On n'accordera pas trop d'importance à la liste des finalistes des Golden Globes, dévoilée cette semaine par la Hollywood Foreign Press Association, organisme dont on remet en question chaque année la pertinence, le jugement et la crédibilité. Et pour cause.

On a beau organiser le plus divertissant des galas télévisés - animé de nouveau par les géniales Tina Fey et Amy Poehler -, lorsque l'on considère American Hustle de David O. Russell et The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese comme des «comédies», on s'attire des railleries. Pourquoi ne pas qualifier Twelve Years a Slave de comédie musicale, tant qu'à y être?

On prendra le gala des Golden Globes pour ce qu'il est: une émission de télé fort divertissante, où des stars du cinéma et de la télé, légèrement intoxiquées, trinquent en bonne compagnie avant d'aller cueillir leurs prix. Il y aura des tenues de soirée à commenter pour certains, des vannes des animatrices à apprécier et des pleurs d'acteurs pour en émouvoir d'autres.

On ne confondra surtout pas ce gala avec ce qu'il n'est pas, c'est-à-dire un indicateur fiable d'un événement plus prestigieux (aux choix tout aussi contestables): la soirée des Oscars.

Que l'on soit ou pas amateur des soirées strass et paillettes hollywoodiennes, la bonne nouvelle pour tous les cinéphiles à l'approche de la «saison des prix», c'est que les films désignés comme «oscarisables» par les studios, et donc dignes de «considération» de la part des électeurs de l'Académie, arrivent enfin sur nos écrans.

Les rumeurs, bonnes et moins bonnes, courent depuis un moment - le Festival de Toronto en étant le foyer, dans bien des cas -, et le moment est venu de voir de quel bois certains se chauffent.

Décembre est un moment béni de l'année où les cinéphiles peuvent se mettre sous la dent des morceaux de choix, comme le susmentionné Wolf of Wall Street de Martin Scorsese (à l'affiche le 25 décembre), que l'on annonce, à près de trois heures, comme le grand retour à ses premières amours du cinéaste de Casino et de Mean Streets, après la parenthèse familiale de Hugo.

Du sexe et de la drogue à profusion, sur fond de rock'n'roll, et énormément d'argent amassé de manière pas très nette par un certain Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio), vrai de vrai requin de la finance, golden boy carburant aux femmes, à la coke et aux amphétamines, qui a arnaqué quantité d'investisseurs au début des années 80 avec ses discours de gourou de secte et ses méthodes de vente sous pression. Avant l'inévitable chute aux enfers et l'intervention corollaire du FBI. Un film que l'on attend avec impatience.

Dans la même veine, mais à l'affiche dès vendredi, American Hustle, de David O. Russell, s'intéresse aussi à des escrocs jumelés malgré eux au Federal Bureau of Investigation. Vaguement inspiré d'une histoire vraie - l'arrestation à la fin des années 70 de plusieurs politiciens pour corruption grâce à la collaboration d'arnaqueurs -, le film suit le parcours d'Irving Rosenfeld (Christian Bale, chauve et bedonnant pour les besoins du film), prêteur usuraire, vendeur de faux tableaux et admirateur de Duke Ellington.

Pour sortir du pétrin sa maîtresse et collaboratrice Sydney (Amy Adams, toujours en tenue sexy), qui se fait elle-même passer pour une comtesse britannique, Irving est contraint de donner un coup de main à un agent très ambitieux du FBI (Bradley Cooper, qui se frise les cheveux avec des mini-bigoudis).

L'intrigue, un peu alambiquée, n'est pas des plus originales, mais la manière dont David O. Russell (Silver Linings Playbook, The Fighter, Three Kings) filme l'extravagance et le ridicule de l'ère disco, avec des personnages truculents (Jennifer Lawrence en épouse désespérée, version Jersey Shore avant l'heure), est brillante et irrésistible.

Dans sa reconstitution d'époque, American Hustle rappelle à certains égards Boogie Nights de P.T. Anderson. Les personnages interprétés par Bale, Cooper et Amy Adams sont formidables, bluffants d'authenticité, même dans leur démesure. Grâce à la fragilité qui transpire du jeu des acteurs, et à une mise en scène particulièrement inspirée, qui les magnifie. Du bonbon.

Comme un Ciné-cadeau vient rarement seul, le 25 décembre prendra aussi l'affiche Inside Llewyn Davis des frères Coen, Grand Prix du jury du dernier Festival de Cannes et certainement l'un des meilleurs films américains de 2013, un grand cru. De l'humour décalé, parfaitement dosé, au service d'un scénario intelligent et d'une réalisation brillante, tout en finesse.

Llewyn Davis est un chanteur folk charmant, mais brouillon, malchanceux dans tout ce qu'il entreprend, qui n'arrive pas à vendre assez de disques et de billets de spectacles pour payer son loyer. Malgré son talent indéniable, tout semble jouer contre lui. Il sera condamné à rester dans l'ombre des plus grands, dont un certain Bob Dylan qui fera bientôt sa marque sur les mêmes scènes.

Inside Llewyn Davis, qui fait une place de choix à la musique folk - et à l'excellent interprète qu'est Oscar Isaac (une des révélations de l'année) -, est de la trempe des Barton Fink, Fargo et autres No Country for Old Men. Un Coen des grands jours, qui fera sans aucun doute bonne figure à la fois dans les palmarès de fin d'année des critiques et dans les galas des prochains mois.

Il est d'ailleurs bien plus à sa place dans la catégorie de la meilleure «comédie» des Golden Globes qu'American Hustle ou The Wolf of Wall Street, même si l'humour des frères Coen y est, comme toujours, bien noir et cruel. Mais voilà trois excellents films à découvrir pendant les Fêtes. Sans compter Justin Bieber's Believe, un documentaire sur le jeune chanteur prodige canadien qui prend lui aussi l'affiche le jour de Noël. Ben oui, je niaise...