Avec l’arrivée de la nouvelle année, plusieurs d’entre nous se questionnent déjà sur l’après-pandémie. En 2022, nous verrons probablement la fin de cette foutue crise, qui a vraisemblablement pris naissance en Chine. Malgré cela, tout porte à croire que le pays de Xi Jinping jouera un rôle très important dans un monde postpandémique.

En effet, cette nouvelle année pourrait bien être historique pour la Chine. S’il y a un endroit dans le monde où la symbolique revêt une importance capitale, c’est dans ce pays, qui s’apprête à accueillir les Jeux olympiques d’hiver dans quelques semaines. Tous les faits et gestes de Pékin seront lourdement influencés par l’image d’une nation qui s’assume de plus en plus à l’échelle internationale.

Pendant que le monde focalise son attention sur les Jeux, le président Xi Jinping a plutôt le regard tourné vers l’automne prochain, alors qu’il briguera un troisième mandat de cinq ans. Pour la première fois, un président serait « élu » pour un troisième mandat consécutif depuis Mao Zedong, fondateur de la République populaire de Chine.

Si vous croyez que les relations canado-chinoises n’allaient déjà pas très bien, un troisième mandat pourrait entraîner des conséquences considérables pour le Canada.

Qu’on l’accepte ou non, le parti de Xi Jinping jouit d’une extrême popularité en Chine, et le peuple oriental semble apprécier le style autoritaire qu’adopte le gouvernement actuel. Xi Jinping voudra sûrement se présenter comme le grand protecteur contre les valeurs « hasardeuses » de l’Occident. La façon dont la pandémie a été gérée en Chine a aussi consolidé le pouvoir de l’administration pékinoise. La pandémie a lourdement affaibli l’Occident par rapport à la Chine, malgré sa réputation pitoyable sur la transparence et les droits de la personne. Pendant que la Chine limite les dégâts, l’Occident agonise toujours depuis presque deux ans. Pendant cette période, l’échiquier géopolitique a complètement changé.

L’insurrection du 6 janvier 2021 à Washington, il y a un an jour pour jour, a démontré aux yeux du monde entier à quel point l’Amérique était cruellement divisée. Pendant ce temps, la République chinoise semble sans failles et sa population le sait.

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Le port de Haikou dans la province chinoise de Hainan

Des tensions à une époque d’interdépendance

Sans surprise, la relation entre Washington et Pékin s’est nettement détériorée depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Plusieurs prétendent que cela marque le début d’une guerre froide menée par les États-Unis, un peu comme celle qu’on a connue entre le bloc de l’Est et le monde occidental pendant des années. Les tensions diplomatiques sont palpables, certes, mais la guerre froide des années 1970 et 1980 n’avait rien de comparable. Elle mettait en scène des différences idéologiques entre deux régions dont l’interdépendance économique n’existait pratiquement pas. Il y avait peu d’activités commerciales entre les deux camps. L’interdépendance politique et économique entre la Chine et les États-Unis est telle que son influence affecte un nombre incroyable de pays, surtout les pays voisins de la Chine et le Canada.

Des pays comme les Philippines, la Malaisie, l’Indonésie et le Viêtnam ont bénéficié grandement de l’essor chinois des dernières décennies, aux dépens de la sécurité offerte par Washington.

Si ces pays doivent choisir un allié, leur choix s’arrêtera sur la Chine. La prospérité économique passe tout simplement avant la sécurité.

Pour le Canada, notre relation avec la Chine est déjà assez tendue. Depuis mars 2019, certains permis pour exporter du canola vers la Chine demeurent en suspens, principalement en raison de l’affaire Meng Wanzhou. Ces temps-ci, Ottawa communique ses actions contre la Chine sans jamais même mentionner la Chine explicitement. Ottawa comprend très bien à quel point le Canada est pris dans la discorde Washington-Pékin.

Même si seulement 10 % de son territoire est cultivable, la Chine se classe au premier rang mondial en matière de production céréalière, de fruits et légumes, de viande, de volaille, d’œufs et de poisson. Bien qu’elle ne possède que 9 % des terres arables et 6 % de l’eau douce, la Chine nourrit 22 % de la population mondiale. Le pays produit beaucoup, mais achète également beaucoup. La demande pour le soya et les légumineuses a explosé ces dernières années. Le Canada ne se retrouve même pas parmi les 15 plus grands pays importateurs de produits de Chine, mais les États-Unis arrivent premiers avec plus de 500 milliards de produits importés annuellement. Ottawa devra donc entretenir son alliance avec Washington tout en demeurant attentionné envers Pékin.

Pour atteindre d’ici 2025 la cible d’exportation de 75 milliards de produits agroalimentaires suggérée dans le rapport Barton de l’ancien ambassadeur du Canada en Chine, le Canada doit se doter d’une entente commerciale avec la Chine. Il est grand temps, mais le Canada doit surtout mieux comprendre cette puissance de l’Orient et saisir le sens de ses besoins en matière agroalimentaire.

Un beau souhait pour 2022. Mais si le président Xi Jinping se fait offrir un troisième mandat historique, il y a fort à parier que les choses se compliqueront davantage pour Ottawa.

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