Berlin Qui l'aurait cru? Yoko Ono a 80 ans aujourd'hui. Quatre-vingt ans! Mais c'est hier soir à Berlin qu'elle a choisi de fêter son anniversaire. Pas dans un resto avec des amis. Sur scène évidemment, celle du mythique théâtre Volksbuhne sur la place Rosa-Luxemburg.

À ses cotés, son fils Sean Lennon, clone de son père avec ses cheveux longs, sa barbe et ses lunettes, dirigeant les six musiciens du nouveau Plastic Ono Band auxquels se sont joints à la fin, une poignée d'amis musiciens dont Michael Stipe du défunt R.E.M. et les Montréalais Rufus et Martha Wainwright.

Une soirée spéciale, très certainement mémorable du fait qu'elle ne se reproduira pas de sitôt, menée tambour battant par des musiciens de rock extraordinairement soudés et par une Yoko pimpante, en chapeau melon et lunettes noires.

La dame crie toujours plus qu'elle ne chante, des cris d'oiseaux, d'animaux, de hyène enragée. Elle ne s'est pas améliorée avec l'âge, au contraire. Elle ne sait pas tenir un micro, manque d'aisance et a passé la soirée à se dandiner drôlement sur scène. Ce n'était pas toujours élégant. En fait, ça ne l'était pas du tout mais c'est ce qui fait le charme de Yoko.

Que ceux qui l'aiment la suivent. Et hier soir, ceux qui l'aimaient étaient au moins 1500.

Le concert affichait complet depuis des semaines et a débuté avant même que les lumières s'éteignent avec une projection sur écran géant du Fly film, tourné en 1970 et dans lequel une mouche se promène sur le corps complètement nu de Yoko, s'attardant à son mamelon, son nez, son sexe, alouette! Le ton venait d'être donné.

Puis le trio féminin électro-pop Jiga Eva Masumi est venu allumer le feu d'artifice avec leur tube Hey, Yoko Ono. Il y a eu une autre projection d'images de la vie tumultueuse de Yoko, enfant au Japon, puis artiste avant-gardiste, puis muse de John Lennon ou selon certains, briseuse de party et responsable de la rupture des Beatles. Et puis, la vraie Yoko, un peu courbée par l'âge mais toujours aussi énergique et exaltée, est apparue.

C'est à cause de la musique de Kurt Weill, du théâtre de Brecht et de Berlin, sa ville préférée au monde selon son fils, que Yoko a voulu y être pour son anniversaire. Sans doute aussi parce que c'est à Berlin avec John Lennon qu'elle a trouvé le nom du Plastic Ono Band.

J'ignore comment sonnait la première mouture de ce groupe qui n'a cessé de se dissoudre et de se reformer, mais hier soir, sous l'impulsion de Sean Lennon qui est aussi bon guitariste que directeur musical, le groupe sonnait comme une tonne de briques, distillant un rock tonique et pas poussiéreux du tout notamment grâce à l'incroyable batterie de Yuko Araki, une jeune Japonaise qui à l'air de 12 ans, mais qui a une poigne de fer.

Soyons honnêtes: ce sont les musiciens qui ont fait le concert. Sans eux, la soirée aurait été moins enlevante. Mais redonnons à Yoko ce qui lui appartient: ce sont ses compositions qu'ils ont interprétées. Réarrangées par Sean, les compositions non seulement tiennent la route mais ne donnent pas mal à la tête.

Un des bons moments de la soirée fut le duo de Yoko et de la rockeuse de Toronto, Peaches, entonnant Yes, I'm a Witch, chanson dont le refrain - Je suis une sorcière, je suis une bitch, mais je m'en fous, je ne mourrai pas pour vous - irait comme un gant aux Pussy Riot.

Vers de la fin du concert, maman et fiston se sont retrouvés seuls sur scène, lui au piano, elle au micro mais sans cri d'animaux, pour chanter une très jolie chanson de Yoko sur Hiroshima qui se termine par I am still here, Je suis encore ici, paroles qui hier résonnaient avec une douce mélancolie pour cette guerrière qui sait qu'elle n'est pas éternelle.

Et puis le gâteau et les 80 roses blanches sont arrivés et Rufus et Martha Wainwright, des bons amis de Sean Lennon, sont venus chanter Happy Birthday à Yoko. La soirée ne pouvait pas se terminer sans une ultime célébration de John et de Yoko et de leur hymne Give Peace a Chance repris en choeur par toute la salle. Deux heures plus tard, Yoko Ono entrait officiellement dans sa 81e année sur Terre.

Photo: Reuters

Yoko Ono au musée Schirn Kunsthalle de Francfort, qui présente une grande rétrospective de son oeuvre jusqu'au 12 mai.