Vous avez envie de tromper votre tendre épouse ou votre charmant mari? Vous avez déjà songé à vous abonner au site de rencontres adultères Ashley Madison? Du moins avant le grand vol des données, quand la vie était belle, courte et dénuée de pirates informatiques? Si vous avez répondu oui à une de ces questions, alors Getaway of Love, le tout premier film de la compétition du FFM, une gracieuseté de l'Italie, n'est pas pour vous. Vraiment pas.

Dans ce film italien au titre long comme une autoroute (L'Esigenza di Unirmi Ogni Volta Con Te), que les traducteurs ont traduit en anglais seulement, il est question d'adultère. Mais contrairement aux promesses d'aventures folles et sans conséquence d'Ashley Madison, le film nous dit en somme que tromper son mari - dans ce cas-ci, la pécheresse est une caissière de supermarché du nom de Giuliana - est une très mauvaise idée. 

D'abord, le mari pourrait très mal le prendre s'il l'apprenait, surtout s'il l'apprenait de votre bouche. Le cas échéant, votre mari pourrait non seulement être en rogne contre vous, mais tenter de vous étrangler. Et pour peu qu'il vous plaque brutalement contre le comptoir de la cuisine en serrant ses mains autour de votre cou, mais en ayant omis d'écarter le bloc de couteaux de boucherie à côté, eh bien, comme le veut l'adage, un accident est si vite arrivé. Or, une fois que l'inévitable s'est produit, autant dire qu'il n'y a pas de retour possible. Il n'y a que la fuite, d'où le titre L'amour en fuite.

J'ignore ce que le jury présidé par l'immortel Dany Laferrière a pu penser de ce drame conjugal italien tiré d'un roman écrit par le réalisateur Tonino Zangardi. Pour ma part, j'ai soupiré d'ennui pendant les quarante premières minutes quand la caissière et le beau flic ténébreux qui ressemble à un clone d'Éric Bruneau se reluquent, se draguent et sautent au lit ensemble sur fond de soleil couchant dans une magnifique station balnéaire italienne. 

Rien de plus prévisible, de plus convenu et de mille fois montré au cinéma qu'un adultère. 

J'avoue cependant que lorsque les choses ont commencé à virer au vinaigre avec le mari, le film est devenu nettement plus intéressant et, surtout, plus subtil sur le plan psychologique. La vie est peut-être courte, mais l'aventure peut parfois devenir franchement calamiteuse, comme elle le devient pour Giuliana et Leonardo.

Reste la finale, franchement déconcertante et d'une morale qui obtiendrait l'approbation du pape lui-même. Sans rien dévoiler, disons que Tonino Zangardi n'apprécie pas les aventures sans lendemain et préfère de loin les unions stables sur l'air de «ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants».

Le dossier Petrov

Le deuxième film de la journée, Le dossier Petrov (Dosieto Petrov), nous vient de la Bulgarie et dépeint l'époque où les communistes y faisaient la pluie et le beau temps avant de continuer à le faire, mais au son des caisses enregistreuses du capitalisme.

Le scénario de ce film historico-politique qui se déroule entre 1988 et 1993 est du grand scénariste français Jean-Claude Carrière, qui a écrit Belle de jour et Journal d'une femme de chambre pour Luis Buñuel, avant de signer les scénarios de nombreux films à succès comme Viva Maria, Borsalino, Cyrano de Bergerac, et j'en passe. Le monsieur a aujourd'hui 84 ans, et si j'en crois le scénario du Dossier Petrov, il n'est pas au sommet de sa forme.

Ou peut-être est-ce la faute du réalisateur bulgare Georgi Balabanov, qui ne réussit pas à rendre cette histoire d'un acteur de théâtre censuré par les communistes, puis manipulé par leurs héritiers capitalistes, captivante. Pourtant, le fond historique et son ambiance grise et glauque ne manquent pas d'intérêt, mais la mise en scène est statique, académique et, trop souvent, nous donne l'impression que le film a été tourné il y a vingt ans.

Bref, une première journée de films moyens pour la compétition.

Fait à noter, ces deux premiers films qui concourent pour le Grand Prix des Amériques ont été réalisés par des cinéastes dans la soixantaine, ce qui n'est pas un défaut en soi. Plutôt le contraire. On n'a qu'à penser à Martin Scorsese (72 ans) ou à Woody Allen (79 ans), dont l'âge avancé n'a en rien diminué leur talent.

L'ennui avec les deux premiers concurrents du FFM, c'est qu'ils n'avaient pas pratiqué leur art depuis un certain temps. Le dernier film de Tonino Zangardi, 58 ans, remonte à 2008 et celui de Balabanov, 64 ans, à 2001. Pourquoi ne tournent-ils pas plus souvent? Poser la question, c'est y répondre.

En attendant, si vous voulez avoir un aperçu du FFM des belles années, je vous conseille d'aller jeter un coup d'oeil à la page Facebook de Tonino Zangardi. Il y a affiché une magnifique photo de l'esplanade de la Place des Arts bourdonnante de monde sous la banderole d'un FFM d'une autre époque, et une autre photo de la salle Maisonneuve bondée de cinéphiles. Il annonce d'ailleurs que c'est là, dans cette salle de 2500 places, que son film sera présenté. Il faudrait que quelqu'un lui dise qu'il s'est trompé de salle et de festival...