En réponse au texte du sénateur conservateur Léo Housakos, « Projet de loi C-10 : les libéraux n’ont pas fait leurs devoirs », publié le 21 juillet

Il m’est impossible de rester muet face aux propos trompeurs du sénateur conservateur Léo Housakos, parus il y a quelques jours dans ces pages.

Je dois rectifier les faits, par devoir envers les artisans et artisanes du domaine du cinéma, de la télé et de la musique au pays, et par respect pour tous les fonctionnaires, groupes et individus ayant contribué à la réforme de la Loi sur la radiodiffusion (projet de loi C-10).

Premièrement, le sénateur affirme que les membres du Comité du patrimoine canadien ont fréquemment demandé de produire les calculs des recettes projetées à la suite de l’adoption de C-10 (près de 830 millions de dollars, par année, pour la culture) sans avoir de retour de notre part. Cela est complètement faux : les explications derrière les calculs ont été présentées aux membres du Comité du patrimoine canadien le 11 décembre dernier, et nous avons également fourni des explications détaillées aux journalistes.

Deuxièmement, le sénateur soutient que le projet de loi est mauvais simplement parce qu’il a fait l’objet d’une centaine d’amendements de la part des parlementaires. Il devrait pourtant savoir que ce chiffre est normal, surtout lorsqu’il s’agit de projets de loi complexes et volumineux. Le projet de loi environnemental C-69 comportait des centaines d’amendements, dont 187 provenant justement du Sénat ! Le sénateur ajoute que « c’est le volume d’amendements et la nécessité de les étudier et de les débattre adéquatement qui furent les principales causes des délais en comité ». La vérité, c’est que nous avons assisté à de l’obstruction délibérée et systématique de la part du Parti conservateur, du « filibustering », dans le jargon politique.

Lors des quatre premières rencontres du comité, 79 amendements ont pu être étudiés et votés. Durant les 11 rencontres suivantes, ce chiffre tombe à 0 ou à 1 amendement par rencontre. La raison ? Les tactiques d’obstruction et les délais provoqués par les membres du Parti conservateur.

Troisièmement, le sénateur critique la définition d’« entreprises en ligne » telle que proposée dans le projet de loi, lui reprochant d’être si large qu’elle pourrait inclure n’importe quel individu ayant un site web et produisant des capsules vidéo. Cela est, encore une fois, complètement faux. Le projet de loi vise les larges plateformes de diffusion professionnelles, comme Netflix, YouTube et Spotify. Il est par ailleurs clairement indiqué que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’organe responsable d’appliquer la Loi sur la radiodiffusion, ne doit, en aucun cas, imposer des obligations aux services lorsque les activités qu’ils mènent n’ont pas un impact jugé significatif à la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée dans la loi. De plus, de telles décisions feront l’objet de consultations publiques.

Quatrièmement, le sénateur affirme que le retrait de l’article 4,1 du projet de loi a changé la nature de celui-ci. C’était plutôt pour mieux respecter ses objectifs initiaux que cela a été fait, afin de s’assurer qu’un géant du web comme YouTube tombe sous l’égide de la loi et qu’il contribue financièrement et en rayonnement à la culture d’ici. Non seulement les fonctionnaires du ministère de la Justice ont émis un avis qui confirmait qu’il n’y avait pas d’atteinte à la liberté d’expression à travers le projet de loi C-10 et les amendements proposés, mais cet ajustement permet au projet de loi de mieux répondre aux recommandations du rapport Yale sur notre système de radiodiffusion. Pour rappel, ce rapport est le fruit de consultations élargies à travers le Canada (plus de 2000 soumissions et 12 conférences avec les parties prenantes).

Le professeur de droit Pierre Trudel et l’ancienne directrice du CRTC Janet Yale ont été parmi les nombreuses personnalités ayant ouvertement dénoncé ces fausses accusations d’atteinte à la liberté d’expression. La Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC), qui regroupe des organisations comme l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) et l’Union des artistes (UDA), et plus de 2000 entreprises culturelles au pays, a même produit une foire aux questions sur le projet de loi C-10 pour rectifier les faits, alors qu’une campagne de peur, pilotée par le Parti conservateur, faisait rage dans les médias et sur l’internet. L’implication et le soutien de la CDEC et des travailleurs culturels nous rappellent ceci : les créateurs canadiens ont assez attendu. Il est temps que leurs voix soient entendues et valorisées sur les grandes plateformes.

Au-delà des affirmations trompeuses, réductrices ou biaisées du sénateur Housakos, il faut avant tout comprendre que le Parti conservateur n’a jamais eu l’intention de faire progresser le projet de loi C-10.

En effet, c’est ce parti qui a tenté de le faire rayer des travaux du Parlement le 5 février dernier, avant même qu’il puisse être étudié en comité et être débattu.

Le sénateur Housakos accuse à tort le gouvernement d’avoir bâclé ce projet de loi et de ne pas avoir fait ses devoirs. C’est plutôt le Parti conservateur qui a séché ses cours, ne participant pas de façon constructive au débat, causant des délais injustifiés au travail des parlementaires et manipulant les Canadiennes et les Canadiens pour ses propres gains politiques, au mépris des artistes et des travailleurs de la culture d’ici.

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