Pressenti par l'Impact en juillet dernier, Didier Drogba a été clair: il ne voulait pas se joindre à un club où il assumerait toutes les responsabilités. Âgé de 37 ans, il souhaitait participer aux succès d'une formation, mais sans en devenir le chef d'orchestre.

«Didier, il nous manque un attaquant, lui a expliqué le vice-président Nick De Santis. Tu es la solution pour compléter notre équipe.»

C'était le plan. Drogba devait insuffler du punch à l'attaque. Mais après ses cinq premiers matchs dans l'uniforme bleu-blanc-noir, un constat s'impose: sa contribution va au-delà de son flair autour du but. Drogba-la-légende marque déjà l'histoire de l'organisation.

L'Impact aligne enfin un général. Drogba métamorphose l'effectif et, plus important encore, crédibilise l'organisation. Au point où, pour la première fois depuis l'entrée de l'équipe en Major League Soccer (MLS), le rêve de Joey Saputo semble enfin atteignable: conforter la place de l'Impact dans notre paysage sportif.

Il faut dire les choses clairement: malgré de beaux moments, comme les performances de Marco Di Vaio en 2013 ou les réussites en Ligue des champions CONCACAF au printemps dernier, l'Impact n'a jamais atteint les objectifs fixés en 2012, après que le groupe de Joey Saputo eut versé 40 millions US pour une concession en MLS.

À l'époque, l'état-major souhaitait vendre 13 000 abonnements saisonniers; on croyait faire le plein de partenaires «corporatifs»; on pensait que des milliers de jeunes joueurs de soccer du grand Montréal traîneraient leurs parents aux matchs de l'équipe; on espérait que les vedettes du club deviennent des héros à Montréal.

La désillusion a été brutale. Elle s'est cristallisée dans la fameuse sortie de Joey Saputo en février dernier: «Honnêtement, le buzz pour l'Impact n'est plus là, avait-il affirmé. On dit que c'est toujours difficile d'attirer des joueurs à Montréal en raison de la météo, de la langue, de la culture... Mais une autre chose qui commence à faire mal, c'est de jouer devant des gradins vides.»

Ce jour-là, j'ai douté de l'avenir de l'Impact à Montréal. Si Joey Saputo s'était exprimé dans un élan spontané de colère, j'aurais été moins inquiet. Après tout, manifester sans détour son ras-le-bol, ça arrive à tout le monde. Mais non. Son ton était empreint de résignation, une attitude qui n'annonce pas des lendemains ensoleillés.

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Quelques semaines plus tard, contre toute attente, l'Impact a créé un buzz en Ligue des champions. Assez pour que l'organisation croie la page tournée. Cette fois, pensait-on, les amateurs prendraient d'assaut le stade Saputo pour les matchs «réguliers» de MLS.

Nouvelle désillusion. Au point où, cet été, une section des gradins a été recouverte d'une bannière promotionnelle afin d'adoucir une image dévastatrice: celle de milliers de sièges vides. En plein le genre de truc qu'utilisent les Panthers de la Floride dans la LNH.

En clair, la saison 2015, comme la précédente, semblait vouée à l'échec. Joey Saputo n'a cependant pas rendu les armes. Il a osé un grand coup. Même si le budget de l'équipe ne le prévoyait pas, il a autorisé une dépense majeure pour obtenir les services de Drogba. Le risque était immense. Mais pour l'instant, il s'avère payant.

Drogba attire les foules. Imaginez: mercredi soir, même P.K. Subban était au stade Saputo! L'organisation était certainement ravie de sa visite, hautement symbolique. Si P.K. s'intéresse à l'Impact, c'est signe que l'affaire est in. On a parfois vu des membres de l'Impact à un match du Canadien au Centre Bell. Mais l'inverse? Pas souvent!

Subban et les 17 800 spectateurs sont sûrement rentrés à la maison heureux de leur soirée. Drogba a une fois de plus brillé. Il est grand, fort et habile. Il dirige ses coéquipiers, parle à l'arbitre au bon moment, rappelle quelques vérités à ses adversaires et encourage les fans à crier plus fort. Le match tourne autour de lui. Son magnétisme est évident. En quelques semaines, il a pris le contrôle de l'équipe.

En prime, Drogba a compris la nécessité de répondre aux questions des médias après les matchs. Tant mieux. Parce que, qu'il le veuille ou non, il est maintenant le visage de l'Impact. Et pour poursuivre sa croissance, l'organisation doit élargir son rayonnement. À ce chapitre aussi, le rôle de Drogba est essentiel.

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Samedi dernier, malgré de fortes adverses, le stade Saputo était rempli. Même trempés, la plupart des fans sont restés jusqu'à la fin.

Quatre jours plus tard, la foule était excellente pour un match présenté un soir de semaine, et initialement prévu en avril. Et attendons-nous à une autre bonne assistance demain. Bref, si la partie est loin d'être gagnée, Joey Saputo respire sûrement mieux.

Le président de l'équipe doit maintenant espérer que Drogba évite les blessures et aide l'Impact à assurer sa place en séries éliminatoires. Un beau parcours cet automne serait la manière idéale de jeter les bases d'une solide saison 2016. Premier défi: augmenter la base d'abonnements saisonniers, une clé du succès en sport professionnel.

Drogba disait ne pas vouloir porter le poids de l'équipe sur ses épaules. Malgré la contribution de Mauro Biello, Laurent Ciman et Ignacio Piatti, c'est pourtant ce qui se produit. Cela signifie qu'il est heureux dans son nouvel environnement.

Pour l'Impact, il s'agit de la meilleure nouvelle.