Mike Katchen n'a jamais eu peur de se mouiller à la Bourse. À l'âge de 12 ans, le patron du robot-conseiller Wealthsimple a remporté un concours de placement en investissant tout son portefeuille virtuel de 100 000 $ dans un seul titre, celui de MGI Software.

Ce portefeuille n'était certes pas un exemple à suivre en matière de diversification, admet de bon coeur le financier. Mais en quelques semaines, l'action a explosé de 250%, ce qui lui a permis de remporter le premier prix et d'obtenir une semaine de ski alpin à Whistler. «Je trouvais que j'étais un des enfants de 12 ans les plus "cools"!», se souvient-il.

Aujourd'hui, les investisseurs autonomes pourraient bien trouver assez «cool» sa nouvelle application mobile qui leur permettra de dire adieu aux commissions à la Bourse.

Pour se tailler une place dans l'industrie du courtage réduit, Wealthsimple Trade s'apprête à lancer un service qui permettra de négocier quelque 8000 actions et fonds négociés en Bourse (FNB) tout à fait gratuitement.

Zéro commission à l'achat. Zéro commission à la vente. Transactions illimitées. Sans avoir à maintenir un solde minimum dans le compte. Le lancement officiel de la plateforme en anglais est prévu au cours des prochains mois un peu partout au Canada. Il sera rapidement suivi d'une version en français.

Si certains courtiers directs offrent déjà les transactions gratuites sur une brochette de FNB, l'abolition des commissions tous azimuts constitue une première au Canada et pourrait bien déclencher une nouvelle guerre des prix dans l'industrie du courtage sur internet.

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Déjà, les prix ont fondu de moitié depuis 10 ans. L'an dernier, l'industrie canadienne du courtage direct a réalisé 59,9 millions de transactions, en facturant une commission moyenne de 10,07 $. C'est deux fois moins qu'en 2007, alors que la commission moyenne était de 21,07 $, selon le Retail Brokerage and Distribution Report de la firme Strategic Insight.

L'arrivée d'une jeune fintech audacieuse viendra-t-elle ébranler cette industrie dominée par des filiales de grandes banques?

«Dans d'autres marchés, on a vu l'arrivée de services similaires, sans que le reste de l'industrie suive», répond M. Katchen qui a cofondé l'entreprise avec l'appui financier du poids lourd Corporation Financière Power.

Aux États-Unis, en effet, la firme Robinhood a connu un vif succès avec son service de courtage sans commission, sans que les géants comme Ameritrade ou eTrade laissent tomber leurs prix jusqu'à zéro.

Mais comment une firme de courtage peut-elle survivre si elle ne prélève aucune commission ? Où est l'attrape, me demandez-vous ?

En fait, les commissions sont loin d'être la seule source de revenus des firmes de courtage. Par exemple, celles-ci perçoivent des frais de change - parfois jusqu'à 2% - sur les transactions en devises étrangères, souvent sans que les clients le réalisent. Les courtiers font aussi beaucoup d'argent avec les liquidités que leurs clients conservent dans leur compte. Les intérêts perçus sur les comptes sur marge leur apportent aussi de l'eau au moulin.

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Mais revenons à Wealthsimple. L'entreprise a d'abord fait sa marque en lançant sur internet un robot-conseiller qui permet aux investisseurs néophytes de se bâtir aisément un portefeuille qui correspond à leur profil et qui se rééquilibre régulièrement. Au total, le service coûte environ de 0,5% à 0,7% par année, selon la taille du compte. Une aubaine par rapport aux fonds communs de placement qui facturent facilement 2,5% par année.

L'entreprise fait maintenant un pas de plus en abolissant les commissions sur toutes les actions et tous les FNB inscrits à la Bourse de Toronto, à la Bourse de croissance, à la Bourse de New York et au NASDAQ.

«Beaucoup de nos clients nous ont dit qu'ils aimaient notre service de robot-conseiller, mais qu'ils détenaient toujours des titres individuels ailleurs et souhaitaient consolider leurs actifs», explique M. Katchen.

L'entreprise compte présentement plus de 100 000 clients qui ont des actifs totalisant 2,5 milliards de dollars. Avec sa nouvelle plateforme, la firme espère attirer de nouveaux investisseurs qui ont toujours été intimidés d'aller chez un courtier direct parce qu'ils ont l'impression que c'est trop compliqué.

«Notre responsabilité sera de les éduquer. Négocier des actions, c'est bien, dans la mesure où cela fait partie d'un plan diversifié», insiste M. Katchen qui a beaucoup appris depuis ses premières expériences boursières.

En achetant des FNB, les investisseurs amateurs peuvent se bâtir en quelques clics un portefeuille simple et équilibré à un prix défiant toute concurrence. Par exemple, en choisissant un des trois nouveaux fonds équilibrés de la famille Vanguard (VCNS, VBAL et VGRO), il est possible de se constituer un portefeuille clés en main moyennant des frais de 0,22% par an. Maintenant sans commission d'achat et de vente. Qui dit mieux?

Pourtant, Wealthsimple ne craint pas de cannibaliser son propre robot-conseiller. «Si les gens veulent gérer leur portefeuille eux-mêmes, sans frais, grâce à Wealthsimple Trade, je les encourage énormément ! lance M. Katchen. Mais je pense que la plupart des gens sont trop dépassés par la complexité des marchés et préfèrent qu'on les aide.»