Les internets ont encore frappé. Dernière secousse enregistrée lors du gala de l'ADISQ de dimanche dernier. La raison de l'émoi : la tenue de Safia Nolin. Un jean, un cardigan gris et un réjouissant t-shirt à l'effigie de Gerry Boulet. Rien pour écrire à sa mère. Pourtant, des gens n'ont pas apprécié. Vraiment pas. Ce ne sont pas des habits de gala conformes à la norme. So what ? Bienvenue dans le monde du rock and roll ! Où étiez-vous depuis 60 ans ? C'est la mission des artistes de ne pas se conformer. Elvis portait du cuir. Les Beatles avaient des cheveux de pouilleux. Et Bob Dylan s'habillait en clochard. Aujourd'hui, Elvis est un King, les Beatles sont des Lords et Dylan est un Prix Nobel. Rock on !

Il n'y a qu'une seule façon d'être un artiste, c'est en étant libre. En faisant ce que l'on veut. C'est ce que Safia fait. Pas juste en portant un t-shirt. Surtout avec sa musique, surtout avec ses mots, surtout avec sa voix. Respect. Bien sûr, rien n'est plus provocant que d'être libre. Ça frustre tous ceux qui ne le sont pas. Et pour provoquer, le look de Nolin a provoqué.

Sur les réseaux sociaux sont apparus plein de commentaires méchants, de commentaires violents. Je ne les citerai pas ici, parce que c'est justement ça le problème. Pourquoi accorde-t-on autant d'importance aux insultes échangées sur le Net ?

Avant l'ère des pages Facebook et des comptes Twitter, quand les gens voulaient faire savoir leur opinion, il y avait deux possibilités : les lettres ouvertes et les tribunes téléphoniques. Les lettres ouvertes devaient être écrites avec soin, les quotidiens ne publiant pas de propos diffamatoires comme on trouve sur le web. La seule façon, à l'époque, d'exprimer vertement sa colère, en direct, c'était donc les tribunes téléphoniques. Et elles étaient nombreuses. La station de radio CKVL en diffusait 24 heures sur 24. Du matin jusqu'à l'autre matin, le monde pouvait échanger avec Frenchy Jarraud, Jacques Matti, Hélène Fontaine, Yvon Dupuis ou Roger Drolet. Toutes les stations en avaient à l'horaire : CKAC, CJMS et même la très distinguée chaîne de Radio-Canada. On y entendait toutes sortes de choses. Parfois, c'était intelligent, parfois, ce ne l'était pas du tout. Quand un auditeur insultait trop Michèle Richard ou Robert Bourassa, l'animateur raccrochait. Et on n'en parlait plus.

Jamais les médias traditionnels ne reprenaient les dires exprimés lors des tribunes téléphoniques. Ce qui se disait dans les tribunes téléphoniques restait dans les tribunes téléphoniques. Pourquoi, aujourd'hui, les propos tenus sur les réseaux sociaux sont-ils retransmis par l'amplificateur des médias traditionnels ?

Dimanche soir, sur mon fil Twitter, tout allait bien. Les gens que je suis commentaient le gala de l'ADISQ de façon polie. C'est sur les sites des grandes entreprises de presse que j'ai lu les propos durs et injurieux au sujet de Safia.

C'est ça, le problème. Les trolls, les agresseurs, les intimidateurs sur le Net ont généralement très peu d'abonnés, leurs vacheries resteraient lettre morte si elles n'étaient pas reprises sur toutes les plateformes. Pourquoi traite-t-on ces remarques comme si c'était de la nouvelle ? Il y a 1 million de personnes qui ont regardé le gala de l'ADISQ, quand bien même il y aurait quelques centaines de messages blessants, cela n'est pas représentatif de l'opinion publique.

On dirait que les médias ne peuvent pas résister à une bonne polémique. Et les enragés des réseaux sociaux leur en fournissent au quotidien.

Il est temps de faire la part des choses. Sinon, nous allons vivre constamment en état de guerre des mots. L'univers est maintenant une cour d'école. On entend tout ce qui se dit. Face aux insultes, faut suivre le bon vieux conseil de sa mère : ignore-les ! Ignorer les gens qui se servent des réseaux sociaux pour manger du prochain. Avoir la même attitude avec eux que l'animateur de tribune téléphonique a envers les auditeurs déplacés : « Merci beaucoup, on prend un autre appel ! » Merci beaucoup, on prend un autre tweet !

Et les personnalités insultées devraient faire la même chose. Bien sûr, c'est difficile d'ignorer un message qui t'est destiné. Un message envoyé à ton adresse qui apparaît sur ton téléphone et qui te sonne comme un coup de poing. Mais il faut avoir cette sagesse. Quand les couteaux volent bas, pour sauver sa peau, faut s'élever.

Cessons d'être la courroie de transmission des frustrés. Laissons-les sécher avec leur tête d'oeuf et leurs deux abonnés. Et parlons de sujets plus passionnants. Ce que je m'empresse de faire, à l'instant.

Pis Weber, on l'aime, han ?