Est-ce que quelqu'un peut dire à P.K. Subban de cesser d'être si merveilleux ? Je me fais honte moi-même, à force de me pâmer devant les tranches de merveilleux qu'il nous garroche à tout bout de champ.

Sur la glace, d'abord. Quand P.K. touche la rondelle, il se passe quelque chose dans le Centre Bell, dans tous les recoins de la bâtisse. On le sent dans l'air. Tout le monde retient son souffle, espère, s'avance sur son siège...

Dans la manière, il y a quelque chose d'Elvis Presley dans P.K. Subban : voici un showman assumé, perturbateur de l'ordre établi. Et l'ordre établi, dans ce sport et dans ce club, est historiquement au conservatisme beige-gris. P.K., lui, n'en a cure et il se déhanche, il insiste pour mettre un maximum de beauté dans ce jeu, dans son jeu. Pour P.K., la manière importe, il faut soigner la manière de faire une feinte, une volte-face, une passe, un tir. Il faut mettre un chou sur le cadeau. 

P.K. : un arc-en-ciel en patins, oui, un arc-en-ciel qui sourit, ça ressemblerait à Pernell Karl Subban...

Hors glace, tous les bruits qui tournent autour du défenseur sont positifs. Gentleman avec les fans, grands et petits. S'il fait semblant d'aimer le monde, c'est une mise en scène de calibre olympique.

Et il y a ces mots de français qu'il place ici et là, dès qu'il le peut. Je ne me souviens pas de ce qu'il a dit à Renaud Lavoie, sur la glace, quand le journaliste de TVA Sports l'a interviewé après une victoire en séries, mais ses premières paroles de joie sont sorties en français...

Non, P.K. n'est pas sur le point d'expliquer en français comment il a préparé le but gagnant de MaxPac. Ça viendra peut-être. Mais on sent un effort constant, un désir de se lier avec les fans dans la langue de la majorité. Et c'est un effort qui détonne avec ses camarades anglo-saxons qui ne font à peu près jamais l'effort de sortir de la langue de Jack Todd...

Déjà là, pour toutes ces raisons, P.K. Subban est le joueur qui me fait le plus vibrer à Montréal depuis... depuis... Depuis Patrick Roy ! Depuis 20 ans, quoi. Mon chouchou, ai-je écrit samedi dans une chronique sur le CH qui nommera un capitaine avant la fin du camp d'entraînement...

Et là, mercredi matin, coup de tonnerre, l'Hôpital de Montréal pour enfants annonce que Subban va faire un don de 10 millions sur 7 ans à l'établissement.

Il s'agit du plus gros don philanthropique unique fait par un athlète au Canada.

Juste ça.

Et Elvis, le vrai, tout remué par cette nouvelle, dans l'île où il se cache, doit chanter I'm All Shook Up...

Je sais que je le suis.

Et je ne suis pas le seul...

Melissa Maya, sur Twitter, a bien résumé le lien qui se tisse entre P.K. Subban et les Québécois : « Je ne connais pas grand-chose au hockey, mais aujourd'hui, je deviens une fan de P.K. Subban pour la vie. »

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Dans un monde idéal, c'est l'impôt des particuliers et des entreprises qui permettrait aux hôpitaux d'obtenir l'équipement dont ils ont besoin pour soigner les gens, incluant les enfants malades.

Au fil des décennies, l'impôt des mieux nantis a été abaissé un peu partout en Occident, incluant au Canada. Celui des entreprises aussi. Ce faisant, les États se privent de revenus. Alors il faut le dire, il faut le redire : la philanthropie n'est pas une solution de rechange acceptable à la justice sociale, les dons de particuliers et d'entreprises aux fondations ne doivent pas être un pilier du financement des hôpitaux.

C'est dit.

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En août 2014, P.K. Subban a signé le contrat le plus lucratif de l'histoire du Canadien de Montréal : huit saisons pour 72 millions US. En dollars canadiens, cela varie selon le taux de change. Mais on peut estimer qu'au terme de ses sept années de dons au Children's - cela coïncidera avec la fin de son contrat à Montréal -, il aura versé autour de 10 % de ses gains à l'hôpital.

Aucune manif, aucun mot-clic Twitter, aucune pétition en ligne n'exigeaient qu'il fasse ce don colossal. C'est un peu sorti de nulle part. C'est admirable.

Espérons que le don de Subban incitera d'autres donateurs à ouvrir leur chéquier, pour d'autres causes. Beaucoup de Québécois plus riches que le joueur du CH, me chuchote-t-on, n'ont jamais fait un don aussi colossal à un seul établissement...

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Dans l'atrium du Children's portant son nom, impeccablement habillé comme toujours, P.K. Subban a annoncé ce don qui scelle son enracinement à Montréal. Élise Béliveau, femme du grand Jean, était là pour assister à l'événement. Et P.K. a salué la mémoire du numéro 4, et il l'a fait en français.

Au-delà de la personne de Subban, ses 10 millions donnés à l'hôpital vont apaiser de la douleur, de la vraie, celle de la maladie qui frappe les enfants, du tourment de leurs familles. Ce n'est pas rien.

Un lecteur, Martin Vaillancourt, m'a rappelé cette réalité dans un courriel : « Pour être moi-même père orphelin d'une fille de 16 ans morte du cancer, je le remercie. Et peu importe le choix du directeur général du Canadien, j'ai trouvé mon capitaine. »