Dans son budget déposé mardi, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a confirmé son intention de diminuer le taux d'imposition des entreprises à 15% en 2012, après l'avoir déjà ramené à 16,5% le 1er janvier dernier. Êtes-vous d'accord avec cette décision du gouvernement Harper, à laquelle s'opposent les partis de l'opposition, et qui pourrait être un des prochains enjeux de la campagne électorale?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Sylvain Charlebois

Vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de l'Université de Guelph, en Ontario.

PRIVILÉGIER LES INCITATIFS À L'INNOVATION

Une nouvelle baisse du niveau d'imposition des entreprises canadiennes permettra à plusieurs entreprises d'absorber une augmentation plausible des coûts énergétiques et de la hausse plus que probable des taux d'intérêt sur les emprunts. Or, les taux d'imposition sur les entreprises sont déjà très concurrentiels au Canada. Ainsi, une baisse du taux d'imposition ne devrait pas être une priorité pour cette année. Dans le domaine agroalimentaire, par exemple, le budget doit plutôt offrir des mesures fiscales afin de favoriser l'innovation. L'augmentation du coût des intrants affectera le niveau de compétitivité de plusieurs entreprises agroalimentaires. Celles-ci sont assujetties à des hausses considérables des denrées alimentaires telles que le blé, l'orge et le sucre, sans pour autant oublier le facteur «pétrole». Les marges bénéficiaires fondent comme neige au soleil. Avec la hausse du dollar canadien, les entreprises agroalimentaires ont une chance inouïe d'augmenter leur productivité, d'adopter des pratiques plus efficaces et de miser sur la recherche et le développement de nouveaux produits. Pour cette année, au lieu de canaliser son énergie sur le taux d'imposition, le gouvernement fédéral doit offrir aux entreprises agroalimentaires des incitatifs fiscaux qui favoriseront l'innovation. Elles en ont grandement besoin.

Pierre-Yves McSween

Comptable et chargé de cours à HEC Montréal.

OÙ S'ARRÊTE LA COMPÉTITION?

Voici un débat où il faut demeurer nuancé. Il faut comprendre que la mondialisation permet aux citoyens de se payer des biens de consommation à des prix qui défient toute concurrence locale. L'envers de la médaille: nous avons créé, au cours des années, un climat de compétition mondiale où les pays se battent pour attirer les sociétés. Ainsi, si nous voulons demeurer en compétition avec les autres pays, nous devons accepter que notre taux d'imposition demeure concurrentiel. Mais où doit-on s'arrêter? Au Canada, cette nouvelle baisse de 16,5% à 15% s'ajoute aux réductions antérieures, car le taux fédéral d'imposition des sociétés était à 19,5% en 2008. À cela, il faut ajouter le taux d'impôt provincial qui varie d'une province à l'autre. Doit-on encore améliorer notre compétitivité à ce niveau? Ne doit-on pas capitaliser sur d'autres avantages du Canada? N'oublions pas que les sociétés utilisent des ressources collectives, il pourrait être logique de maintenir un certain niveau de taxation. Nous sommes devant des choix de société. Désirons-nous diminuer nos dépenses ou taxer les entreprises et les particuliers? Cette dernière baisse était-elle nécessaire pour maintenir notre compétitivité? Personnellement, laissez-moi émettre un certain doute. Il faudrait savoir si cette baisse de taux rapportera plus à l'ensemble du peuple canadien qu'il ne lui en coûtera. Voilà la vraie réponse à obtenir dans les prochaines années.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée.

L'ATTRAIT DE L'ENTREPRENEURSHIP

Les entreprises ne sont rien d'autre qu'un faisceau de relations contractuelles entre des individus, qui s'assemblent dans le but de produire quelque chose. Logiquement, l'entreprise reportera les coûts additionnels que constitue le paiement d'un impôt sur l'un ou l'autre des trois groupes suivants:

1. Ses propriétaires, qui devront se redistribuer moins de profits ou recevront par exemple des dividendes moins élevés sur leurs actions. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à un impôt sur les dividendes.

2. Ses employés, qui devront se contenter de salaires moins élevés. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à un impôt sur le revenu personnel.

3. Ses clients, qui devront payer plus cher les produits ou services de l'entreprise. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à une taxe de vente.

Imposer des corporations, c'est donc imposer des relations et un processus de création de richesse. Baisser les impôts des compagnies, c'est baisser les impôts des propriétaires, employés et clients qui y sont impliqués et c'est augmenter l'attrait de l'entrepreneurship, parce que créer une entreprise devient plus profitable, et l'attrait de l'investissement, parce qu'investir dans des entreprises devient plus rentable. Mais ce n'est pas politiquement rentable, car les entreprises ne votent pas!

Yves-Thomas Dorval

Président du Conseil du patronat du Québec.

POUR LA PROSPÉRITÉ DU PAYS

Précisons d'emblée que la réduction des impôts des entreprises a comme effet d'encourager l'investissement privé au Canada - tant intérieur qu'étranger - ainsi que de favoriser l'emploi et une meilleure rémunération des travailleurs. Les syndicats, qui prétendent le contraire, desservent l'intérêt de leurs membres, puisque l'augmentation des impôts exerce une pression à la baisse sur les salaires et l'emploi. De plus, il est démontré que cette réduction d'impôts ne diminue pas à long terme les revenus des gouvernements. Il est aussi exact d'affirmer que la réduction de l'imposition des entreprises fera du Canada un des pays du G7 qui impose le moins ses entreprises. Mais spécifions que plusieurs autres pays de l'OCDE ont des taux d'imposition équivalents ou encore plus bas que celui du Canada, notamment les pays scandinaves, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Irlande. Au sortir d'une crise financière, un des grands défis que le Canada doit relever est de stimuler l'investissement privé alors que le gouvernement se retire des programmes mis en place pour contrer les effets de la récession. Alléger l'imposition des entreprises est une excellente façon de stimuler cet investissement et, par voie de conséquence, de stimuler l'entrepreneuriat, la création d'entreprises et la productivité. Il en va de la prospérité du pays.