Dans la catégorie «manque de jugement», un prof d'histoire et éducation à la citoyenneté de l'école secondaire Cavelier-de-LaSalle, dans l'ouest de Montréal, détient une sérieuse option sur le titre. Lundi dernier, à ses élèves de 4e secondaire, il a fait regarder la vidéo sordide du meurtre dont Luka Rocco Magnotta est accusé.

Vous avez bien lu: LA vidéo qui montre les derniers moments de l'étudiant Lin Jun. Oui, celle-là, celle qui donne mal au coeur, celle qui a mené à l'arrestation de Luka Rocco Magnotta en Allemagne, celle qui pourrait lui valoir des accusations de meurtre et d'outrage à un cadavre, une fois qu'il reviendra à Montréal.

Quand j'ai reçu l'information, je n'y croyais pas. Trop gros. Mais vérification faite auprès de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, hier, l'histoire est véridique.

Lundi matin dernier, donc, pour des raisons inconnues, cet enseignant a décidé de faire visionner à ses élèves la vidéo en question, en classe. Plusieurs élèves ont été traumatisés par ce qu'ils ont vu. Évidemment, l'affaire a rapidement fait le tour de l'école.

C'est un directeur adjoint de l'école qui, sur l'heure du midi, a appris d'un élève que la terrible vidéo avait été montrée à des élèves, pour la plupart âgés de 16 ans. L'enseignant a été suspendu sur-le-champ, avec salaire, conformément à la convention collective.

«Ce n'est pas un moment de gloire, c'est désolant et ça nous dérange énormément, m'a déclaré Diane Lamarche-Venne, présidente de la commission scolaire, hier. C'est une initiative personnelle de ce professeur, une initiative que tout le monde condamne, tant à l'école qu'à la commission scolaire.»

Qui est ce prof? Pourquoi a-t-il pris la décision insensée de montrer à des ados une vidéo unanimement décrite comme insupportable? Y voyait-il une valeur pédagogique?

Mme Lamarche-Venne a été prudente dans ses commentaires, pour ne pas entraver le processus disciplinaire. L'enseignant, que la présidente de la CS Marguerite-Bourgeoys m'a décrit comme n'étant «pas un régulier» de l'école secondaire Cavelier-de-LaSalle, pourra présenter sa version des faits ce matin.

Selon ce que j'ai appris, il a envoyé un courriel à ses collègues de l'école, la semaine dernière, s'excusant de sa décision de montrer ces images épouvantables à ses élèves.

Le lendemain du visionnement, mardi dernier, la CS Marguerite-Bourgeoys a constitué une cellule de crise à l'école, avec un psychologue et des psychoéducateurs, pour permettre aux élèves de s'exprimer. «C'était important qu'ils aient quelqu'un à qui parler de ce qu'ils ont vu, pour rationaliser l'événement.»

Que des psys débarquent dans une école est une procédure normale, un peu partout au Québec, dans les cas d'événements troublants qui perturbent la vie scolaire. La décision de dépêcher à Cavelier-de-LaSalle une cellule de crise tombait sous le sens, dès que la direction de la commission scolaire a eu vent de l'affaire.

«Beaucoup de choses ont été dites sur cette vidéo, relate Diane Lamarche-Venne. Par exemple, le Service de police de la Ville de Montréal a déconseillé aux gens de tenter de la visionner, parce que c'est dérangeant.»

Au téléphone, hier, Mme Lamarche-Venne a fait face aux questions vaillamment, sans se défiler. L'école et la CS n'ont rien à voir avec la décision incroyablement imbécile du prof, mais, pourtant, l'école et la CS se retrouvent dans La Presse sous un éclairage peu flatteur, ce matin. En plus, pour respecter le processus disciplinaire, Mme Lamarche-Venne devait peser chacun de ses mots. Bref, je me sentais mal pour elle...

Au Syndicat de l'enseignement de l'ouest de Montréal, le président, Luc Jacob, a dit vouloir observer un certain devoir de réserve, le temps que la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys finisse son enquête. «Je n'ai pas parlé à cet enseignant, je ne le connais pas. Nous allons aviser quand nous aurons les résultats de l'enquête.»