Robert Redford qui incarne à l'écran le célèbre journaliste Dan Rather? La proposition semble étonnante. Surtout de la part d'un acteur qui passe plus pour un cowboy qu'un animateur de nouvelles en chemise blanche et bretelles. Et pourtant, dans Truth, basé sur les évènements qui ont mené à la démission du célèbre journaliste de CBS, le subterfuge marche. On y croit. Il faut dire que le personnage central du film n'est pas tant Dan Rather que sa productrice, Mary Mapes, interprétée par la lumineuse Cate Blanchett.

Le film réalisé par James Vanderbilt, un cousin d'Anderson Cooper, raconte le reportage de cette productrice émérite et gagnante de plusieurs prix sur le passé militaire frauduleux de George W. Bush, reportage basé sur des documents dont l'authenticité n'a jamais pu être prouvée. Dans la foulée de la controverse suscitée par ces documents, une enquête interne a été déclenchée à CBS et a mené au congédiement de la productrice, de son équipe, mais aussi de deux cadres haut placés du service des nouvelles ainsi qu'à la démission de Dan Rather en 2006. Ce que le film fait ressortir avec brio, c'est que dans cette triste affaire qui a aidé Bush à se faire réélire, des questions cruciales ont été détournées. Bush a-t-il profité de passe-droits dans l'armée grâce aux contacts de son père? A-t-il réussi à éviter le Viêtnam de la même manière?

Autant de questions délicates posées par le premier reportage de CBS, mais qui ont été noyées par les autres médias, trop heureux de prendre CBS et Dan Rather en défaut. Mary Mapes, qui n'a plus retravaillé dans aucun service de nouvelles depuis, s'en explique dans un livre qu'elle a publié et dont le film s'est inspiré. Truth est non seulement un film captivant, c'est une sorte de requiem pour le journalisme d'enquête de la belle époque, quand les journalistes n'avaient pas à tenir compte des intérêts financiers de leurs entreprises et pouvaient poser des questions gênantes, et parfois même faire tomber des présidents. Le film parle de vérité à une époque où faire éclater la vérité est devenu une mission périlleuse, voire parfois impossible. La sortie du film est prévue pour octobre. Tous les journalistes de bonne volonté sont invités à le voir.

Mtl, Oka et le square Viger vus par Wim Wenders

À la fin d'Every Thing Will Be Fine, le dernier Wim Wenders tourné en partie à Montréal et à Oka, les applaudissements étaient timides. La moitié de la salle avait apprécié, l'autre moitié, un peu moins, et cela semble être le cas depuis la première au Festival du film de Berlin. «James Franco a deux expressions dans son jeu et ça ne date pas d'hier», a lancé un spectateur moqueur en sortant de la salle. La critique n'était pas entièrement justifiée. Dans le rôle d'un écrivain tourmenté par la mort d'un bambin qu'il a percuté par accident, Thomas est rongé par la culpabilité et l'angoisse et incapable de laisser libre cours à ses émotions, ce qui, forcément, limite le jeu de l'acteur. Or malgré ces contraintes, à mon avis, Franco s'en tire plutôt bien et réussit, sinon à nous toucher, à nous convaincre des tourments qui le hantent.

Every Thing Will Be Fine marque le retour de Wenders à la fiction après sept ans. Celui qui ne jure désormais que par le 3D nous livre ici une rare fiction en 3D. Or force est de constater que la technologie n'ajoute pas grand-chose à ce drame intime, hormis qu'elle nous force à porter des lunettes qui brouillent l'image et ternissent son éclat.

Le film met aussi en vedette Charlotte Gainsbourg, dans le rôle de la mère endeuillée, Marie-Josée Croze, la nouvelle femme de l'écrivain et un Robert Naylor très convaincant et touchant dans la peau de l'ado dont le frère est mort. Depuis les rives du lac des Deux-Montagnes jusqu'à l'Agora de Charles Daudelin au square Viger, la caméra de Wenders nous redonne à voir Montréal et ses environs au gré des saisons, avec en prime un concert de Patrick Watson. Et même si le film souffre de certaines longueurs, il explore avec une belle sensibilité une gamme d'émotions humaines liées aux enfants, autant la peur d'en avoir que la peur affolante de les perdre. En plus, Claude Chamberlan y tient le rôle fugace d'un pêcheur sur glace. Que demander de plus?

Chéri, j'ai réduit le party

Comme on ne cesse de nous le répéter, le TIFF cette année fête ses 40 ans. Pour nous le rappeler, des murs de photos au siège social du festival évoquent les nuits folles des premiers temps quand les journalistes, les gens de cinéma et les stars faisaient la fête jusqu'aux petites heures. Dans ce temps-là, il n'était pas inhabituel de prendre un verre au même bar que Martin Scorsese ou Robert DeNiro: un verre ou autre chose. Il y avait des fêtes partout et tout le temps. Les choses ont bien changé. Les stars maintenant fêtent entre elles au resto comme l'ont fait Jean-Marc Vallée, Jake Gyllenhaal et Naomi Watts après la première de Demolition ou alors elles sautent dans le premier jet privé à leur disposition pour rentrer chez elles. Même l'immense party de Mongrel, un important distributeur canadien, qui réunissait plus de 1000 personnes le premier samedi soir du festival, a rétréci. Samedi soir, nous étions seulement une centaine d'invités à un cocktail dînatoire dans un resto de la ville. À sa surboum annuelle, Mongrel a préféré tenir des fêtes plus intimes toute la semaine. Les films Alliance aussi avaient l'habitude d'organiser une des plus grosses réceptions de l'industrie. Fini ça aussi. Depuis qu'Alliance a été avalé par eOne, on fête plus sobrement et en plus petit comité. Si la SODEC a maintenu son 5 à 7 annuel hier soir, Téléfilm ne donne plus de grande réception et préfère rendre hommage aux femmes de l'industrie lors d'un cocktail chez Birks.

Je ne m'en plains pas. Après tout, moins il y a de fêtes, plus on a de temps pour aller voir des films. Je ne me plains pas, mais j'ai un grand regret: je vais devoir attendre une autre vie avant de pouvoir prendre un verre au même bar que George Clooney.