Face aux débrayages illégaux qui frappent les chantiers, le gouvernement Charest doit-il tenir bon dans sa volonté d'adopter son projet de loi encadrant le placement syndical dans le secteur de la construction?



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Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



FAIRE PREUVE DE LEADERSHIP



Recourir à des gestes illégaux pour protéger ses actions empreintes de corporatisme nous démontre à quel point certains syndicats issus du domaine de la construction sont prêts à aller pour protéger leur pouvoir territorial. Il est clair que le gouvernement Charest doit aller de l'avant avec le projet de loi no 33 afin de permettre aux petits syndicats de pénétrer le milieu hermétique des syndicats qui contrôlent les grands chantiers de construction. Le gouvernement ne peut tergiverser avec une telle situation, car c'est l'économie qui, cette fois-ci, est prise en otage. De la vigueur s'impose et le message se doit d'être clair. Pas question de ne déplacer qu'un peu de poussière, de crainte de trop déranger ceux qui font la loi sur les chantiers. Un véritable coup de balai s'impose pour mettre fin au népotisme dont font preuve certains de ces syndicats. Ce qui doit primer, ce n'est pas l'appartenance syndicale mais plutôt la carte de compétence. Il y a assez de scandales de toutes sortes dans le domaine de la construction. C'est maintenant qu'il faut mettre en place les premiers jalons en vue d'assainir l'industrie de la construction. Le gouvernement ne peut se permettre de constamment regarder en arrière. En adoptant son projet de loi encadrant le placement syndical dans le secteur de la construction, le gouvernement ferait preuve de leadership et démontrerait sa volonté d'épurer certaines pratiques dans une industrie trop longtemps laissée à elle-même.

Jean Gouin

Françoise Bertrand

Présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec.



LE GOUVERNEMENT DOIT ALLER DE L'AVANT



Le projet de loi 33 déposé par la ministre du Travail, Lise Thériault, est essentiel. Les débrayages spontanés que tiennent aujourd'hui certains syndiqués prouvent la justesse du projet de loi. Ils paralysent les plus importants chantiers du Québec comme le CHUM, le CUSM et La Romaine. Combien pensez-vous que ces arrêts de travail coûtent aux contribuables québécois? Lorsque la ministre Thériault a déposé le projet de loi 33, nous avons salué son courage. Aujourd'hui, nous lui demandons de ne pas se laisser distraire par ces grèves illégales. Elle doit aller de l'avant et faire adopter cette loi, car certaines associations syndicales doivent comprendre que les temps ont changé. Il est complètement anormal qu'un délégué syndical décide à la place des donneurs d'ordre qui seront les travailleurs sur un chantier. Le rapport sur la Gaspésia avait mis à jour des pratiques plus que douteuses et consterné les Québécois. Enfin, le gouvernement agit sur cette question pour qu'on ne revive plus un tel fiasco.

Photothèque Le Soleil, Laetitia Deconinck

Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc. et ancien PDG de la SAQ et de Loto-Québec.



DU CÔTÉ DES «BONS»



En politique comme en affaires, il est important de prendre des décisions par choix et non par obligation, même si cela n'est pas toujours facile ou possible. Il est important de contrôler les évènements et non de se laisser contrôler par eux. Dans le cas contraire, il faut alors faire des virages à 360 degrés et cela laisse des marques. Le gouvernement Charest vient de faire un tel virage dans le dossier de la commission d'enquête sur l'industrie de la construction et il ne peut tout simplement pas se permettre d'en faire un autre dans le dossier encadrant le placement syndical toujours dans le secteur de la construction. En fait, je crois que, en bon stratège politique, le gouvernement sera probablement content de faire diversion en portant l'attention sur quelque chose d'autre que la commission d'enquête publique où il a perdu la face. Il y aura cependant une grande différence cette fois, à savoir que le gouvernement sera perçu comme étant du côté des «bons» et non du côté des «méchants». C'est pour cette raison que je crois que, face aux débrayages illégaux qui frappent les chantiers, le gouvernement tiendra bon, avec raison, dans sa volonté d'adopter son projet de loi. D'ailleurs, il serait idiot de sa part de ne pas utiliser les débrayages pour démontrer qu'il a encore de la «couenne» et que les syndicats doivent rentrer dans le rang.

Gaétan Frigon

François Bonnardel

Député adéquiste de Shefford.

LE GOUVERNEMENT NE DOIT PAS RECULER



Ce n'est pas la première fois que le gouvernement québécois veut mettre fin au placement syndical dans le secteur de la construction. Or, dans le contexte actuel, le gouvernement ne doit pas reculer. Ce sont les droits des travailleurs qui sont en cause et nous avons le devoir de préserver leurs libertés fondamentales. La réaction négative des syndicats majoritaires de l'industrie était prévisible, mais elle ne doit pas nous détourner de l'objectif. Le placement syndical de la main-d'oeuvre sur les chantiers de construction ne date pas d'hier. Le président de la FTQ, Michel Arsenault, affirme d'ailleurs que le placement syndical est pratiqué depuis le Moyen Âge. Outre l'absurdité de cet argument, rappelons que c'est l'intimidation des travailleurs qui relèvent des pratiques du Moyen Âge et non pas le placement syndical. Celui-ci n'a plus sa place sur les chantiers. Rappelons qu'en mars 2010, l'Action démocratique du Québec proposait de confier le placement des travailleurs de la construction à un bureau indépendant, une mesure préalablement recommandée par la Commission Cliche et la Commission d'enquête sur la Gaspésia. Même la CSN avait appuyé notre initative. Nous sommes donc heureux que le gouvernement ait repris cette idée, car les pratiques d'intimidation doivent cesser.

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP.



UN POUVOIR DÉMESURÉ



Au moment où la ministre Lise Thériault veut mettre fin à l'intimidation sur les chantiers de construction, voilà qu'elle est l'objet de menaces et se voit obligée de renforcer sa garde rapprochée. Comme preuve de la légitimité d'un projet de loi, on ne pouvait trouver mieux. Au Québec, les syndicats exercent un pouvoir démesuré sur l'appareil politique. Tous les moyens de pression leur sont permis: du débrayage illégal à l'intimidation. En réalité, depuis des décennies, nos syndicats ne respectent pas la loi, ils font la loi! Cette manière de procéder les a longtemps servis. Ils ont appris, au fil des ans, que leurs actes illégaux sont rarement punis par les autorités. Dans ce contexte, pourquoi s'en priveraient-ils? D'autant plus qu'ils enrobent leurs gestes d'une héroïcité visant à protéger les soi-disant grands acquis de notre Révolution tranquille. Pourtant, il faudra bien qu'un jour, quelqu'un mette ses culottes. Espérons que ce sera cette fois... à suivre!

Pierre Simard