Pour une fois, je l'ai reconnu du premier coup. C'était bien Benoît, toujours avec cette mine réjouie à propos de rien, ou de tout, on ne sait pas. Il se promène au milieu des gens avec le sourire de celui qui aime la vie un peu plus qu'avant, je veux dire avant d'avoir eu peur de mourir.

Depuis qu'il a perdu 50kg et qu'il court des marathons, je mets d'habitude cinq ou six secondes de silence embarrassé avant de le replacer. Mais là, ça y est, son nouveau lui est bien imprimé dans ma tête.

 

Il était entraîneur de hockey de mes enfants, au temps où il n'était pas mince. Le voici mentor de Samuel, un des jeunes du projet Étudiants dans la course. Pas besoin de tellement de discours sur la motivation et la capacité de changer: montrez une photo de Benoît avant et sa face maintenant.

Benoît accompagnait Samuel à l'épreuve du 2000 m des championnats scolaires de Montréal, sur la très belle piste du parc Étienne-Desmarteau, dans Rosemont.

Samuel a commencé à s'entraîner l'automne dernier sans jamais avoir couru avant. Il a à peine 15 ans et sera le plus jeune marathonien du groupe.

Mercredi, Samuel n'était pas fâché d'avoir fait autour de 8 minutes, mais il a trouvé que les premiers roulaient assez fort, surtout le gagnant, un gars plus petit d'une tête, qui a fini autour de 6 min 40. «Des machines!» Mais après mûre réflexion, il ajoute: «Au 10 km, je suis sûr que je les ramasse!»

Il vient à peine de commencer et a couru au maximum 80 minutes. Déjà, il court les 10 km en 52, 53 minutes.

Ce que ça a changé dans sa vie? Se lever à 6h le samedi pour s'entraîner. S'organiser. Se faire à déjeuner. Être content de s'améliorer. Se sentir bien.

«Et l'école? Ça t'aide, de courir?» Après tout, le programme est calqué sur un programme américain de lutte contre le décrochage qui a fait ses preuves. C'est un peu le but de l'opération...

Samuel réfléchit. «L'école? Pas vraiment, c'est plus un défi personnel.»

Je les ai quittés en leur souhaitant bonne chance. Samuel parlait déjà de la prochaine course. Les grosses semaines sont devant lui, les sorties de deux heures, deux heures et demie... Depuis huit mois déjà, il tient bon, comme presque tous les autres.

L'école? L'histoire que Samuel est en train d'écrire avec Benoît et les autres, ce n'est pas une histoire scolaire. C'est une histoire de persévérance et d'estime de soi. Des trucs pas mauvais à l'école, mais assez bons dans toute la vie.

On se verra au Tour du lac Brome, Samuel.