En lisant Tommy Chouinard ce samedi dans La Presse1, nous apprenions que le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, veut donner de l’argent aux entreprises qui conserveront les emplois qu’elles ont déjà par un nouveau programme de « prêts pardonnables ». Le ministre dit : « C’est 10 000 emplois créés, et on parle de projets de 10 milliards d’investissements ! » Toutefois, on apprend, en lisant plus avant, que le « pardon » sera déterminé en fonction du nombre d’emplois créés ou consolidés après cinq ans. Je souligne « ou consolidés ».

Aucune obligation de créer de nouveaux emplois ! Est-ce là le résultat d’avoir mis un gouvernement d’hommes d’affaires à la tête du Québec ? Voilà le projet de société que la CAQ nous offre ? L’État providence pour les entreprises ?

Sous des airs de promotion de la création d’emplois « payants », on va subventionner nos amis du monde des affaires sans que la société n’en retire de bénéfices durables. D’autres avant moi auraient appelé ça du bien-être social corporatif !

Autant l’ex-ministre Gaétan Barrette a été blâmé d’avoir favorisé ses amis médecins spécialistes, autant le ministre Fitzgibbon semble favoriser ses amis hommes d’affaires.

Bien avant la pandémie, François Legault disait espérer propulser l’économie du Québec. Dans une entrevue accordée à Gérald Fillion, de Radio-Canada, au début de 2020, il faisait part de son « obsession » pour la création de richesse. Il est difficile d’être contre la vertu et je salue le désir du premier ministre de vouloir augmenter notre richesse collective.

Là où il y a matière à discussion, c’est sur les moyens. Le rôle de l’État est-il d’être un investisseur, un banquier ? Est-ce bien là son expertise ? N’est-ce pas plutôt le rôle des marchés financiers : banques, capital-risqueurs, fonds d’investissements, etc. ? Si tous ces intervenants ne sont pas prêts à financer un projet, devrait-on remettre en question son modèle d’affaires ? Est-ce bien prudent d’y investir le portefeuille des Québécois ?

Dans cette entrevue, François Legault est cité disant : « un projet de Guy LeBlanc qui coûte 1 $, mais qui rapporte 1,50 $ au ministre des Finances, c’est un projet qui vaut la peine ! » Mais en fait, combien nous rapportent leurs subventions, prises de participations et « prêts pardonnables » ? Bien malin qui peut le dire ! Bien que ces interventions soient toujours annoncées sous prétexte qu’elles favorisent la croissance économique, un tel lien est rarement concrètement démontré. Il n’y a aucune transparence ni aucune imputabilité.

Est-ce que le succès des projets, tels que choisis par les politiciens et les fonctionnaires, relève de la rentabilité économique ou politique ? La question se pose.

Quand M. Legault nous annonce qu’il investit 400 millions dans l’entreprise de son ami chez Telesat pour créer des « jobs à 100 000 $ », nous sommes en droit de penser que, si le modèle d’affaires est rentable, l’entreprise n’a pas besoin du soutien du gouvernement ; qu’elle trouvera ailleurs ses capitaux et que les mêmes emplois seront créés de toute façon.

Rentabilité politique ou économique ?

Un autre exemple ? L’annonce toute récente de 386 millions à Kruger. L’entente exclut l’obligation de réintégrer les employés qui ont perdu leur emploi en avril 2020 à l’usine Kruger voisine. On nous annonce donc la création d’emplois… en oubliant ceux éliminés tout récemment par la même entreprise.

Voyez-vous toute la richesse collective que l’on a créée ?

Je conclu en me permettant de réitérer que je crois fondamentalement que l’État peut et doit faire des gestes afin de faire croître notre richesse collective. Ce que je remets en question, ce sont les moyens choisis par l’actuel gouvernement de même que le manque de transparence et d’imputabilité face aux résultats réels de ses choix.

Je suis d’avis qu’il est essentiel d’élaborer une stratégie économique globale, incluant une réflexion sur notre compétitivité (compétence des travailleurs, politiques fiscales et cadres réglementaires), qui créera les conditions propices permettant aux entreprises locales de s’épanouir et attirera chez nous des projets novateurs et porteurs pour le futur.

1 Lisez le texte de Tommy Chouinard

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