien sûr, Santé et Services sociaux. Une personne qui va s’assurer que des investissements soient faits en prévention, en soutien pour freiner l’hémorragie de signalements aux DPJ.

On approche les 125 000 nouveaux signalements cette année. La commission Laurent rappelait que le recours à la DPJ doit être « l’exception » et comparait son intervention aux soins intensifs en santé. Or, à ce rythme, on s’en va tout droit vers un échec collectif dont les victimes seront ces enfants.

On a besoin d’une voix qui appelle à l’action collective : organismes communautaires, centres de pédiatrie, centres de la petite enfance, écoles, services sociaux, établissements de soins de santé, municipalités, pour freiner l’hémorragie de signalements aux DPJ. Bref, un architecte assurant la construction d’une « société digne de ses enfants » et répondant à l’appel vibrant de la commission Laurent.

Donner suite au cri du cœur de la commission Laurent

Or, dans l’ébauche du plan de mise en œuvre des recommandations de la commission Laurent, présenté par le ministre Lionel Carmant, ce n’est qu’à la deuxième phase du plan – qui en compte trois – qu’on mentionne du bout des lèvres ce qu’on entend donner comme suite au cri du cœur de la commission Laurent, implorant que le Québec se dote « d’une voix pour ses enfants, et ce, par la nomination d’un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants ». Malheureusement, on a droit à un engagement très faible, libellé comme suit : « Lancer un chantier au regard du Commissaire au bien-être et au droit des enfants. »

En lisant cet énoncé édulcoré, on comprend très bien la frustration et le découragement énoncées par l’ex-vice-président de la commission Laurent, André Lebon. ⁠2

J’ose espérer que le SOS lancé par M. Lebon et la cruelle inquiétude soulevée par Patrick Lagacé dans sa chronique puissent au moins sauver le poste de Commissaire au bien-être des enfants. Ceux-ci ont besoin d’un chien de garde, la preuve est faite. Ça urge !

1. Lisez la chronique de Patrick Lagacé « La tablette ? » 2. Lisez l’entrevue accordée par André Lebon à Katia Gagnon Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion