Une tuque du Canadien enfoncée sur la tête, Geoff Molson affichait un regard sévère, hier, lors de sa première sortie publique depuis la nomination d'un entraîneur unilingue anglophone à la tête de l'équipe.

C'était pourtant une occasion de réjouissances: l'ouverture, dans l'arrondissement de LaSalle, de la quatrième patinoire multisports «Bleu Blanc Rouge». Cette initiative communautaire permet à des jeunes de quartiers défavorisés de patiner sur une glace réfrigérée quatre mois par année, et de pratiquer d'autres activités le reste de l'année.

En finançant la construction de ces installations de qualité, d'une valeur de 1,2 million chacune, le Canadien et ses partenaires font un beau geste de solidarité sociale.

Geoff Molson savait néanmoins que sa journée ne se limiterait pas au discours de circonstance devant les dizaines d'invités réunis dans le froid hivernal. Il devait ensuite commenter pour la première fois, de vive voix, la tempête créée par l'embauche d'un entraîneur incapable de s'exprimer en français.

«J'ai beaucoup appris en écoutant nos partisans après cette annonce, a dit M. Molson. On respecte leur feedback. Avec le recul, on aurait pu choisir de communiquer un peu différemment. Comme membres de la famille Molson, et membres de cette communauté depuis 225 ans, c'est sûr qu'on comprend notre culture, ici, au Québec. On est des Québécois, on respecte cette province. On supporte le bilinguisme, on supporte le français et l'anglais.»

M. Molson a spontanément évoqué l'histoire de sa famille, signe que l'affaire a touché une corde sensible. Avec raison, les Molson sont fiers de leurs racines historiques au Québec. Dans ce contexte, la réaction à la nomination de Randy Cunneyworth les a manifestement ébranlés.

«La décision s'est prise assez rapidement et je la supporte encore», a dit M. Molson, qui ne pourrait dire autrement sans désavouer son directeur général. «Ce n'est jamais facile d'agir ainsi. Jacques Martin est un homme avec beaucoup d'expérience et un excellent coach. Mais on voulait relancer l'équipe.»

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Au moment où la poussière retombe lentement sur les événements du 17 décembre dernier, le caractère précipité de la décision apparaît clairement.

D'un côté, Geoff Molson reconnaît qu'elle fut prise «rapidement»; de l'autre, Jacques Martin, dans une entrevue à mon collègue François Gagnon, explique qu'il ne s'attendait «pas du tout» à être congédié.

Bref, malgré les performances en demi-teinte de l'équipe, les signes avant-coureurs d'un grand chambardement n'étaient pas évidents. N'oublions pas qu'à peine 11 jours plus tôt, Geoff Molson avait affirmé que Jacques Martin conservait la confiance de l'organisation.

Mais après le revers du Canadien le 15 décembre contre les Flyers au Centre Bell, Pierre Gauthier a ressenti une urgence d'agir. Une urgence peu caractéristique de son attitude très cérébrale. Aux prises avec la décision inattendue du DG, le Canadien a mal préparé son coup.

La conférence de presse annonçant la nomination de Cunneyworth s'est distinguée par son absence de sensibilité envers le fait français, et même par l'arrogance. Sans surprise, le ressac a été virulent. Ce type de dérapage est souvent la conséquence des interventions expéditives, dont les effets n'ont pas été évalués correctement.

Aujourd'hui, Geoff Molson et le Canadien veulent regarder vers l'avant. Le président de l'équipe garde espoir que l'équipe participe aux séries éliminatoires.

«Ce sera difficile, mais il faut continuer de se battre», a-t-il affirmé.

Puis, il a fixé un objectif à sa troupe: terminer le calendrier en force. «Si la deuxième moitié de saison est semblable à la première, il s'agira d'une grosse déception pour tout le monde.»

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Mathématiquement, le Canadien possède encore des chances de participer aux séries. Dans les faits, une longue et improbable série de victoires sera nécessaire pour éviter l'élimination. À l'approche de la date limite des transactions, le 27 février, l'organisation devra décider si elle conclut un ou deux gros échanges en vue d'améliorer l'équipe la saison prochaine.

Pierre Gauthier prendra cette décision. Dans les propos de Geoff Molson hier, je n'ai décelé aucune impatience envers son directeur général, bien au contraire.

«Pierre Gauthier n'arrête jamais de travailler, a-t-il dit. Il travaille sur ce qu'on fera à court terme et à long terme. Et il a mon support. Nous sommes tous deux déçus de la performance de l'équipe. Et on fera tout pour réussir à aligner une équipe gagnante cette saison et dans le futur.»

Le Canadien devrait-il sacrifier une ou deux saisons afin de rebâtir l'équipe?

À cette question, la réponse de Geoff Molson tombe sans hésitation. «Nous, on veut toujours participer aux séries, on veut toujours avoir une équipe gagnante, on veut toujours améliorer l'équipe. On ne devrait jamais lâcher cette perspective et cette vision.»

Bref, le CH ne choisira pas le mode reconstruction. Geoff Molson vise une participation aux séries éliminatoires chaque saison.

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Au Québec, être président du Canadien s'apparente à une responsabilité fiduciaire exercée au nom des partisans. Cela ne se fait pas sans péril. Le défi est immense.

Le 17 décembre, à sa grande surprise, Geoff Molson a été plongé dans une crise qu'il n'a jamais vue venir. Cela a mis fin à sa lune de miel dans son nouveau poste. Son apprentissage, son réel apprentissage, celui qui suppose des défis majeurs et imprévus, a commencé ce jour-là.

Lorsqu'il affirme avoir «beaucoup appris», je suis convaincu que M. Molson dit vrai. Ainsi, même s'il dit que son DG choisira le prochain entraîneur, il précise du même souffle son désir de participer de près au processus de sélection. Il s'agit d'une excellente idée. Car l'entraîneur du Canadien est aussi le premier porte-parole de l'équipe.

Si Geoff Molson tire les bonnes conclusions de cette première crise, tout cet épisode n'aura pas été en vain.

Photo: Ninon Pednault, La Presse

Geoff Molson était présent à l'ouverture, dans l'arrondissement de LaSalle, de la quatrième patinoire multisports «Bleu Blanc Rouge», mardi.