Êtes-vous inquiet du mouvement de colère qui prend de l'ampleur dans les pays musulmans, en réaction à la diffusion de la vidéo anti-islam réalisée aux États-Unis? Craignez-vous que cette haine anti-américaine puisse dégénérer? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



UN PRÉTEXTE POUR ATTAQUER



Un film aussi ridicule que « L'innocence des musulmans », un navet de première classe à tout point de vue, aurait dû déclencher un énorme et planétaire éclat de rire. Hélas! les extrémistes n'entendent pas à rigoler. Un acte de provocation, inutile et contreproductif, leur fournit un prétexte pour attaquer. Nous avons vu par le passé des répliques violentes aux caricatures de Mahomet et aux Corans brûlés. Les démocraties chérissent, à juste titre, la liberté d'expression. Cette liberté est récusée par les intégristes. Tous les intégrismes ont cela en commun : une allergie à la critique, à l'opinion divergente, à la caricature. Les médias sociaux, rapides sur la gâchette de l'indignation, amplifient et accélèrent les sentiments les plus négatifs. Même si les actes violents sont l'oeuvre d'une minorité fanatique, des millions de personnes qui ne désirent que la paix se trouvent emportés dans la spirale de violence et de son combat. Malheureusement, la mise en place des États de droit efficaces pour combattre les extrémistes dans les régions qui ont subi récemment des dictatures prendra des décennies. Pour l'instant, espérons que les gens de bonne volonté, peu importe leurs croyances, dénonceront les fondamentalistes de tout poil et les provocateurs idiots.

Jana Havrankova

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



LA COLÈRE, MAUVAISE CONSEILLÈRE



La colère est toujours mauvaise conseillère. Lorsqu'elle devient haine envers un groupe ou un individu, elle devient carrément inacceptable et injustifiable. Les réactions à la suite de la diffusion de la vidéo amateur anti-islam réalisée aux États-Unis sont disproportionnées et s'alimentent à un brasier d'intolérance et d'anti-américanisme primaire. Difficile alors de prévoir la suite des choses lorsque le dérapage amorcé par une provocation isolée est monté en épingle pour servir des intérêts politico-religieux à peine voilés... Le danger est double : d'une part, il faut prendre au sérieux les manifestations de colère à l'endroit de la vidéo et tenter d'en minimiser l'impact et, d'autre part, il ne faudrait pas légitimer l'intolérance envers la liberté d'expression au point de donner raison à ceux qui veulent la brimer au nom d'un impératif religieux. Le danger réel d'attentats et d'autres réactions violentes ne doit pas mener à une autocensure qui cautionnerait les condamnations religieuses et l'intolérance. Comment alors concilier les hommes de différentes croyances au lieu de les diviser, comme la diffusion de la vidéo l'a fait jusqu'ici? Les tentatives de rapprochement entre les pays musulmans et les pays occidentaux semblent les seules réponses valables et viables aux provocations des différents groupes. Le dialogue et la communication sont nécessaires afin de baisser les tensions que la diffusion de cette vidéo voulait provoquer.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.

ENCORE LA RELIGION



Une fois de plus, la religion est au centre d'un potentiel conflit mondial. En fait, est-ce vraiment le religion qui fait en sorte d'enflammer les passions au point de tuer? Je dirais plutôt que la cause majeure de ce conflit est due à l'interprétation des écrits du Coran par certains extrémistes religieux. L'être humain fera souvent dire aux écrits tels la Bible et le Coran ce qu'il veut bien entendre. Sa version n'est pas pour autant celle que les auteurs voulaient voir se propager. Rien ne justifie de tuer son prochain et aucun auteur de texte religieux ne demande cela. Il y a des centaines de croyances religieuses à travers le monde. Les adeptes doivent-ils tuer à chaque occasion où l'on se moque de leur religion? Si tel était le cas, les catholiques, dont je suis, auraient des centaines de morts à leur actif. Combien de fois notre religion, le Pape ou encore notre Dieu ont-ils été caricaturés et parodiés? Sommes-nous pour autant devenus des meurtriers? Les extrémistes voient en ce film un prétexte afin de faire escalader la haine envers les américains et probablement tout autre peuple qui pense comme eux. Le Canada sera t-il aussi visé par ces vagues de vengeances? Souhaitons que non.

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



UN TRISTE CONSTAT



Tout soubresaut de l'extrémisme ou de l'intégrisme est inquiétant. Il est particulièrement révélateur du niveau de tension qui existe entre les peuples musulmans et l'Occident de constater que l'opinion ou « l'oeuvre » d'un illustre inconnu puisse susciter une telle réaction. La rage dont nous sommes témoins semble, en effet, être dirigée vers l'ensemble de l'Occident. Peut-être est-ce une incompréhension complète de la culture musulmane de ma part, mais il me semble nettement exagéré que les peuples musulmans accordent autant d'attention et perdent autant d'énergie à manifester contre un film minable tourné par un quidam qui ne mérite pas le titre de cinéaste. Je me demande aussi comment on peut en arriver à la conclusion que ce bide peut, de quelque manière que ce soit, refléter la vision des pays occidentaux. Cette colère peut certainement nous faire craindre une recrudescence de la violence. C'est un très triste constat puisque chaque acte de violence nous éloigne un peu plus les uns des autres.

Denis Boucher

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.



UN FANATIQUE EN ATTIRE UN AUTRE



Sept ans après le scandale des caricatures de Mahomet, le monde arabe s'embrase à nouveau. Cette fois, c'est la bande-annonce d'un navet cinématographique qui justifie la  violence et attise la haine antiaméricaine. Ce film qui, pour un Occidental, n'est rien d'autre qu'une parodie religieuse de mauvais goût, est interprété comme une provocation inacceptable par certains musulmans. Allez savoir! Il se trouvera toujours quelqu'un, quelque part, pour réagir aux caricatures et aux parodies, a fortiori si c'est pour haïr les Américains. Malgré les idées véhiculées lors du printemps arabe, ces manifestants islamistes ignorent totalement les principes de la démocratie et de la liberté d'expression. Ils ne comprennent pas qu'un illustre inconnu de la Californie puisse produire un film sans que le gouvernement américain et les diplomates de son consulat de Benghazi (Libye) en soient responsables. Le danger, c'est que ce fanatisme religieux suscite l'émergence d'une réplique tout aussi violente. Si Georges Darien a raison,  «seul le fanatisme de la liberté peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition».

Pierre Simard

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



PRÉLUDE À UNE CONFRONTATION



Ce n'est pas la première, et ce ne sera sûrement pas la dernière fois que l'on assistera à des soulèvements populaires de masse pour dénoncer le comportement de certains Américains envers l'Islam. Si l'on n'y prend garde, la réaction en chaîne à laquelle nous assistons ces jours-ci dans les pays musulmans pourrait facilement dégénérer en un conflit de moindre importance d'abord, pour verser assez rapidement dans un conflit armé, dans une des régions chaudes du monde sur le plan politique, notamment au Moyen-Orient. L'Iran, ce pays mal aimé parce qu'il veut acquérir l'arme nucléaire pour se défendre contre un agresseur éventuel, ne fait aucunement dans la dentelle lorsqu'il s'agit de provoquer. La vidéo anti-islam produite aux États-Unis et diffusée sur YouTube s'apparente à une forme de provocation et peut bien s'avérer l'élément déclencheur d'un conflit majeur. Les États-Unis constituent une superpuissance sur le plan militaire et leur implication dans divers conflits à travers le monde déplaît souverainement. La haine anti-américaine est palpable et, si rien n'est fait pour apaiser les tensions qui gonflent comme une rivière en crue, il est plausible que le mouvement de colère suscité par cette vidéo dégénère davantage. Les auteurs de cette vidéo devraient tirer une leçon de cet épisode et les États-Unis devraient condamner toute forme de provocation basée sur l'appartenance religieuse.

Jean Gouin

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



LA POUDRIÈRE



La réaction de certaines populations musulmanes à la publication de cette vidéo ou de certaines caricatures montrent jusqu'à quel point la situation politique dans ces régions est instable et combien la haine contre les Américains ou, de façon plus générale,  contre la civilisation occidentale est à la source de nombreux actes de violence contre des personnes qui n'ont absolument rien à voir avec les événements déclencheurs.  Les codes de justice et leurs règles sont jetés par dessus bord.  On retourne à l'ère de la chasse aux blasphémateurs du Moyen Âge.  La religion au lieu d'être la source de comportements plus respectueux de la dignité de tous les hommes devient l'huile qu'on jette sur le feu.  Entre-temps, certaines factions politiques utilisent ce genre d'évènements pour augmenter leur pouvoir. L'histoire de l'humanité est remplie de ce type de situations.  Une étincelle suffit pour mettre le feu aux poudres. À quand la prochaine?

Jean-Pierre Aubry

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette.



QUAND LA MÉDIOCRITÉ PROVOQUE LE FANATISME



Ce qui me fait peur, c'est de constater qu'il y a autant d'intégristes dans notre monde qui se servent d'un film super médiocre pour exprimer leur haine viscérale envers les États Unis d'Amérique. Je peux comprendre les frustrations de certains pays musulmans par rapport aux politiques américaines qui appuient sans nuances Israël et son idéologie sioniste. Par ailleurs, cette violence à l'endroit des ambassades où l'on tue au nom de Dieu, fait plus de tort à la religion musulmane qui a déjà beaucoup de mal à se faire accepter dans les pays occidentaux. Celui qui se sert de l'épée périra par l'épée, nous dit le Christ de l'Évangile. La violence ne règle rien; elle suscite le désir de vengeance de part et d'autre. Et lorsque celle-ci est portée par une religion, elle nourrit l'athéisme qui cherche par tous les moyens à discréditer les religions, sous prétexte qu'elles ne sont que source de conflits et de guerres partout sur la planète. Personnellement, j'ai une sainte horreur de ces fanatiques religieux qui sont incapables d'accepter que leurs prophètes, que leurs rites et que leurs livres sacrés soient ridiculisés par des imbéciles qui se délectent dans la médiocrité. Sans le savoir, ces fous de Dieu font de la publicité à des torchons qui ne valent même pas la peine d'être analysés. Comme chrétien, comme prêtre, qu'on se moque du Christ et de l'Église, je n'ai aucun problème avec ça. Ma foi ne dépend pas de ces quelques éberlués, seulement capables de caricaturer grossièrement mes convictions profondes. Leurs dessins et leurs représentations me font voir les limites de ma religion et me permettent tout simplement de raffermir ma confiance au Christ et à l'Église.

Raymond Gravel