Les gouvernements, les banques et tous les apôtres de la littératie financière se démènent pour faire l'éducation financière des jeunes. Très bien! Mais à voir les récentes statistiques sur l'endettement des personnes âgées, je crois qu'ils devraient viser plus large.

D'un sondage à l'autre, une tendance alarmante se dessine: l'âge d'or est dans le rouge.

Près de 60% des retraités ont des dettes, a révélé, l'été dernier, un sondage de la Banque CIBC. Pire: les dettes des personnes âgées ont augmenté de 15% au Canada et de 39% au Québec, l'an dernier, selon une étude de la Banque TD dévoilée la semaine dernière.

Au Québec, les aînés ont accumulé 9700$ de nouvelles dettes, en 2012. La plupart de cet argent a servi à payer des dépenses de consommation, autant des biens essentiels que discrétionnaires.

La hausse des dettes des aînés surprend par son ampleur - presque 10 000$ c'est énorme! - mais aussi parce que cela tranche avec le comportement du reste de la population. Les plus jeunes ont réussi à contenir leurs dettes, l'an dernier, réagissant aux mises en garde d'Ottawa sur l'endettement record des Canadiens.

Évidemment, les dettes des personnes âgées (35 000$ en moyenne) demeurent bien plus faibles que celles des plus jeunes (105 000$ chez les 25-44 ans) qui ont souvent une hypothèque à rembourser.

Reste que le portrait est inquiétant. Du temps de mes grands-parents, dettes et retraite ne rimaient pas ensemble. Aujourd'hui, non seulement les retraités arrivent à la retraite avec plus de dettes qu'auparavant, mais ils continuent d'emprunter après avoir cessé de travailler. On n'a plus les grands-parents qu'on avait!

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Comme tout le monde, leurs habitudes ont changé. Le crédit fait partie de la vie. Et certains l'utilisent mal.

Il y a des retraités qui ne réalisent pas à quel point les cartes de grands magasins sont ruineuses. «Savez-vous combien ça va vous coûter si vous ne remboursez pas votre solde?», leur demande Caroline Arel, responsable du service budgétaire d'Option consommateurs qui a produit le guide Pas de retraite pour vos finances. Réponse: avec un taux astronomique de 29%, il en coûtera 145$ d'intérêts si vous laissez traîner un solde de 500$ durant un an.

D'autres retraités utilisent leur marge de crédit comme fonds de roulement. Ils paient tout à crédit, puis remboursent à la fin de l'année en puisant dans leur REER. Or, cette mauvaise habitude leur coûte très cher en intérêts. Pourquoi utiliser une marge quand on a de l'épargne en banque? C'est de l'argent jeté par les fenêtres!

Et puis, certaines personnes âgées ont du mal à ajuster leur train de vie quand leurs revenus baissent, au moment de la retraite ou après le décès de leur conjoint.

Il faut dire qu'il y a une dichotomie entre les rêves et la réalité. Les retraités se font dire qu'ils s'en tireront avec environ 70% de leur ancien salaire, car ils n'auront plus à payer les cotisations syndicales, épargne-retraite, etc. «C'est vrai que certaines dépenses diminuent. Mais on peut se retrouver à dépenser autant quand on est très actif à la retraite», prévient Mme Arel.

Enfin, la conjoncture n'a pas aidé les retraités. Leurs revenus de placement ont fondu à cause des déboires de la Bourse et de la chute des taux d'intérêt. Et le coût de la vie a continué d'augmenter, en particulier l'épicerie et le chauffage, où il est difficile de couper.

Résultat: les retraités sont coincés. Le taux de faibles revenus chez les personnes âgées de 65 ans et plus a considérablement augmenté depuis 20 ans. En 1993, à peine 2,8% des Québécois âgés de 65 ans et plus vivaient sous le seuil de faibles revenus. Aujourd'hui, c'est une personne âgée sur 10, selon l'Institut de la statistique du Québec.

Dettes, pauvreté... les retraités deviennent de plus en plus vulnérables sur le plan financier.

D'ailleurs, depuis cinq ans, les faillites ont explosé de plus de 50% chez les personnes âgées, alors qu'elles sont en baisse chez les gens de moins de 50 ans. En 2011, plus de 3000 aînés ont déclaré faillite au Québec, selon le Bureau du surintendant des faillites du Canada.

Et la situation risque d'empirer. Sans régime de retraite et sans épargne suffisante, la moitié des travailleurs qui sont nés depuis la fin des années 60 vont avoir des problèmes encore plus sérieux à la retraite. Près de six millions de Canadiens seront forcés de sabrer dans leur qualité de vie, ont prédit les économistes de la Banque CIBC, cette semaine.

Bientôt, le Québec et le Canada ne pourront plus se vanter d'être des champions mondiaux de la lutte contre la pauvreté chez les aînés.