En complément au texte de Philippe Mercure, « L’occasion ratée des eaux usées »*, paru dans la section Contexte du 23 janvier

Dans la « conversation » médiatique concernant l’utilisation des eaux usées pour faire un suivi en temps réel de la transmission communautaire de la COVID-19, je souhaite ajouter un complément d’information : nous étions prêts dès l’automne 2020.

Au mois d’octobre 2020, avec mon collègue Lawrence Goodridge, nous avons entamé un projet de recherche visant à analyser les eaux usées afin de détecter les éclosions de maladies, le projet Sentinelle. Si, au départ, le projet a été pensé surtout pour les bactéries responsables d’infections entériques, les fameuses listériose et salmonellose, nous avons rapidement vu le potentiel pour la surveillance de la COVID-19.

En collaboration avec l’Agence de la santé publique du Canada, mon équipe et moi avons commencé à analyser les eaux usées provenant des égouts de la ville de Québec dès le 20 juin 2020. Nous avons consacré 19 mois au perfectionnement de nos prélèvements, de notre méthode et de nos analyses. Les derniers prélèvements ont eu lieu le 12 janvier 2022. C’était il y a à peine deux semaines.

Avec toutes les données récoltées, l’équipe de recherche a pu démontrer une corrélation significative entre la quantité de particules virales dans les eaux d’égout et le nombre d’individus infectés identifiés par le Laboratoire de santé publique du Québec.

En d’autres mots, avec la quantité d’ARN du virus SARS-CoV-2 dans un échantillon, un modèle mathématique est capable d’estimer le nombre de personnes infectées dans un secteur. C’est la preuve que l’analyse des eaux usées est un bon outil pour suivre l’évolution de la pandémie et l’apparition probable d’autres variants.

La versatilité de cette méthode est aussi un atout important. Avec une approche ciblée, comme le proposait la version originale de notre projet, l’analyse génomique des eaux usées permet de surveiller et d’arrêter tôt la propagation de maladies entériques. Avec une approche plus globale, en extrayant le matériel génétique directement des eaux d’égout, il est possible de faire une recension d’une foule de microorganismes pathogènes et de déceler les signes annonciateurs des éclosions.

Dans le contexte actuel, où la capacité de dépistage du gouvernement a été dépassée et n’est plus offerte à la population, la surveillance de la COVID-19 par l’analyse des eaux usées nous permettrait d’avoir un indicateur supplémentaire de l’évolution de la pandémie au niveau populationnel. À long terme, je pense qu’il serait plus que judicieux de se prémunir d’outils permettant de surveiller l’apparition de maladies et de nouvelles pandémies et l’analyse des eaux usées est une carte que nous devons avoir dans notre jeu.

Nous avons l’expertise, nous avons la méthode et nous avons les installations. Nous sommes prêts.

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