Bien qu'elle ne soit qu'au début de la quarantaine, Marie-Josée Arel a vécu plusieurs vies. Des vies multiples, sinon des grands écarts, qui ont mené la jolie blonde à la voix soyeuse de Sainte-Eulalie, où elle est née, jusqu'à Paris, en passant par l'autoroute 20, Montréal et Saint-Bruno.

Il y a eu sa vie avec les monster trucks au Madrid, célèbre restaurant routier entre Québec et Montréal, dont ses parents ont été les propriétaires. Sa vie dans une communauté religieuse de Trois-Rivières de 22 à 28 ans. Une courte vie dans la téléréalité française Secret Story, où elle n'est restée qu'une semaine, il y a quatre ans. Et enfin sa vie dans le Tupperware, où, à titre de directrice 5 étoiles, elle veille sur une équipe d'environ 200 conseillères. Des vies sans grand rapport entre elles, mais avec une constante: Dieu.

D'aussi loin qu'elle se souvienne, Marie-Josée Arel a cherché Dieu, la plupart du temps dans les mauvais endroits et pas de la bonne manière. Mais son incessante quête de spiritualité n'a pas été vaine et a porté ses fruits. Marie-Josée a fini par trouver Dieu. Et contre toute attente, il n'était pas aux îles Moukmouk ni dans une église ou un monastère. Il était bien au chaud chez elle, ou du moins en elle. C'est ce qu'elle raconte dans Dieu s'en moque, un ouvrage publié chez Québec Amérique, qui emprunte beaucoup à la culture de la croissance personnelle, mais en l'axant uniquement sur la spiritualité, afin d'aider les gens à «avoir une vie spirituelle excitante».

Je serai franche. Je n'avais pas envie de lire ce bouquin ni de rencontrer son auteure. Disons que Dieu, je m'en moque un peu, quand je ne m'en fiche pas complètement. Mais l'attachée de presse a insisté en faisant valoir le parcours assez singulier, merci, de cette drôle de fille qui, sur la couverture de son livre, ressemble à la soeur de l'animatrice Julie Bélanger.

Même blondeur rassurante, même sourire Crest, même air angélique. Je me suis dit pourquoi pas, et j'ai plongé dans le bouquin de 141 pages plutôt bien écrit, avec de l'humour, de l'autodérision et un bon sens de la vulgarisation.

Trois jours plus tard, Marie-Josée Arel était assise en face de moi dans un café d'Outremont. Je me méfie toujours des gens pour qui la spiritualité est une valeur cardinale. Je les imagine un peu comme des illuminés qui entendent des voix, parlent aux anges et voient Dieu dans leur jacuzzi.

Aussi ai-je commencé par un peu bousculer Marie-Josée avec des questions impertinentes dans le genre: Si Dieu est partout, est-il aussi dans un plat de Tupperware?

Je me demandais si j'allais ébranler son démon intérieur. J'ai vite découvert que rien ne pouvait ébranler la sérénité de Marie-Josée Arel. Elle a répondu à mes questions avec aplomb en me faisant comprendre que Dieu, c'était en fin de compte un mot, sinon un contenant, dans lequel on pouvait tout mettre: de l'amour, de la liberté, de l'altérité, ce que vous voulez.

«On parle beaucoup de religion et de religiosité, ces temps-ci, dit-elle, mais il est peut-être temps de parler de la dimension spirituelle de notre vie. Je regarde les gens autour de moi et je vois qu'ils sont tous en quête de quelque chose, appelons cela un rapport à l'au-delà, mais faute d'éducation ou de coach, ils ne savent pas comment nommer cette quête ni l'atteindre. Je le sais. Je suis passée par là, j'ai erré beaucoup avant de me trouver. J'ai le sentiment que mon expérience pourrait peut-être les éclairer.»

Hors des carcans

Marie-Josée Arel ne porte pas de signes religieux ostentatoires. C'est une catholique qui appuie la laïcité. Elle ne prie pas, ne va pas à la messe et croit qu'il y a moyen d'avoir une vie spirituelle en dehors des carcans de la religion.

«Il y a des gens pour qui Dieu et la religion, c'est la même chose. Moi, je crois au contraire qu'il faut séparer Dieu de la religion. D'ailleurs, si la Charte est dans une telle impasse, c'est qu'elle s'adresse à des gens qui entretiennent tous des liens différents avec Dieu et l'au-delà et dont les différences sont irréconciliables.»

Marie-Josée a commencé à s'interroger sur l'existence de Dieu à 15 ans. Elle travaillait, sortait, avait des amis, mais ses questions incessantes sur Dieu et l'au-delà la distinguaient des autres, un atout pour une adolescente qu'on surnommait Marie Jésus.

À 22 ans, sa quête spirituelle non comblée l'a menée en retraite fermée dans un centre chrétien, produit du renouveau charismatique de l'époque. Après y avoir passé un an à faire du bénévolat, elle s'y est installée pour de bon.

«Je n'avais plus envie de vivre ma vie d'avant, plus envie de travailler au Madrid avec mes parents. Je voulais me marier avec Dieu. J'en ai même fait la promesse devant l'évêque de Trois-Rivières.»

Tout allait bien dans la communauté, jusqu'au jour où une nouvelle directrice, laïque, mais intégriste, y a été nommée, imposant de nouvelles normes: plus de télé, la prière trois fois par jour, la même coupe de cheveux et les mêmes tuniques sévères pour tout le monde.

Accusée d'être possédée

La vie spirituelle de Marie-Josée s'est mise à dépérir à la vitesse grand V. Triste et déçue, elle a décidé de quitter la communauté, non sans déposer une plainte au diocèse de Trois-Rivières, déclenchant une enquête canonique et le congédiement de la directrice. Marie-Josée a été bannie du centre et accusée d'être possédée par le diable. «J'ai perdu tous mes repères», avoue-t-elle.

Mais la vie a repris son cours. Marie-Josée a retrouvé son âme et refusé d'abandonner sa spiritualité, se forgeant en cours de route un système de pensée où Dieu est une figure intérieure bienveillante, qui espère le meilleur pour chacun d'entre nous, mais n'intervient jamais.

«Ce n'est pas Dieu qui est responsable des malheurs et des tragédies, c'est la vie, dit-elle. Ce que Dieu nous donne, c'est la liberté de remettre en question toutes nos croyances.»

Il y a cinq ans, Tupperware est entré dans la vie de Marie-Josée. Au-delà des pots en plastique et des horaires flexibles, elle y a découvert ce qu'elle décrit comme un lieu d'épanouissement des femmes. C'est grâce à Tupperware qu'elle a eu le temps d'écrire son blogue et d'être remarquée par une recherchiste de la téléréalité française Secret Story où chaque participant est porteur d'un secret.

Après maintes hésitations, elle s'est laissée convaincre de tenter l'aventure. Au bout d'une semaine de tournage, pourtant, elle a quitté le bateau, en révélant qu'elle avait été membre d'une communauté religieuse, mais sans remporter le gros lot de 200 000 euros.

Aujourd'hui, Marie-Josée Arel arrive à un nouveau chapitre de sa vie dont le livre Dieu s'en moque est la première page. Elle affirme ne pas vouloir convertir les gens, seulement les aider dans leur cheminement spirituel. Elle espère qu'un jour, la spiritualité sera la source d'autant de chroniques dans les médias que la bouffe et la cuisine. Ce jour-là, qui sait si elle ne deviendra pas la di Stasio de la spiritualité? Dieu, en tout cas, ne s'y opposera pas.