En réponse au texte de Pierre Nantel, « C-10 : ces dix députés québécois qui n’ont pas défendu notre culture à Ottawa », publié le 10 juillet

En réponse à la polémique de Pierre Nantel, il est plus que temps de remettre les pendules à l’heure concernant C-10. Il est aussi temps de rejeter la démagogie de ceux qui prétendent que le fait d’être contre un mauvais projet de loi et son adoption sous bâillon est un affront à l’ensemble de la culture québécoise. La culture québécoise a su se développer et rayonner depuis des siècles avant l’arrivée de Steven Guilbeault et elle demeure la propriété de tous les Québécoises et Québécois, pas juste de ceux et celles qui votent d’un certain bord.

Lisez le texte de Pierre Nantel

Prenons d’abord la notion d’urgence financière. M. Nantel prétend que le secteur culturel perd 70 millions de dollars pour chaque mois que C-10 n’est pas adopté, une affirmation sans fondement. Le ministre Guilbeault a suggéré que C-10 résulterait en 830 millions de dollars par année en investissements supplémentaires en contenu canadien par les diffuseurs en ligne en 2023. Même ce chiffre est suspect. Les membres du Comité du patrimoine ont fréquemment demandé au ministre de produire les calculs expliquant comment il y est arrivé. Il ne les a jamais fournis malgré une motion unanime en ce sens en décembre dernier. Les 830 millions semblent donc avoir été sortis de nulle part et ne représentent aucune garantie d’aide immédiate au secteur culturel.

Soyons également clairs : les députés conservateurs ont toujours appuyé ce qui devait être le principe de base de C-10, c’est-à-dire moderniser la Loi sur la radiodiffusion, notamment en obligeant les géants du web comme Netflix et Amazon à investir une plus grande proportion de leurs revenus en contenu canadien. Ils ont d’ailleurs proposé plusieurs amendements pour renforcer les exigences de C-10 en matière de contenu francophone.

Leur opposition au projet de loi relevait de l’improvisation du gouvernement, de l’excès de discrétion accordée au CRTC et surtout de la réelle menace envers la liberté d’expression des Canadiens.

L’opposition conservatrice à C-10 relevait de deux lacunes majeures dans son projet de loi que le gouvernement aurait facilement pu corriger de son propre gré ou en acceptant les amendements constructifs que nous avons mis de l’avant. Premièrement, plutôt que de viser les grands géants du web, C-10 proposait de réglementer une catégorie d’« entreprises en ligne » définie de manière si large qu’elle pourrait inclure n’importe quel individu ayant un site web et produisant des capsules vidéo. L’Union européenne avait adopté une définition beaucoup plus précise de ce qu’est un diffuseur numérique dans sa législation tandis que l’Australie a fixé un seuil minimum de revenu nécessaire pour être assujetti à la réglementation, le tout afin de protéger les individus et les petites entreprises. Steven Guilbeault, qui se vante souvent de vouloir suivre leur exemple, aurait pu en faire autant.

Deuxièmement, les libéraux auraient pu écouter les nombreux experts comme le professeur Michael Geist, de l’Université d’Ottawa, qui leur ont demandé de protéger la liberté d’expression en ne réglementant pas le contenu que les Canadiens téléversent à des sites de réseaux sociaux comme YouTube et Facebook. La première version de C-10 comprenait deux exemptions distinctes pour protéger la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, des exemptions que même les fonctionnaires du ministère du Patrimoine ont reconnues comme étant nécessaires dans un mémo envoyé à leur ministre en décembre 2020. L’article 2.1 fait en sorte qu’un individu qui téléverse une vidéo à un site comme YouTube n’est pas, par ce fait même, considéré comme un diffuseur et soumis, par exemple, à des exigences de contenu canadien ou de contribution au Fonds canadien des médias. L’article 4.1, abrogé par les libéraux, protégeait le contenu qu’un individu pourrait téléverser. Pour simplifier, 2.1 protège la personne qui s’exprime tandis que 4.1 protège ce qu’elle dit. Il est donc inutile de dire qu’elle n’est pas un diffuseur au moment de téléverser une vidéo sur YouTube si le CRTC peut intervenir dans les algorithmes du site pour faire en sorte que presque personne ne puisse voir la vidéo, ou qu’une autre vidéo lui soit préférée. Voilà le véritable risque pour la liberté d’expression protégée par la Charte des droits.

Il vaut la peine de souligner qu’aucun autre pays démocratique ne réglemente la découvrabilité du contenu des utilisateurs des réseaux sociaux comme le propose C-10, une mesure qui pourrait même entraîner un protectionnisme culturel réciproque de la part d’autres juridictions.

Un accès préférentiel au marché canadien sur les réseaux sociaux pourrait donc limiter l’accès de nos créateurs à un marché de 60 millions de francophones européens si la France devait introduire son propre régime de découvrabilité en réaction à C-10.

La vérité, c’est que les libéraux ont attendu quatre ans pour agir dans le dossier des géants du web. Face à un projet de loi mal conçu par un ministre qui n’avait manifestement pas fait ses devoirs, les députés ont déposé plus de 127 amendements hyper complexes et techniques dont 28 provenaient des libéraux mêmes. Ils étaient collectivement plus longs que le projet de loi original et, avec le retrait de la section 4.1, changeaient sa nature. C’est le volume d’amendements et la nécessité de les étudier et de les débattre adéquatement qui furent les principales causes des délais en comité.

Les députés et les sénateurs conservateurs québécois continueront de défendre les intérêts de ces artistes et, si nous formons le prochain gouvernement, nous remplacerons rapidement le bourbier de C-10 avec une législation moderne qui oblige les géants du web à investir davantage dans la production de contenu original canadien, qui renforce leurs obligations en matière du français et qui protège la liberté d’expression de tous.

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