Chaque mois, Statistique Canada nous rappelle que la vie coûte cher. Le secteur de l’alimentation présente une situation particulière depuis deux décennies.

Selon l’agence fédérale, le prix du panier d’épicerie a augmenté d’environ 240 % depuis 2000. Certains vont croire qu’un tel pourcentage est tout à fait normal compte tenu de l’effet de l’inflation. Possible, mais le coût général pour les autres produits et services n’a pas subi la même hausse depuis 20 ans.

D’ailleurs, en comparant l’indice des prix à la consommation avec l’indice des prix alimentaires depuis 20 ans, on remarque un clivage assez marquant. Outre en Iqaluit, l’ensemble des provinces et des territoires canadiens ont vu leur indice des prix à la consommation être supplanté par l’indice des prix alimentaires. Dans la plupart des cas, l’indice des prix alimentaires a gagné au moins 10 points de plus en 20 ans. Les différences les plus importantes se retrouvent dans l’Est. Au Québec, la différence entre les deux indices atteint 23,1 points et en Nouvelle-Écosse, 21,3 points. L’endroit où l’indice des prix alimentaires a dépassé l’indice général des prix de la façon la plus marquée est au Nouveau-Brunswick avec 25,8 points.

Autrement dit, au cours des deux dernières décennies, les ménages canadiens, surtout dans l’Est, doivent vraisemblablement consacrer une plus grande part de leur budget à l’alimentation.

Le fossé s’est creusé davantage entre ces deux indices au cours de la dernière décennie. Pour l’Est, les raisons varient entre le manque de transformation en région et les coûts logistiques plus importants pour desservir certains marchés éloignés.

Certains diront que la situation est inacceptable et qu’une hausse soutenue des prix alimentaires serait dommageable pour les plus démunis. Oui et non.

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Le prix du panier d’épicerie a augmenté d’environ 240 % depuis 2000, selon Statistique Canada.

N’oublions pas que le royaume de l’alimentation au rabais se trouve en Amérique du Nord. Nous sortons d’une ère durant laquelle nous mangions à tout prix ce qui était moins cher. Pendant une génération, l’industrialisation alimentaire nous a amenés à consommer des produits de qualité variée provenant d’un peu partout dans le monde. Mais les choses changent. Bien que l’abordabilité demeure une priorité pour le secteur agroalimentaire, la qualité, la provenance des aliments et l’empreinte écologique que représentent nos choix apportent leur lot de complexité et de coûts supplémentaires. Avec l’innovation, nous avons l’abondance et le choix toute l’année. On peut toujours faire mieux, mais les consommateurs sont très bien servis. Il y a un prix à payer pour cela, et les dernières décennies, surtout la dernière, nous font vivre un phénomène de rattrapage qui se reflète dans les prix. Évidemment, avec la COVID-19, ce rattrapage s’accentue.

Mais il n’en demeure pas moins que plusieurs personnes ont énormément de difficulté à rejoindre les deux bouts. Malgré le caractère invisible de la pauvreté, elle se manifeste et restera présente, surtout dans les prochains mois. Avec cette première portion d’année difficile, il est temps d’évaluer la possibilité d’instaurer un revenu minimum garanti pour créer une meilleure équité financière pour tous.

Il y a quand même quelques bonnes nouvelles pour les chasseurs d’aubaines. Depuis des années, nous nous attardons surtout à discuter des produits qui coûtent plus cher, mais saviez-vous qu’il existe quelques produits dont le prix est demeuré à peu près le même depuis 20 ans ?

Toujours selon Statistique Canada, la farine n’a augmenté que de 38 % et le beurre d’arachides coûte à peine 5 % plus cher qu’en 2000. Bien sûr, les prix varient selon les régions, le type de magasin et la période de l’année. Mais le beurre d’arachides se vend à bon prix depuis 20 ans. Le produit qui remporte la palme des aubaines est cependant le sucre. Selon Statistique Canada, le sucre blanc a pratiquement conservé le même prix qu’en 2000, soit 2,40 $ pour un sac de deux kg. Même s’il n’existe que trois producteurs de sucre au Canada qui contrôlent le marché, Redpath, Lantic et Rogers dans l’Ouest, le prix du sucre a à peine changé depuis deux décennies, une situation tout à fait particulière.

L’industrie du sucre reste assez obscure et tout se négocie au privé. Les prix canadiens se basent sur les prix mondiaux du sucre qui sont nettement inférieurs aux prix soutenus par des tarifs américains et européens. Les faibles tarifs d’importation du Canada signifient également que la concurrence mondiale du sucre raffiné maintient les prix bas ici comparativement aux États-Unis. En effet, le prix du sucre au Canada est en moyenne 35 % plus bas que celui vendu chez nos voisins du Sud.

Et ce n’est pas demain la veille que tout cela va changer.

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