À la suite de l’article de Charles Lecavalier du 16 novembre « Des craintes qui relèvent de l’imagination, selon le ministre Lamontagne » ⁠1, c’est la désinvolture avec laquelle ce ministre traite la question du morcellement des terres agricoles qui m’inquiète profondément.

A-t-on encore besoin de rappeler que l’aménagement de ce qu’il nous reste du territoire agricole québécois n’est pas à prendre à la légère ? Et s’inquiéter à ce propos, vouloir prendre le temps d’examiner cette orientation et ses effets, avec rigueur, est tout à fait justifié !

Avant d’y aller, discrètement, en dissimulant l’enjeu dans un projet de loi omnibus, ne pourrait-on pas prendre la peine d’examiner si c’est le bon véhicule pour, par exemple, réaliser un des objectifs louables, soit favoriser l’établissement de la relève dans de petites fermes ? Peut-être en est-il ainsi, mais au-delà des débats et intérêts partisans, il faut évaluer rigoureusement les répercussions du morcellement des terres qui, je le reconnais, devrait faciliter, en principe, l’accès à la propriété de la relève.

En principe… : il est bon de savoir qu’outre l’accès à la propriété, c’est la persistance dans le métier d’agriculteur qui est un des enjeux majeurs de l’établissement de la relève agricole ET la culture du « devenir propriétaire à tout prix » qui s’avère être, encore trop souvent, la seule option envisagée pour s’établir.

Et que dire de la fiscalité agricole, n’y a-t-il pas moyen de la réviser afin de bonifier le transfert de ferme ou décourager le démantèlement ?

Bien des pays ont des politiques d’accès à la propriété en agriculture qui passent par d’autres avenues ; la France, par exemple, a opté pour des formules de location de terres à moyen ou long terme avec option d’achat, faisant en sorte que les jeunes font leur classe et solidifient leur projet de vie sur tous les plans !

Car c’est de cela qu’il s’agit : s’établir en agriculture, c’est un projet de vie, en famille, exigeant, au-delà des images bucoliques du vivre à la campagne… projet de vie qui peut être emballant, cela va de soi. Et le territoire agricole est tellement objet de toutes les convoitises. Alors le « véhicule » proposé, le morcellement, est-il un bon moyen pour favoriser la relève ? Je demande à voir. Compte tenu du taux d’abandon et de décrochage du métier, il faut s’arrêter, « faire un pas de côté » (comme l’a si bien dit un autre ministre) et retirer cet enjeu du projet de loi sur la réduction du fardeau administratif.

J’ai consacré ma carrière universitaire en recherche aux enjeux de la durabilité sociale en agriculture, dont l’établissement sous toutes ses formes, le transfert de ferme et les implications sur le développement agricole et régional, car l’un ne va pas sans l’autre. Que le ministre de l’Agriculture ramène les craintes légitimes à, je cite, de « l’imagination de l’interprétation… », cela me déconcerte.

1. Lisez « Des craintes qui relèvent de l’imagination, selon le ministre Lamontagne » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion