J'ai attrapé Isabelle Maréchal à la sortie de l'émission qu'elle présente tous les jours de la semaine depuis 10 ans au 98,5 FM, entre 10 h et midi. Tisane à la main, elle m'a entraîné dans un bureau vacant et a répondu à chacune de mes questions avec aplomb. Heureusement que j'avais un enregistreur. Car avec elle, pas le temps de retranscrire des notes.

« On ne s'ennuie jamais avec moi, dit-elle en riant. Quand je fais Montréal-Québec avec mon chum, il a droit à une émission d'information juste pour lui. Je commente tout, la circulation, l'état des routes, les panneaux publicitaires... Je suis une copilote très divertissante. »

Ce désir de communiquer sa pensée, Isabelle Maréchal l'a toujours eu. « Parfois, des filles que j'ai connues durant mon enfance m'écrivent pour me dire qu'elles sont fières de moi, car je fais ce que j'ai toujours voulu faire. Toute jeune, j'interviewais mes amis. Quand ils répondaient mal, je leur disais quoi dire. »

Isabelle Maréchal a 9 ans quand, avec ses parents, elle quitte sa France natale. La famille s'installe d'abord à Québec. Les premières années sont éprouvantes pour la petite fille.« J'ai tout de suite fait face à la réalité de l'immigration, l'accent, le regard des autres, tout ça. »

À ce défi s'ajoute une aversion pour l'école. 

« L'école ne me convenait pas. J'étais malheureuse, je regardais toujours dehors. Sans doute qu'aujourd'hui, on m'aurait donné du Ritalin. »

- Isabelle Maréchal

Au secondaire, il y a des jours où l'élève mitraille l'enseignant de questions et d'autres où elle décroche complètement. En 3e secondaire, elle fait partie d'un projet pilote où l'élève suit seul son programme scolaire grâce à des cahiers d'exercices. « J'ai terminé mon année en trois mois. J'ai fait du théâtre le reste du temps. »

Ses études universitaires la plongent dans l'univers des communications. Le bac qu'elle obtient sera enrichi plus tard d'un MBA à HEC. En 1985, elle dépose son CV à Radio-Canada. Elle est immédiatement embauchée comme journaliste à l'émission de consommation Tout compte fait.

UNE DIVERSITÉ QUI DÉRANGE

Réalisant rapidement que la « grande tour » peut être une véritable jungle, elle décide d'aller puiser une expérience à Windsor et à Toronto. Dès ce moment, sa polyvalence, nourrie par une insatiable soif de tout découvrir, commence à lui jouer des tours. « J'avais accepté un poste de VJ à MusiquePlus lorsque j'étais à Radio-Canada, à Toronto. Quand il m'a vue à la télé, mon boss m'a dit : "Dis-moi que je n'ai pas rêvé !" Il m'a fait choisir entre Radio-Canada et MusiquePlus. J'ai choisi Radio-Canada. »

Isabelle Maréchal a sans doute compris après cette expérience qu'elle n'avait plus à choisir. Un survol de son curriculum vitae montre une grande pluralité. Outre les participations à divers téléromans comme comédienne, on la trouve à Télé-Québec à des émissions d'affaires publiques. Pendant quelques saisons, elle anime Les copines d'abord en compagnie de Marie-Soleil Michon, Pénélope McQuade et Johanne Fontaine.

Parfaitement bilingue, elle devient commentatrice politique à CBC. « Les gens dans mon entourage ne comprenaient pas pourquoi je tenais à travailler en anglais. Moi, je voulais travailler pour CNN. J'ai reçu une offre de l'antenne qui est dans le Maine, mais comme je venais d'avoir mon premier enfant, j'ai laissé tomber. »

Comme elle a tendance à traiter l'information de manière personnelle, Stéphane Laporte lui demande de se joindre à l'équipe de La fin du monde est à 7 heures. Une fois de plus, on la retrouve là où on ne l'attend pas. « Cette diversité, ça mêle les gens. Moi, je pourrais interviewer le pape, Céline Dion et Mme Panet de la rue Panet. Je pourrais animer une émission de déco demain matin. »

CHERCHEZ LA FEMME

Isabelle Maréchal hésite à dire qu'elle est ambitieuse. Mais fonceuse, oui. C'est ce cran qui lui a fait pousser un jour la porte de CKAC, l'ancêtre du 98,5 FM. « Je suis allée voir Raynald Brière avec une page de La Presse où il était question des animateurs [uniquement masculins] de la station. Je lui ai dit : "Sincèrement, ça fait dur ! Cherchez la femme ! Je pense qu'il vous faut une femme et cette femme, c'est moi." »

Après quelques années à CKAC, Isabelle Maréchal devient la première animatrice à occuper le fauteuil de morning woman au 98,5 FM lors de son inauguration, en janvier 2003. « Disons que la fameuse phrase qui disait : "Isabelle Maréchal a réchauffé la chaise de Paul Arcand", je l'ai beaucoup entendue. »

À l'aube de la 11e saison à la barre d'Isabelle, Isabelle Maréchal occupe solidement la troisième place au rang des émissions les plus écoutées à Montréal après celles de Paul Arcand et d'À la semaine prochaine. Elle arrive donc en tête chez les femmes. 

Avec les Julie Bélanger, Catherine Perrin, Mitsou, Annie Desrochers, Marie-Louise Arsenault et Véronique Cloutier, elle forme le peloton des animatrices les plus appréciées à Montréal.

« Il y a encore des gens qui pensent qu'une fille à la radio, c'est anecdotique, que c'est là pour faire du bruit, se désole Isabelle Maréchal. J'ai toujours pensé qu'en travaillant fort, on pouvait y arriver. Cela dit, j'ai souvent été frustrée de voir que cette équation n'est pas toujours automatique », ajoute celle pour qui Janette Bertrand a été un modèle de persévérance et d'audace.

UNE IDÉE PAR JOUR

En couple depuis 17 ans avec l'homme d'affaires Thierry Houillon, Isabelle Maréchal est la mère de deux filles : Audrey, 22 ans, et Laura, 16 ans. Avec son mari, elle n'hésite pas à créer divers projets. « On s'oblige à avoir une idée par jour. »

Isabelle Maréchal utilise sa notoriété pour promouvoir différentes causes sociales, comme Regroupement Partage, dont elle est la marraine depuis 10 ans. « Je réalise que j'ai souvent vécu ce que les autres vivent. Je me suis impliquée dans la cause de la violence conjugale, il s'est trouvé que j'avais vécu certaines choses. »

Elle reconnaît que la politique l'intéresse vivement et avoue qu'elle a souvent été courtisée par différents partis. « J'aurais du mal à trouver mon port d'attache. Je trouve que nous avons une offre plutôt pauvre. En plus de cela, comme j'ai gueulé sur tous les partis sans exception, ce serait facile de m'attaquer une fois candidate. »

Après quelques jours de campagne électorale, Isabelle Maréchal se dit « border tannée ». Elle est déçue du niveau des débats. « Les médias ont une responsabilité là-dedans. Quand, une semaine plus tard, tu es encore sur le cas de Gertrude Bourdon, il y a un problème. »

UNE 11e SAISON

L'équipe d'Isabelle a repris le collier il y a quelques jours. Les deux recherchistes de l'émission (dont Isabelle Maréchal parle avec émotion) et l'animatrice sont à pied d'oeuvre. « Je n'ai pas de collaborateurs, je ne reçois que des invités. » Pour le reste, elle peut compter sur ses auditeurs pour réagir aux trois ou quatre sujets quotidiens.

Le choix de ces sujets et la manière de les aborder ont installé au fil du temps une relation d'intimité avec les auditeurs. « Je l'aime, cette proximité. J'y tiens. Ce qui m'intéresse au fond dans ce métier, c'est que les gens, quand je vais faire mon épicerie, viennent me voir pour me dire qu'ils aiment m'écouter. »

J'ai quitté Isabelle Maréchal complètement énergisé. Elle qui venait de faire deux heures de radio s'en allait faire une présentation pour sa boîte de production télévisuelle. Il n'y a pas de doute, cette fille a de l'énergie à revendre. Et des idées aussi !