Ce n'est plus un secret: Catherine Perrin succédera à Christiane Charette à la Première Chaîne de Radio-Canada, en septembre. Ce n'est un secret pour personne: Catherine Perrin est cultivée, brillante, curieuse, pertinente. J'ai secrètement parié un p'tit 20$ qu'elle aurait le job. Une question de feeling, comme dirait l'autre.

Attendez. En vantant les mérites d'une consoeur de Radio-Canada, viens-je encore de donner des munitions à ceux qui dénoncent les effets pernicieux de l'entente secrète Radio-Canada-Gesca? Misère.

Vous ne le savez pas, puisque c'est un secret bien gardé, mais l'entente secrète Radio-Canada-Gesca, rendue publique par communiqué de presse le 19 janvier 2001 (donc extrêmement secrète), prévoyait une collaboration entre Radio-Canada et Gesca, propriétaire entre autres de La Presse, pour des événements spéciaux et autres promotions, notamment sur l'internet.

L'entente, on ne peut plus secrète, n'est plus en vigueur depuis 2003. Mais le secret demeure: s'il n'y a plus d'entente secrète, y a-t-il donc mésentente secrète? Et pourquoi l'entente secrète est-elle toujours réputée secrète si elle a été rendue publique il y a 10 ans? Mystère.

J'ai beau examiner le tableau de tous les angles possibles, je n'arrive pas à comprendre pourquoi Radio-Canada n'a pas signé une entente secrète avec le Journal de Montréal, propriété de Quebecor - également détenteur de TVA, son principal concurrent -, plutôt qu'avec Gesca. Ce n'est pas logique...

La Presse, qui ne s'en cache pas, fait plus que quiconque une place de choix au journalisme d'opinion, contrairement à Radio-Canada, qui pratique de manière plus uniforme un journalisme d'objectivité. Pourquoi diantre Radio-Canada ferait appel à des éditorialistes et chroniqueurs de La Presse pour commenter des actualités que ses propres journalistes ne peuvent commenter avec la même liberté de ton?

Pourquoi Le Devoir, qui a quoi, deux ou trois columnists dans ses pages, n'est pas aussi présent sur les ondes de Radio-Canada que La Presse, qui compte une vingtaine de columnists et au moins quatre fois plus de journalistes? Et pourquoi Richard Martineau, pourtant libre de toute activité professionnelle un dimanche sur deux entre 13h24 et 14h18, n'a pas sa propre émission à la radio publique?

La situation, je vous ne le cacherai pas, me semble scandaleuse. Aussi, j'en aurais volontiers fait une chronique plus tôt, si ce n'est du fait que 156 autres chroniques ont été écrites à ce sujet bien précis, depuis un an, par certains de mes confrères, valeureux chiens de garde de la démocratie.

Je pense en particulier à Sophie Durocher, qui nous rappelle au moins une fois par semaine, dans différents médias de Quebecor, que trop de journalistes de Gesca sont invités dans des émissions de Radio-Canada. Elle ne s'en vante pas, Sophie, ce n'est pas son genre, mais elle a déjà travaillé à Radio-Canada. En voudrait-elle, très secrètement, à son ancien employeur? Tant de questions sans réponses.

Mardi, en annonçant l'embauche de Catherine Perrin pour le créneau de 9 h, le nouveau patron de la radio française de Radio-Canada, Patrick Beauduin, a insisté sur le fait qu'il y aurait une plus grande «diversité» de points de vue à son émission. S'il faut en comprendre qu'il y aura moins de journalistes de La Presse en ondes, c'est Sophie Durocher qui sera contente. Jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle vient de perdre le tiers de ses sujets de chroniques. Je la plains sincèrement.

On dira que je ne suis pas neutre dans ce débat. C'est vrai. Ce n'est plus un secret, je ne le nierai pas: je suis journaliste à La Presse. Depuis 18 ans. Je suis aussi, quelques mois par année, collaborateur à l'émission C'est juste de la TV, à ARTV, devenue depuis peu la chaîne culturelle de Radio-Canada. Et j'ai été, pendant plus de quatre ans, un collaborateur régulier de l'émission de Christiane Charette à la Première Chaîne.

Je ne m'en cacherai pas davantage: l'entente secrète qui me lie à Radio-Canada est à ce point secrète que je n'en ai jamais vu l'ombre. Je n'en ai même jamais entendu parler. Le mémo top secret qui m'interdit, sans doute par obligation contractuelle, d'émettre la moindre réserve sur une émission de Radio-Canada a dû avoir été envoyé pendant mes vacances.

Je ne l'ai jamais reçu. Aussi, je critique quasi chaque semaine Radio-Canada, souvent durement, sur une chaîne qui appartient à Radio-Canada. Je le fais régulièrement dans La Presse (mardi, encore). Je reste convaincu, même s'il n'y en a pas de preuve tangible, que mes confrères du Journal de Montréal peuvent critiquer aussi librement que moi toute émission de TVA. En secret, évidemment.

Parlant de TVA, je me souviens d'une époque où j'y étais invité pour parler de cinéma ou de phénomènes culturels. C'était avant l'ère Quebecor. Depuis, silence radio. Ai-je déjà été invité à une émission du 98,5 FM? Je n'en ai pas souvenir. En revanche, j'ai croisé récemment Sophie Durocher à l'émission de Christiane Charette.

Comme Patrick Beauduin, un homme brillant pour qui j'ai beaucoup d'estime (je fais bien sûr ces compliments par contrainte contractuelle), je crois que la diversité de points de vue est essentielle dans tout média. La Presse en est bien la preuve. Mais je me demande: taper avec une insistance maladive sur le même clou pendant un an, est-ce faire preuve d'un point de vue diversifié?

Pour joindre notre chroniqueur: mcassivi@lapresse.ca