Les propos d'Aleksandra Wozniak sur l'organisation du Canadien ont manqué de tact et de finesse. Une fois cela admis, peut-on prendre du recul et comprendre la colère de la jeune femme?

Pour ceux qui auraient raté ce nouveau psychodrame dans l'univers émotif du Canadien, rappelons que Wozniak a actionné la gâchette sur Twitter, mardi, en apprenant que son copain Louis Leblanc a été retranché du camp d'entraînement de l'équipe.

«Une vraie joke», a-t-elle écrit, avant d'attaquer durement le duo Marc Bergevin-Michel Therrien: «Trop de manipulations! Super nouvelle organisation!»

Comme la majorité des amateurs, j'ignorais les liens entre Leblanc et Wozniak. Cette affaire a donné à leur relation une formidable notoriété.

Les dirigeants du Canadien n'ont sûrement pas apprécié cette charge malhabile. Mais ils auraient tort d'en garder du ressentiment à l'endroit du couple. Qu'ils en soient un peu agacés, c'est normal. Mais n'oublions pas ceci: il s'agit simplement d'une manifestation spontanée d'appui d'une femme à l'homme qu'elle aime. Ce cri du coeur est compréhensible.

Marc Bergevin et Michel Therrien sont des hommes mûrs qui savent à quel point il est difficile de percer au plus haut niveau sportif. Eux-mêmes ont dû se battre sans relâche pour tailler leur place au soleil.

Ils n'ignorent rien du désarroi qui frappe les athlètes lorsque leur carrière semble stoppée. Au-delà de la frustration et de l'incompréhension, c'est le doute qui s'installe dans leur esprit. Pour un sportif, il n'existe pas pire ennemi.

* * *

Mettons-nous un moment dans les souliers de Wozniak. Sans être la plus talentueuse, elle a percé dans le tennis à grands coups de volonté. En 2009, elle a atteint le 21e rang mondial, du jamais vu pour une joueuse québécoise. Elle avait le droit de rêver à de belles victoires au cours des années suivantes.

Hélas, la malchance l'a frappée. Wozniak a été incommodée par des malaises à une épaule et n'a pas disputé une seule saison complète depuis cette époque. Le titre d'un article de La Presse, publié en mars dernier, résume malheureusement tout: «Le sort s'acharne sur Aleksandra Wozniak».

Malgré tout, la joueuse québécoise ne baisse pas les bras. Elle souhaite rebondir en 2014. Cette fille est une battante. Son influence a sûrement été déterminante dans les efforts de Louis Leblanc au cours de l'été.

Le jeune attaquant, conscient que sa carrière à Montréal atteint la croisée des chemins, s'est présenté au camp d'entraînement en excellente forme. Son agent Pat Brisson, réputé pour donner l'heure juste, a expliqué à mon collègue Mathias Brunet que Leblanc avait «payé le prix cet été», soignant son alimentation et s'entraînant avec intensité.

«Nos préparateurs physiques n'avaient que de bons mots à son endroit. J'aurais pu lui décerner une note de 8 sur 10.»

Alors imaginez avec quel enthousiasme Leblanc a chaussé les patins à l'ouverture du camp. Et imaginez combien Wozniak qui, comme athlète, réalise parfaitement les efforts qu'il a consentis, a partagé ses espoirs.

Dans ce contexte, les deux jeunes gens ont vécu une amère déception en apprenant la nouvelle de lundi. Après avoir disputé un bon match contre les Bruins de Boston, Leblanc a été retranché.

Leblanc a eu mal, Wozniak aussi. Et elle ne s'est pas cachée pour le dire. Ne comptez pas sur moi pour la blâmer. Sa réaction a été humaine.

* * *

Dans cette histoire, il ne faut pas oublier le phénomène Twitter. Wozniak a retiré du fil ses deux messages controversés, mais il était trop tard.

Twitter est un formidable outil, mais aussi un piège. Pensons à Adam Van Koeverden, ce grand athlète canadien, qui a étonné ses fans d'un océan à l'autre en écrivant des âneries sur l'Université Laval l'automne dernier, lors du championnat de football universitaire.

Ce genre d'histoires se répétera de plus en plus souvent dans l'avenir. Pourquoi? Parce que la pression de tweeter, facebooker, instagramer ou d'utiliser tout autre réseau social est très forte dans notre société.

Pensez au nombre de fois où on nous invite à tweeter en écoutant la radio et la télévision. On nous enjoint mille fois par jour à «participer à la conversation», comme s'il s'agissait de notre devoir de citoyen. Alexandra Wozniak, en femme de son époque, l'a fait. Peut-on lui reprocher d'avoir transmis sa vérité?

* * *

Il faut maintenant songer à l'avenir de Louis Leblanc. J'ai aimé la manière dont Pat Brisson a désamorcé la crise, conseillant à son protégé d'adopter la bonne attitude dans la Ligue américaine.

Cela dit, sur le plan hockey, le Canadien avait fait son nid avant les tweets d'Aleksandra Wozniak. Lorsqu'on traite ainsi un ancien choix de première ronde, même s'il a été sélectionné par l'administration précédente, c'est qu'on veut lui passer un message. À vue de nez, celui-ci ne semble guère positif.

Le Canadien doit vite donner l'heure juste à Leblanc. Fait-il ou non partie des plans de l'organisation ? Si ce n'est pas le cas, qu'on lui donne une chance ailleurs.

D'ici là, j'espère que Louis Leblanc s'inspirera d'une déclaration d'Aleksandra Wozniak, en juillet dernier, dans une entrevue à Radio-Canada. Évoquant les blessures qui l'ont si souvent ralentie, elle a lancé: «Je ne vais pas lâcher. Vous allez me revoir.»

Voilà un beau message, qui mériterait certainement d'être tweeté.