Je ne me souviens pas de l'inauguration d'un amphithéâtre ayant suscité pareille célébration.

Les manchettes des journaux en témoignent: «Voilà le nouveau Temple», lance l'une d'elles, illustrée par une immense photo de la patinoire. «Bâtisseur de cathédrale», clame une autre, coiffant une entrevue avec l'architecte principal.

Nos élus ne sont pas en reste. Dans l'esprit du maire, le nouvel édifice incarne «le début de la renaissance de la ville»; le premier ministre du Québec perçoit dans cette construction «une manifestation de vitalité». Il ajoute que des gens aux convictions opposées pourront y vivre ensemble de grandes émotions.

Le milieu sportif, lui, est dithyrambique: «Cet amphithéâtre est spectaculaire», estime un haut dirigeant, pendant qu'un joueur-vedette déclare: «De tous les nouveaux arénas, c'est le plus beau, c'est fantastique...»

Non, je ne fais pas allusion à l'ouverture du Centre Vidéotron, le week-end dernier. Mais plutôt au match inaugural du Centre Molson, première appellation du Centre Bell, en mars 1996.

Ce jour-là, la ville en liesse n'était pas Québec, mais Montréal; le maire n'était pas Régis Labeaume, mais Pierre Bourque; le premier ministre du Québec n'était pas Philippe Couillard, mais Lucien Bouchard; le haut dirigeant sportif était Gary Bettman et le joueur-vedette, Luc Robitaille, des Rangers de New York.

Il faut se le rappeler: Montréal aussi a fêté fort, très fort, l'ouverture de la nouvelle demeure du Canadien il y a 19 ans. À l'époque, ce faste a indisposé quelques esprits critiques. Il est vrai que la modestie n'a pas caractérisé les célébrations.

Mais pouvait-on reprocher à la communauté montréalaise de souligner avec éclat l'arrivée de cet amphithéâtre unique, qui joue un rôle-clé dans notre vie collective?

Au cours des derniers jours, les gens de Québec ont réagi avec le même enthousiasme à l'ouverture du Centre Vidéotron. Et ils ont eu raison! Un équipement semblable constitue un pôle rassembleur et essentiel dans une capitale nationale.

Non, sa construction n'a pas été financée privément. Mais le budget a été respecté, tout comme l'échéancier. Du travail bien fait, reconnaissons-le.

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À Québec, l'idée de construire un nouveau Colisée a été évoquée une première fois lors de l'admission des Nordiques dans la LNH en 1979. Il aura donc fallu 36 ans avant que le dossier aboutisse.

Tous les maires n'ont pas eu le cran de leur prédécesseur Lucien Borne. En 1949, quelques heures après l'incendie de l'ancien Colisée, il a annoncé la construction d'un nouvel édifice ultramoderne, dont les portes ont ouvert neuf mois plus tard.

Le maire Borne avait d'ailleurs tout prévu : pas question qu'une équipe de Rimouski ou d'ailleurs vienne briser le party, comme ce fut le cas samedi ! Le premier match, une rencontre amicale, a opposé deux clubs de Québec : les As, de la Ligue senior, et les Citadelles, de la Ligue junior.

Blague à part, Lucien Borne a réussi un tour de force. Mais 30 ans plus tard, le palais de 1949 était devenu trop petit pour le succès de Québec. L'administration municipale a choisi d'ajouter 5000 sièges au Colisée plutôt que d'en construire un nouveau. Cette solution, attrayante en raison de son coût raisonnable de 20 millions, n'a pas résisté à l'usure du temps.

Au début des années 90, les Nordiques ont voulu fédérer la population et les décideurs autour d'un projet de nouvel amphithéâtre. Ce fut un échec.

Lorsque le dossier est revenu au premier plan de l'actualité en 1995, il était trop tard. La nouvelle convention collective de la LNH, sans plafond salarial, désavantageait les équipes établies dans les petits marchés. Québec n'a pas été la seule ville à en subir les contrecoups. Winnipeg et Hartford ont aussi perdu leur équipe.

Aujourd'hui, sous l'influence de Régis Labeaume, Québec a pris les moyens pour retrouver ses Nordiques. Et sa candidature est examinée sérieusement par la LNH, un extraordinaire revirement de situation, impensable sans nouvel amphithéâtre.

Cela dit, même si la LNH refuse à Québec une équipe de l'expansion dans les prochains mois, cela ne signifiera pas la fin du dossier.

L'exemple de Winnipeg est probant. En 2004, huit ans après le départ des Jets, la ville a inauguré un nouvel édifice. Comme à Québec, l'ancien aréna était vétuste et ne répondait plus aux critères des promoteurs de sport et de spectacles. Comme à Québec, on espérait retrouver une équipe de la LNH. Sur ce plan, le succès n'a pas été instantané.

En 2011, Gary Bettman a cependant compris que la LNH ne réussirait jamais à Atlanta. Le commissaire de la LNH a alors autorisé le transfert des Thrashers à Winnipeg. Ç'aurait été impossible sans édifice moderne.

Avec le nombre d'équipes en difficulté dans la LNH (Floride, Caroline et Arizona), la répétition d'un scénario semblable est possible. Voilà pourquoi les chances de Québec de retrouver ses Nordiques ne tiennent pas uniquement à l'expansion.

Cela dit, compte tenu de la solidité du dossier actuel, il serait troublant que Québec ne soit pas choisi. Si c'est le cas, il faudra s'interroger sur les réels motifs de ce refus. Car la LNH ne lèvera pas le nez sur 500 millions US uniquement parce qu'il y a trop d'équipes dans l'est du continent.

On en saura plus long au cours des prochains mois. Mais pour l'instant, à l'image de Montréal en 1996, Québec peut être fier de son nouvel amphithéâtre, un formidable actif.